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POLITIQUES

Le gouvernement écarte le crime d’écocide

PUBLIÉ LE 23 NOVEMBRE 2020
FLORÉANE MARINIER
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Le gouvernement écarte le crime d’écocide
Les ministres Barbara Pompili et Éric Dupont-Moretti ont annoncé, à la place du « crime d’écocide » préconisé par la Convention citoyenne pour le climat, la création d’un délit de pollution et d’un délit d’atteinte à l’environnement.

Dans une interview au Journal du Dimanche parue ce week-end, la ministre de la Transition écologique Barbara Pompili et le garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti ont annoncé revoir l’une des 149 propositions de la Convention citoyenne pour le climat : la création d’un crime d’écocide. Si les deux ministres emploient le terme de « délit d’écocide » dans leur interview, ils entendent en réalité créer deux nouveaux délits : un concernant la pollution, et un autre sanctionnant l’atteinte à l’environnement.

Un crime d’écocide « anticonstitutionnel »

Pour justifier cette décision, Éric Dupond-Moretti fait valoir un problème de constitutionnalité concernant le mot « crime » : « le Comité légistique [qui a travaillé avec les citoyens pour traduire juridiquement leur proposition, NDLR] leur avait déjà clairement indiqué que l’écocide ne pouvait pas recevoir de traduction juridique en ces termes, notamment pour des questions de proportionnalité entre l’infraction commise et la sanction encourue. » Selon Claire Morcant, membre de la Convention citoyenne pour le climat interrogée par Environnement Magazine, le groupe « écocide » dont elle fait partie « a l’impression de ne pas avoir été compris. L’écocide ce n’est pas l’affaire de l’État ou d’une nation mais de l’humanité toute entière. D’où envisager un crime écocide, pour avoir un analogue au crime contre l’humanité. »

À la place du crime écocide, sera créé « un délit général de pollution, décrit Éric Dupond-Moretti dans le JDD. Les pénalités seront modulées en fonction de l’intentionnalité de l’auteur. Les peines encourues vont de trois ans d’emprisonnement à dix ans d’emprisonnement selon qu’on est en présence d’une infraction d’imprudence, d’une violation manifestement délibérée d’une obligation et la plus lourde, d’une infraction intentionnelle ». Les amendes iront de 375.000 à 4,5 millions d’euros. Le délit d’atteinte à l’environnement, quant à lui, « vise à pénaliser la mise en danger délibérée de l’environnement par des violations délibérées d’une obligation », pour une peine encourue de 100.000 euros d’amende et un an de prison.

À la Convention citoyenne pour le climat, l’accueil est mitigé : « On est satisfaits de la prise de position du gouvernement et du garde des Sceaux, mais elle ne correspond pas aux réelles positions de la Convention citoyenne. On espère que la discussion va continuer, et prendre en compte qu’on est pas des experts. », indique Claire Morcant. Elle témoigne n’avoir reçu les propositions du gouvernement que « le vendredi, à 23h50, et dès le lendemain les plateaux étaient investis par les ministres avant que la concertation ait lieu [ce matin, NDLR]. »
 


Éric Dupond-Moretti ajoute qu’un tribunal spécialisé sera créé dans chaque Cour d’appel. Une initiative saluée mais difficile à mettre en place, pour Claire Morcant : « On a vu qu’il y avait une volonté en face de mettre des moyens, de mettre la justice en réel ordre de marche. On espère que ce sera le cas, mais on en doute un peu. Il faudra du monde, former les futurs magistrats. » Un problème aussi soulevé par l’avocat Arnaud Gossement sur Twitter : « Sans juges, greffiers, enquêteurs et avocats : tout ceci sera décoratif. »

Dialogue possible ?

« Constitue un crime d’écocide, toute action ayant causé un dommage écologique grave en participant au dépassement manifeste et non négligeable des limites planétaires, commise en connaissance des conséquences qui allaient en résulter et qui ne pouvaient être ignorées », indique la Convention citoyenne pour le climat. Mais pour Barbara Pompili, « les limites planétaires sont une notion structurante mais trop floue pour être la base d’une infraction pénale. » Claire Morcant fait valoir qu’« au niveau international c’est une notion qui avance, on a intérêt à ce que la France suive ça. La notion d’écocide existe depuis 1970 et la guerre du Vietnam [premier pays à avoir introduit l’écocide dans sa loi, NDLR], c’est quelque chose de réfléchi depuis très longtemps. Mais c’est peut-être trop tôt pour la France. »

La mesure aurait pu être soumise à un référendum, mais l’idée a été écartée par la précédente ministre de la Justice, Nicole Belloubet. Deux propositions de loi allant dans son sens ont aussi été déposées en 2019, puis rejetées. Cette mesure est encore considérée comme « mise en danger » sur le site des 150, #SansFiltre ; la voilà désormais écartée. « On a signifié la possibilité de dialogue ce matin, pour dire qu’on était satisfaits de certaines propositions, mais pas de faire de notre proposition un délit et pas un crime, on espère que ça va être à nouveau réfléchi », conclut Claire Morcant.
DR
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