Alors que la COP24 (Katowice, 2-13 décembre) doit marquer le rehaussement des contributions des Etats, la France vient d’entériner la hausse de ses émissions carbonées de 2019 à 2023. A contre-courant des dernières recommandations du GIEC.
Que la classe européenne soit globalement médiocre n’excuse en rien le rang de « cancre du climat » qu’occupe la France, grince Célia Gautier, responsable climat et énergie à la Fondation pour la nature et l’homme (FNH). Les ONG sont atterrées par la décision gouvernementale, prise à la veille de la COP 24, de relever les plafonds sectoriels d’émissions inscrits dans la Stratégie nationale bas carbone (SNBC). Si la neutralité carbone est toujours visée pour 2050, la SNBC révisée le 27 novembre entérine une hausse des émissions sur la période 2019-2023. Une orientation dictée par le non-respect, depuis 2015, des budgets carbone : en 2016, le bâtiment excédait de 11% l’objectif, les transports de 6% et l’agriculture de 3%. Les émissions devront donc drastiquement baisser après 2024.
Incohérence française
« Or, d’après le GIEC, on dispose d’une fenêtre de tir de deux ans pour rehausser nos engagements, rappelle Lucile Dufour, responsable des politiques internationales du Réseau action climat. La France arrive à Katowice en s’illustrant par l’incohérence. » Selon le rapport spécial du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat publié début octobre, le pic mondial d’émissions doit être atteint en 2020 pour que la hausse moyenne des températures puisse être contenue à 1,5°C en 2100 par rapport à l’ère préindustrielle.
Tenir cet objectif requiert que le niveau des contributions nationales soit multiplié par cinq - et par trois pour rester sous les 2°C. Le calendrier idéal verrait une annonce de rehaussement des engagements des Etats à la COP24, suivie d’un an d’élaboration de mesures associée à une concertation citoyenne. Des stratégies abouties seraient présentées au sommet sur le climat des Nations-Unies, à New York en septembre 2019.
Absence de leadership européen
Le 22 novembre, ce sont 48 Etats vulnérables (principalement de petites îles) qui ont annoncé une révision à la hausse de leurs objectifs d’ici 2020. Mais c’est des régions les plus émettrices que sont attendus les signaux. Les Etats-Unis ayant annoncé leur futur retrait de l’Accord de Paris, « l’Union européenne doit tirer les autres pays vers le haut mais son manque de cohésion risque de la détourner de ce rôle central », pressent Jean-François Julliard, directeur général de Greenpeace France.
« La majorité des 500 entreprises engagées dans l’initiative Science Based Targets sont européennes, observe Pierre Cannet, en charge du climat au WWF France. L’Europe est d’autant plus en capacité de rehausser l’ambition climatique que les acteurs économiques sont mobilisés. Elle ne semble pourtant pas à même de montrer un front uni à Katowice. » Dès lors, c’est sur le conseil européen des 13 et 14 décembre, consacré au budget à long terme de l’Union, que l’ONG concentre ses attentes. « Le budget de l’Europe pour les sept prochaines années totalisera 1.200 milliards d’euros. Nous demandons qu’il soit à 40% orienté vers l’action climatique et à 100% compatible avec l’Accord de Paris. »