Paul Mougeolle : Interpellé en octobre 2018, Total a enrichi, en mars 2019, son plan de vigilance d’éléments sur le climat. Sans réellement l’infléchir. L’objectif de neutralité carbone en 2050 n’y figure pas. Réduire de 1 % par an la consommation d’énergie des sites pétroliers et gaziers de 2010 à 2020 est dérisoire. La volonté de croître dans le gaz s’oppose aux objectifs de l’Accord de Paris, dont le respect passe par la transition vers les renouvelables.
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La rencontre du 18 juin avec le président du groupe n’a pas rapproché les points de vue ?
Patrick Pouyané ne s’est pas engagé à réduire la production d’hydrocarbures. Il persiste dans le double discours qui affiche une politique cohérente avec l’objectif de 2°C en 2100, quand l’investissement porte quasi-exclusivement sur les hydrocarbures (3). Nous évaluons la contribution des activités mondiales du groupe aux deux-tiers des émissions nationales de GES, le président les ramène à 10 %. Total dissimule dans des annexes aux comptes consolidés sa référence au New Policies Scenario de l’Agence internationale de l’énergie, qui mène à un réchauffement compris entre 2,7 et 3,3°C. Cette référence vise peut-être à rassurer les actionnaires car ce scénario tend à garantir que les actifs ne se déprécieront pas.
On s’oriente donc vers une assignation devant le tribunal de grande instance, visant à rendre opposable à un acteur privé l’article 2 de l’Accord de Paris, où est cité l’objectif de 2 voire 1,5°C ?
La mise en demeure donne trois mois à l’entreprise pour revoir sa copie. Si elle était assignée, la procédure durerait au minimum deux ans. Total a une responsabilité historique et connaît de longue date le risque climatique lié aux énergies fossiles. Les collectivités agissent localement, les multinationales ont à le faire à leur échelle. Celles des pays du Nord se doivent d’être proactives. Notre affaire à tous et les Eco Maires appellent les élus, de tous pays, à rejoindre la démarche. Total se justifie par la nécessité d’approvisionner les clients, pointant les constructeurs automobiles.
A l’automne, Notre affaire à tous publiera les résultats de l’étude de conformité aux objectifs climatiques des plans de vigilance des entreprises du CAC 40. C’est toute l’industrie française qui doit rehausser ses ambitions.
1 : Arcueil, Bayonne, Bègles, Bize-Minervois, Champneuville, Correns, Est Ensemble, Grande-Synthe, Grenoble, La Possession, Mouans-Sartoux, Nanterre, Sevran, Vitry-le-François, soutenues par Notre affaire à tous, les Eco Maires, Sherpa et ZEA.
2 : Loi du 27/03/17 relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre.
3 : 9,2 mds $ dans la recherche-production d’hydrocarbures (hors acquisitions) contre 0,5 md $ dans le secteur décarboné en 2018, pointe le rapport « Total : la stratégie du chaos climatique », publié fin mai par Notre affaire à tous, 350.org et les Amis de la Terre France.