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POLITIQUES

Vers une clarification du régime juridique applicable aux biens de retour

PUBLIÉ LE 1er AVRIL 2013
LA RÉDACTION
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Un litige relatif à l'attribution de certains biens acquis pendant l'exécution d'un contrat de concession a donné l'occasion au Conseil d'État de préciser et de clarifier le régime des biens de retour. COMMENTAIRE La concession est certainement le contrat le plus emblématique du modèle socio-économique français : en cumulant les avantages de la propriété publique et de la gestion privée, ce procédé contractuel permet de mettre à la charge du cocontractant d'une personne publique une mission globale portant sur le financement, la construction et la gestion d'un ou plusieurs ouvrage(s) nécessaire(s) à l'exécution de la mission de service public qui lui est confiée (1). Or, si les règles applicables aux concessions ne suscitent guère de difficultés, la question du sort des différents biens édifiés ou acquis durant la période d'exécution du contrat s'avère pour le moins délicate, et soulève régulièrement des interrogations en doctrine (2). La question n'est en effet pas sans poser de difficultés. Les faits de l'espèce l'illustrent parfaitement : la commune de Douai avait attribué une concession pour la distribution d'énergie électrique à une société à laquelle est aujourd'hui substituée Erdf. Un litige s'étant élevé quant à l'attribution de certains biens, le juge du contrat, confronté à un cahier des charges incomplet, devait se prononcer sur la qualification juridique des biens non expressément mentionnés au contrat. Cette configuration, somme toute classique, aura été l'occasion pour le Conseil d'État d'apporter diverses précisions qui, si elles n'innovent pas, ont au moins le mérite de clarifier un régime souvent obscur. I. L'indispensable mise en ordre des règles de répartition des droits de propriété afférents aux biens de la concession Conformément à la logique économique du contrat, le concessionnaire est tenu d'édifier ou acquérir des biens pour le compte de la personne publique, laquelle doit en recouvrer la jouissance une fois le contrat arrivé à son terme ; mais cette règle, acquise, ne vaut pas pour l'ensemble des biens mobilisés durant l'exécution du contrat, certains biens restant la propriété du concessionnaire. Si la répartition des droits de propriété afférents à ces biens a longtemps résulté des seuls termes du contrat (3), le Conseil d'État a apporté un sérieux infléchissement à cette solution traditionnelle par un important avis de la section des travaux publics en date du 19 avril 2005. Par cet avis, le Conseil d'État affirmait que les biens « nécessaires au fonctionnement du service (…) appartiennent dès l'origine à la personne publique et lui font nécessairement retour gratuitement à l'expiration de la convention », étant même précisé que « les conventions ne pourraient d'ailleurs légalement prévoir une propriété privée de ces installations pendant la durée de l'exploitation » (4). La doctrine en a donc fort logiquement conclu que, désormais, la répartition des droits de propriété ne devait plus uniquement résulter des stipulations du contrat, mais bien de l'intérêt que revêt le bien en cause pour la bonne exécution du service public. Malheureusement, le Conseil d'État ne s'était pas encore prononcé sur le point de savoir si cette nouvelle classification s'applique de plein droit, ou si les parties peuvent l'aménager, voire y déroger, par voie contractuelle, en fixant différemment la ligne de partage entre les biens appartenant à la personne publique, et ceux qui relèvent du patrimoine du concessionnaire. À cette interrogation, le présent arrêt apporte une réponse en deux temps : en effet, si l'appartenance des biens nécessaires au fonctionnement du service public doit s'entendre de manière objective, en considération de la seule nature du bien concerné (A), les parties conservent une certaine sphère de liberté quant au choix du régime juridique applicable – mais une sphère de liberté conditionnée par le respect du droit de la propriété des personnes publiques (B). A. Appartenance objective des biens nécessaires au fonctionnement du service S'agissant de l'appartenance des biens de la concession, et si l'on s'en tient au présent arrêt, il convient de distinguer clairement les biens nécessaires au fonctionnement du service des autres biens de la concession. Les biens nécessaires au fonctionnement du service sont, par nature, qualifiés de biens de retour en ce que le régime juridique auxquels ils sont soumis impose qu'ils fassent retour gratuitement au patrimoine de la personne publique, une fois le contrat arrivé à échéance. Ce principe, solennellement consacré par le présent arrêt, ne souffre aucune exception : une clause qui mettrait à la charge de la personne publique le rachat, en fin de contrat, d'un bien nécessaire au fonctionnement du service serait censurée par le juge. À l'inverse, les biens non nécessaires au fonctionnement du service ne sont pas soumis au régime juridique applicable aux biens de retour : ils peuvent donc être répartis librement, en tenant compte de l'économie générale du contrat. Ainsi ces biens pourront être qualifiés de « biens propres », appartenant au concessionnaire, ou de « biens de reprise » susceptibles d'être rachetés par la personne publique, si cette dernière décide d'exercer une option prévue au contrat. Naturellement, les contractants peuvent également qualifier ces biens de « biens de retour », aucun principe ni aucune règle ne faisant obstacle à ce que le contrat prévoie leur incorporation gratuite au patrimoine de la personne publique. Il en résulte qu'un bien qui ne présenterait aucun caractère nécessaire quant au fonctionnement du service public ne peut être considéré comme un bien de retour qu'en application d'un accord de volonté manifesté de manière expresse par une clause du contrat. B. Liberté quant au choix du régime juridique applicable Cette approche dissymétrique – plus contraignante en ce qui concerne les biens de retour que les autres biens de la concession – s'explique en réalité par le fait que les biens de retour sont susceptibles d'être soumis aux règles du droit de la propriété des personnes publiques. En effet, ces biens remplissent l'un des critères d'identification du domaine public posé par l'article L. 2111-1 du Code général de la propriété des personnes publiques, dès lors qu'ils font l'objet d'un aménagement indispensable à l'exécution des missions de ce service public. La très grande liberté affectant la répartition des biens non nécessaires au fonctionnement du service public ne saurait donc être étendue aux biens de retour, dont il est simplement permis d'aménager le régime dans le respect des règles relatives au domaine public. Outre le fait que les biens de retour doivent faire retour gratuitement à la personne publique, ils sont également présumés lui appartenir ab initio, c'est-à-dire dès leur réalisation ou leur acquisition par le concessionnaire. Or non seulement cette présomption est une fiction juridique (5), mais elle a pu sembler interdire toute appropriation privative des biens de retour par le concessionnaire. En effet, si la jurisprudence reconnaît aux occupants du domaine public un droit de propriété sur certaines constructions qu'ils y édifient (6), cette appropriation privative, loin d'être générale, n'est compatible avec le principe d'inaliénabilité du domaine public qu'à la condition que l'autorisation de l'occuper et d'y édifier les constructions existantes n'ait pas été accordée en vue de répondre aux besoins du service public auquel le domaine est affecté (7). Cette solution – au demeurant très critiquée en doctrine – revient à dire que l'appropriation privative d'un bien édifié sur le domaine public est exclue lorsque ce bien est affecté au fonctionnement du service public. En conclusion, une concession ne peut valablement prévoir, au profit du cocontractant de la personne publique, l'attribution d'un droit de propriété sur les biens et ouvrages qualifiés de biens de retour, s'ils ont pour terrain d'assiette une propriété publique. Approfondissant cette solution, le Conseil d'État invite les parties à opérer la distinction suivante, s'agissant du régime juridique applicable aux biens de retour. Si le terrain d'assiette de la concession appartient à une personne publique (qu'il s'agisse d'une dépendance du domaine public ou du domaine privé), les biens de retour doivent intégrer le domaine public dans la mesure où ils respectent le critère d'identification de l'aménagement indispensable à l'exécution d'une mission de service public. Les parties ne peuvent déroger à cette règle qu'en respectant les exigences de la domanialité publique, car si le concessionnaire ne peut pas être le propriétaire d'un bien de retour, il peut néanmoins se voir octroyer des droits réels dans le respect des différents mécanismes existants (8), et à condition « que la nature et l'usage des droits réels consentis ne soient pas susceptibles d'affecter la continuité du service public ». Si, en revanche, le terrain d'assiette de la concession appartient à une personne privée, les contraintes liées à la domanialité publique disparaissent ; les parties peuvent donc décider d'attribuer au concessionnaire un droit réel ou, mieux, un droit de propriété sur les ouvrages nécessaires au fonctionnement du service public, à condition là encore de prévoir « les garanties propres à assurer la continuité du service public », le Conseil d'État citant notamment la faculté pour la personne publique de s'opposer à la cession de ces biens ou de ces droits. Pour autant, cette faculté est limitée à la seule durée d'exécution de la concession, le contrat ne pouvant que différer l'appropriation des biens de retour par la personne publique, étant entendu que, sauf lorsqu'ils appartenaient déjà au concessionnaire (9), ces biens sont destinés à intégrer le patrimoine de la personne publique à la fin du contrat. II. L'utile rappel du rôle de certaines clauses du contrat dans l'anticipation des conflits liés aux biens de la concession Après avoir exposé en détail le régime juridique applicable aux biens de la concession, le Conseil d'État, statuant comme juge de cassation, confirme la position de la cour administrative d'appel qui avait interprété restrictivement la notion de bien de retour (10). En l'espèce, le cahier des charges applicable – très précis quant à la répartition des droits sur le mobilier de la concession – ne réglait pas la question de certains biens immobiliers comme les bâtiments à usage de bureaux acquis par le concessionnaire, ou les logements accessoires au contrat de travail des agents affectés au service. Le tribunal saisi en première instance avait jugé que la commune devait être considérée comme propriétaire des installations litigieuses ; mais la cour considéra que parce qu'ils sont nécessaires au fonctionnement du service, les biens de retour ne doivent pas lui être simplement utiles : ils doivent être indispensables à l'exploitation de la concession (11). Suivant en cela les conclusions du rapporteur public M. Bertrand Dacosta, le Conseil d'État confirme cette interprétation de nature à circonscrire la catégorie des biens de retour : ce n'est que s'ils sont indispensables à l'exploitation du service que des biens non visés au contrat sont susceptibles de faire retour gratuitement au patrimoine de l'autorité concédante. Une lecture superficielle de l'arrêt pourrait laisser penser que le rôle du contrat est moins important que par le passé, tant en raison de l'objectivisation de la notion de bien de retour, que de la limitation de la liberté contractuelle des personnes publiques. Sans doute est-il plus juste de penser que le rôle décisif du contrat se situe désormais au niveau des détails, surtout lorsqu'il s'agit d'anticiper certaines difficultés, ainsi qu'y invite le Conseil d'État dans son arrêt. A. La notion objective de bien de retour Les parties doivent être attentives à la question de l'achèvement du contrat, l'idée étant de prévoir, à la suite des articles identifiant les biens de retour, des clauses permettant à la personne publique, dans les conditions qu'elles déterminent, de faire reprendre par son cocontractant les biens qu'il ne serait plus dans l'intérêt du service public de conserver. Là encore, le souci du Conseil d'État de donner une signification autonome à la notion de bien de retour semble évident : en effet, les biens qui ne sont plus nécessaires au fonctionnement du service public ne sauraient être objectivement qualifiés de biens de retour. B. Le contrôle des clauses d'indemnisation du concessionnaire L'attention des parties doit également être portée sur les clauses indemnitaires dues en cas de rupture anticipée des liens contractuels. Les personnes publiques ayant la faculté de résilier unilatéralement leurs contrats pour un motif d'intérêt général, il est admis que le concessionnaire a droit – si son préjudice est établi avec certitude – à une indemnisation totale de son manque à gagner (12). Or, comme il existe un moyen d'ordre public tenant à l'interdiction de condamner une personne publique à payer une somme qu'elle ne doit pas (13), le juge se doit de contrôler ces clauses. En principe toutefois, lorsqu'il y est confronté, le juge se contente de censurer toute disproportion manifeste entre le montant de l'indemnité stipulée au contrat et le montant du préjudice qu'elle vise à réparer, c'est-à-dire le montant dont la personne publique aurait dû s'acquitter, en application des règles générales du droit de la responsabilité (14). Le Conseil d'État rejette ce contrôle restreint s'agissant des clauses relatives à l'indemnisation des biens non amortis. Il s'agit en effet là d'une indemnité spéciale, due au fait qu'il est de la logique même des concessions que leur titulaire puisse amortir les investissements réalisés dans le cadre du contrat (15). Seulement, l'indemnité à laquelle peut prétendre le concessionnaire au titre du non-achèvement de ses amortissements ne saurait être versée en toute hypothèse : elle doit faire l'objet d'une justification particulière, bien par bien. Le concessionnaire n'a donc droit à être indemnisé qu'au titre de ses investissements non amortis évalués à leur valeur nette comptable, et sous réserve que le coût de ces investissements ne soit pas supérieur à leur valeur réelle. Cette règle, notamment posée par l'avis du 19 avril 2005 précité, est ici réaffirmée, et affinée. Ainsi, lorsque l'amortissement a été calculé sur la base d'une durée d'utilisation inférieure à la durée du contrat, l'indemnité doit être égale à la valeur nette comptable des biens telle qu'elle a été inscrite au bilan (16). Et dans l'hypothèse où la durée d'utilisation de ces biens aurait été supérieure à la durée du contrat, l'indemnité devra être égale à la valeur nette comptable qui résulterait de l'amortissement de ces biens sur la durée du contrat. Loin d'être superflu, ce rappel doit être parfaitement intégré, car si le Conseil d'État admet la possibilité de déroger à ces principes, il souligne que « l'indemnité mise à la charge de la personne publique au titre (des biens non amortis) ne saurait en toute hypothèse excéder le montant calculé selon les modalités précisées ci-dessus ». Les rédacteurs de contrat de concession doivent donc tenir compte de cette solution qui, bien que limitée au point précis de l'indemnisation des biens non amortis, s'avère plus restrictive que la jurisprudence applicable aux autres clauses indemnitaires. conclusion Pour les spécialistes, l'arrêt Commune de Douai pourra sembler une simple confirmation des conseils qu'ils prodiguaient, par prudence, depuis l'avis du 19 avril 2005 ; mais pour les agents publics et le monde de l'entreprise, il est une illustration supplémentaire de la spécialisation croissante des délégations de service public. Si la sphère de liberté contractuelle des parties semble en effet se réduire à chaque évolution jurisprudentielle, c'est avant tout parce que le contrat est aujourd'hui appelé à régir des questions de plus en plus techniques, incitant à la plus grande vigilance.
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