Ce mardi 4 décembre, dans un contexte social fortement marqué par le mouvement de contestation des « gilets jaunes », le Premier ministre, Édouard Philippe, a annoncé un moratoire sur la hausse des taxes sur les carburants. Une mesure jugée très sévèrement par les professionnels des énergies renouvelables et les représentants des ONG environnementales.
« C’est une très très très mauvaise nouvelle pour l’environnement. » Réunis dans le cadre du lancement de la « Semaine de la chaleur renouvelable », qui a lieu du 4 au 6 décembre – une première en France –, les représentants de l’association Amorce, de la Fédération des services énergie environnement (Fedene) et du Syndicat des énergies renouvelable (SER) ont déploré de concert, ce mardi 4 décembre, l’annonce faite le matin même par le Premier ministre, Édouard Philippe, concernant l’instauration, pour six mois, d’un moratoire sur la hausse des taxes sur les carburants (pétrole, gaz et fioul), répondant ainsi positivement à l’une des revendications des « gilets jaunes ».
« Un moratoire sur la fiscalité écologique n’est pas une bonne nouvelle », a affirmé Jean-Louis Bal, président du SER. Avant de poursuivre : « Il est plus que jamais nécessaire de faire de la pédagogie pour expliquer aux consommateurs français l’intérêt des dispositifs fiscaux mis en œuvre par l’État. » Pour sa part, Nicolas Garnier, délégué général d’Amorce, rappelle que « la fiscalité carbone doit revenir dans les territoires. » Et de citer le chiffre de « 10 milliards d’euros », correspondant aux recettes que percevra l’État en 2018 au titre de la fiscalité carbone. Le délégué général appelle également de ses vœux une « décentralisation énergétique » en France, laquelle pourrait être au centre des discussions d’un éventuel futur « Pacte pour la transition écologique », a-t-il avancé.
« La taxe carbone est la seule taxe vertueuse »
« S’il s’agit d’un moratoire pour remettre sur la table certains sujets, pour refonder les règles, cela peut être intéressant. Il nous faut, en effet, revoir le logiciel », a plaidé Nicolas Garnier. Et le délégué général d’Amorce d’ajouter : « Il convient de maintenir un signal prix négatif sur la consommation des énergies fossiles, lesquelles sont importées et émettrices de gaz à effet de serre, tout en mettant en place des mesures correctives et d’accompagnement pour les consommateurs, notamment les plus modestes. »
« La seule taxe existante actuellement et réellement vertueuse, c’est la taxe carbone », a renchérit Pascal Roger, président de la Fedene. « Or, son mécanisme n’est pas compris par la majorité de nos concitoyens et le gouvernement ne communique pas assez sur l’essentiel, à savoir que nous n’avons pas le droit de baisser les armes face au risque climatique », a-t-il poursuivi.
« Éviter le renoncement à l’écologie »
De leur côté, les ONG environnementales n’ont pas tardé à réagir à l’annonce d’Edouard Philippe. Parmi elles, WWF France « regrette que ces mesures immédiates portent principalement sur la fiscalité sur les carburants, alors que la colère exprimée par les gilets jaunes semble aller au-delà. » « Il faut maintenant mettre à profit les six mois de suspension, ainsi que la consultation qui devra avoir lieu sur cette période, pour aboutir à des solutions concrètes » autour de la fiscalité écologique mais aussi de « l’accompagnement social » des foyers, fait savoir l’ONG.
Pour la Fondation pour la nature et l’homme (FNH), « le moratoire annoncé ce matin ne doit pas signer un renoncement à l’écologie. » Avant de poursuivre : « conditionner, comme le fait le Premier ministre, le maintien de la fiscalité sur les pollutions à la réussite des concertations, sans mettre sur la table une révision plus large des priorités budgétaires du gouvernement, serait une impasse. » La FNH suggère trois axes principaux pour « fédérer les citoyens autour de la transition écologique » : construire un « big bang » fiscal pour soulager les ménages et mettre fin aux « privilèges » (concernant notamment le kérosène aérien) ; redonner des « moyens de vivre » aux Français, via par exemple le renforcement des chèques énergie et des chèques mobilité et le doublement de la prime à la conversion ; et enfin lancer un « grand plan public d’investissement de 10 à 20 milliards d’euros par an pour s’attaquer aux racines de notre dépendance à la consommation d’énergies. »