Les avions quittant le sol français seront bientôt assujettis à une taxe si leur réservoir n’est pas en partie rempli de biocarburants. Le système qui se profile vise à faire décoller les biocarburants « avancés », ne concurrençant pas les cultures alimentaires. Si la R&D nationale et européenne s’active, aucune unité de production ne tourne aujourd’hui en France.
Le gouvernement prépare une taxe qui incitera le transport aérien à incorporer des biocarburants au kérosène, a indiqué Anne-Florie Coron, du ministère de la Transition écologique et solidaire, lors d’une table ronde organisée le 26 juin par IFP Energies nouvelles (Ifpen). Confirmant ainsi une piste récemment esquissée par la ministre des Transports.
Plus de 85 % d’abattement des gaz à effet de serre
Vraisemblablement introduit « d’ici à 2021 », le dispositif sera calqué sur celui en vigueur depuis 2005 dans le transport routier : les distributeurs de carburants supportent une taxe générale sur les activités polluantes (TAGP, 1) en cas de non-respect d’un taux d’incorporation dans l’essence et le gazole de biocarburants – plafonné à 7 % pour ces solutions alternatives de première génération. Les biocarburants de deuxième génération (ou avancés), produits à partir de résidus de biomasse ou de la matière lignocellulosique des plantes (non comestible), « ont tout leur sens dans le transport aérien », affirme la sous-directrice de la Sécurité d’approvisionnement et des Nouveaux Produits énergétiques.
L’Ipfen met en avant le projet BioTfuel, mené avec cinq partenaires européens (2) sur un procédé biochimique produisant du biogazole et du biokérosène de synthèse : « La voie royale pour intégrer du carburant alternatif à 50 % dans les réservoirs des aéronefs, selon Jean-Christophe Viguié. A ce niveau d’intégration, le gain sur les émissions de gaz à effet de serre est de 85 à 90 % par rapport à la référence fossile », assure le responsable du programme biocarburants.
Une offre et une viabilité économique incertaines
Premiers préalables au déploiement de cette alternative : la mobilisation de la ressource et la création d’unités de production. « Il ressort des Assises du transport aérien de 2018 que l’obligation d’incorporation serait de 2 % en 2025, soit 120 000 tonnes par an : sera-t-on en mesure de s’approvisionner, sachant que l’on exclut de recourir à l’importation ? », questionne Sandra Combet, chez Air France.
Les biocarburants étant deux à cinq fois plus onéreux que le kérosène, la responsable de la stratégie biocarburants pointe un autre aléa : « Dans notre activité internationale, le passager n’est pas captif. Si le billet est renchéri de quelques euros en passant par Charles-de-Gaulle – où 60 % des voyageurs sont en transit –, il peut préférer faire escale ailleurs. »
Le risque de se détourner de Paris vaut aussi pour les compagnies. « A un niveau d’incorporation obligatoire de 10 %, il peut être tentant, pour relier New York à Paris, de faire un crochet pour une escale technique dans un aéroport où le biocarburant est moins cher, par exemple Reykjavik. Et le bilan carbone sera alourdi, prévient Nicolas Jeuland, chez Safran. Il faut que les industriels ouvrent le marché français à coût acceptable, ce qui requiert un soutien fort de l’Etat », souligne le responsable de la prospective sur les carburants bas carbone. Autre incertitude : le prix du pétrole. « A 40 dollars le baril, on oublie le projet », tranche un expert.
1. Répercutée sur le consommateur, comme le souligne le rapport annuel de la Cour des comptes de 2016. 2. Sa filiale Axens, Avril, CEA, ThyssenKrupp Industrial Solutions, Total ; 180 M€ de budget de 2010 à 2020, soutenu à hauteur de 33 M€ par l’Ademe et la Région Hauts-de-France.