Les premières mesures d’urgence pour redresser l’économie n’intègrent pas suffisamment l’enjeu climatique, qui devra être mieux pris en compte dans le plan global de relance, avertit mercredi le Haut conseil pour le climat dans son rapport annuel.
Pour cette instance chargée d’évaluer les politiques publiques contre le réchauffement, la France est « très loin » de tenir ses objectifs de lutte contre le réchauffement. « Il faut insérer le plan de reprise dans les limites du climat et non l’inverse », résume Corinne Le Quéré, présidente du HCC, pour qui « les premières dispositions du gouvernement dans le plan de reprise ne vont pas dans le sens de nos recommandations ».
Ces mesures d’urgence ont en effet été « principalement tournées vers les secteurs très émetteurs de l’automobile et de l’aviation, sans conditionnalités fermes concernant leur évolution vers une trajectoire compatible avec les objectifs climatiques », ajoute la climatologue en présentant à la presse le deuxième rapport annuel du HCC, organisme lancé par Emmanuel Macron en novembre 2018.
Le gouvernement estime lui avoir mis des conditions, notamment pour Air France, en demandant une limitation des vols intérieurs quand existe une alternative ferroviaire en moins de 2 heures 30. Après avoir qualifié l’an dernier d’insuffisantes les actions de la France contre le réchauffement, le HCC souligne que la baisse de 0,9% des émissions de gaz à effet de serre en 2019 est "encore très loin des -3% (par an) attendus à partir de 2025 ». Et si « la mobilisation des pouvoirs publics est visible et croissante, concrètement il y a eu peu d’avancées » l’an dernier, selon sa présidente.
Mêmes voitures
Pour 2020, la donne a changé avec le Covid. Le président de la République a promis une relance écologique dans la foulée des municipales et de la fin de la Convention citoyenne pour le climat, dont il s’est engagé à reprendre 146 des 149 propositions, mais sans précisions sur les modalités de leur mise en oeuvre. Chiche, répond en substance la présidente du HCC, pour qui « le plan de reprise sera la mesure réelle de l’attention portée au climat » par le nouveau gouvernement.
Car pour l’heure, « le rythme de baisse des émissions est trop faible et les transformations structurelles ne sont engagées dans aucun des quatre secteurs » les plus émetteurs, à savoir les transports (30%), l’agriculture, le bâtiment et l’industrie (18 à 19% chacun), selon la climatologue. « Nous avons les mêmes voitures, les mêmes routes, les mêmes systèmes de chauffage et les mêmes industries », note le Haut Conseil, alors que l’Allemagne voisine a par exemple fléché ses aides au secteur automobile uniquement sur les véhicules électriques. Un "signal extrêmement clair pour l’ensemble du secteur » et une façon d’éviter une « prime à la casse » qui ne servirait qu’à écouler les stocks sans permettre de s’adapter « aux enjeux à venir ». Et de citer des mesures qui peuvent être « compatibles avec les objectifs climat », comme « la rénovation énergétique des bâtiments (qui) a des bénéfices sous tous les angles et pourrait être un point fort pro-climat » de la relance.
Changer de cap et d’échelle
Rénovation que la Convention citoyenne a justement proposé de rendre obligatoire, et que le secteur du logement a été intégré au ministère de la Transition écologique dans le nouveau gouvernement. Pour appuyer ses recommandations, le HCC a demandé à être reçu par le Conseil de défense écologique que M. Macron doit prochainement réunir. Et Bruno Le Maire, aux manettes de Bercy avec un périmètre élargi et centré sur la relance, s’est engagé à envoyer au Haut Conseil le futur plan « avant qu’il ne soit complètement fixé », explique Mme Le Quéré.
Le rapport du HCC constitue « un jugement sévère mais juste », a commenté Matthieu Orphelin, proche de Nicolas Hulot et député ex-LREM, appelant à « changer de cap et d’échelle ». Un « nouveau carton rouge pour Emmanuel Macron et son gouvernement », a estimé de son côté Greenpeace, pour qui le prochain budget rectificatif constituera un test de la capacité de la nouvelle équipe, notamment de la ministre de la Transition écologique Barbara Pompili, de « faire pencher la balance du bon côté » en matière de contraintes « d’écoconditionnalité ».