Le Sénat a adopté le 5 mars, en première lecture, le projet de loi d’accélération et de simplification de l’action publique. Le texte s’ajoute à la liste des mesures limitant la participation du public en amont de l’autorisation de projets (loi « Essoc » d’août 2018 notamment). Décryptage de l’avocat Christian Huglo.
Vous venez d’adresser à tous les parlementaires un texte invitant à « refuser de voter en l’état » le projet de loi sur l’accélération et la simplification de l’action publique (Asap). En quoi ce projet aboutirait-il à une régression du droit de l’environnement ?
Il s’agirait même d’une destruction du droit, engagée alors même que l’on attend les propositions de la Convention citoyenne pour le climat, en vue d’une politique annoncée ambitieuse. Le texte aux allures de pétition, que signent quelque 25 juristes et universitaires, est diffusé à l’ensemble des parlementaires en réponse à la sollicitation de notre cabinet d’avocats par des élus de l’opposition sur le projet de loi Asap. Lequel est voué à être invalidé par le Conseil constitutionnel ou attaqué au niveau européen : il est contraire aux principes constitutionnels du pays, au droit interne et communautaire et aux jurisprudences de la Cour de justice de l’Union européenne et de la Cour européenne des droits de l’homme. Entreprendre cette réforme revient à se tirer une balle dans le pied. Je serais prêt à l’attaquer si un client le veut.
Vous critiquez en particulier les articles 21 à 28. Que contiennent ces dispositions ?
Les articles 21 et 26 consacrent le fait accompli. Dans le premier cas, le dossier d’une installation classée pour la protection de l’environnement (ICPE) en cours d’instruction ne serait pas soumis aux nouvelles normes en vigueur au moment de la délivrance de l’autorisation. Dans le second, le préfet pourrait autoriser un chantier avant délivrance de l’autorisation environnementale si l’enquête publique a été réalisée et le permis de construire délivré. Selon l’article 23, l’Autorité environnementale (Ae) ne donnerait qu’un unique avis qui ne serait pas actualisé en fonction de l’évolution du dossier. C’est idiot car le projet peut être significativement modifié au vu du premier avis de l’Ae ou si de nouvelles études mettent en évidence des impacts mal appréhendés initialement. L’article 24 laisserait au bon vouloir du préfet la consultation du Conseil de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques concernant les ICPE. Même traitement pour la Commission départementale de la nature, des paysages et des sites au sujet des éoliennes et des carrières. L’article 25 permettrait au préfet de shunter l’enquête publique au profit d’une consultation électronique. En réalité, le texte complexifie au lieu de simplifier et il n’accélérera pas les délais de réalisation des projets puisqu’il ouvre la boîte à contentieux.
Il n’y aura pas besoin de 49-3 pour que le projet de loi soit adopté. Faut-il se résigner à ce recul ?
Un tel texte ferait effectivement revenir quarante ans en arrière. Mais, comme pour les retraites, ce qu’une loi fait, une autre peut le défaire. Ce projet de loi est à considérer comme un épiphénomène. Ce qui importe, c’est le droit climatique et ce qui nous sauvera, c’est le droit comparé et le droit international. Notre démarche montre que nous n’en sommes pas à rebours.