Accueil > Actualités > Politiques > [Tribune] Pour quelles raisons, les changements attendus lors de la COP26 ne viendront pas de l’État mais bien des entreprises ?
Julien Tchernia, PDG et co-fondateur d'ekWateur. Crédit : ekWateur
La COP26 a été l’occasion pour tous les États de se rassembler pour discuter des enjeux climatiques et s’accorder sur la mise en place de solutions dont nous avons besoin pour appréhender correctement les changements qui nous attendent. Du moins, c’est ce que nous attendions tous… Tribune portée par Julien Tchernia, PDG et co-fondateur d’ekWateur.
François Hollande estimait en 2015, que le monde avait écrit une « nouvelle page de son histoire ». Pourtant, après 6 années, le monde a-t-il réellement changé ? Ceux qui doutaient de la responsabilité de l’homme face au réchauffement climatique vont devoir se remettre en question.
Le dernier rapport du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) ne laisse plus place au doute, l’impact de l’homme est bel et bien à l’origine du dérèglement climatique. Si on se fie au scénario le plus pessimiste, on se dirige aujourd’hui vers un réchauffement de plus de 4°C d’ici 2100. Alors la question que l’on se pose tous à la suite de ce bilan catastrophique, est celle de savoir qui doit mettre en œuvre les changements les plus importants : les citoyens, les citoyennes, les entreprises ou l’État ?
Le gouvernement ne nous guidera pas vers le changement
Il serait normal de penser que l’État est le levier le plus important pour lutter contre le dérèglement climatique. A l’image de la récente Loi Climat en France, les enjeux écologiques ont bien intégré le débat politique. L’objectif de ce texte était de « tendre vers l’objectif de -40 % » de nos émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030 par rapport à 1990 » nous dit le ministère de l’écologie. Malgré certaines mesures concrètes, qu’il s’agisse par exemple de la limite des vols aériens internes ou de l’interdiction de la publicité sur les énergies fossiles, le texte est critiqué pour ces avancées trop timorés …
Quasiment dans le même temps, l’État était condamné pour inaction climatique dans « l’affaire du siècle » qui l’opposait à quatre ONG : Notre Affaire à Tous, Greenpeace, Oxfam, Fondation Nicolas Hulot. Le tribunal administratif de Paris a invité l’État à agir par tous les moyens possibles pour tenir ses engagements climatiques qui n’étaient jusqu’ici pas respectés. Alors, pourquoi une telle différence entre le discours, les ambitions et la réalité ?
La difficulté, c’est que les gouvernements démocratiques en place ont peu d’autres choix que celui d’appliquer la méthode des petits pas. Alors, que peuvent-ils faire ? L’expérience montre qu’ils ne peuvent pas faire grand-chose. De fait, les lois ne sont jamais avant-gardistes, or c’est ce dont nous avons besoin : d’avant-gardisme.
Chaque fois qu’un gouvernement a voulu aller vite, il s’est retrouvé limité par son impératif électif. Il ne peut pas prendre de mesures coercitives, c’est à dire impopulaires, au risque de créer des mouvements de manifestations ou, pire pour eux, de ne pas être réélus.
En 2018, Emmanuel Macron proposait d’augmenter la taxe sur les énergies fossiles de 44,60 euros la tonne à 55 euros, pour limiter leur utilisation. Conjuguée à la hausse du prix brut du pétrole, des milliers de français n’y ont vu qu’une diminution injuste de leur pouvoir d’achat. Résultat ? Le mouvement de contestation des Gilets Jaunes est né et le gouvernement a dû faire marche arrière. Et n’oublions pas l’élection, en partie sur un programme populiste et climatosceptique, de Donald Trump aux Etats-Unis. Chat noir de tous nos politiques, il a montré que le climato-scepticisme pouvait aller jusqu’à ramener des votes dans les urnes.
Les entreprises sont la clef du changement
Si, devant la loi, les entreprises sont des personnes morales, ce sont bien des individus qui les font vivre et leur donnent le cap à suivre. Pour reprendre les mots de Yuval Noah Harari, « nous oublions que les sociétés n’existent que dans notre imagination ». Nous imaginons les sociétés comme indépendantes des personnes qui les constituent alors qu’elles en sont justement la somme et qui ne relève pas de l’imaginaire c’est leur impact sur l’environnement !
Alors, puisque tout le monde est touché par le dérèglement climatique, que tout le monde en prend conscience pourquoi ne pas utiliser le plus grand levier d’action pour conduire le changement : l’entreprise. Ce levier, déjà existant, organisé et influent peut changer sous l’impulsion des gens qui la composent, qui la font exister et perdurer. D’ailleurs il suffira souvent d’une minorité déterminée au sein de celles-ci pour y arriver, ce qui, en soi, est un avantage non négligeable par rapport aux autres acteurs.
Par exemple, Emmanuel Faber a pu apparaître comme conducteur du changement au sein de son entreprise. En effet, la multinationale Danone obtenait le label B Corp pour ses filiales américaines et canadiennes en 2018 et devenait « entreprise à mission » en France en 2019. Désormais évincés on peut se questionner sur son bilan mais il est clair qu’un dirigeant qui conduit son entreprise vers le changement permet une prise de conscience et une action importante pour une organisation présente dans le monde entier. C’est peut-être le début de la fin pour « les systèmes capitalistes, tels qu’on les a laissés vivre, qui sont dans une forme d’impasse s’ils ne se transforment pas » pour reprendre les mots de l’ancien PDG de Danone.
Comme dirait Greta Thunberg : « Arrêtons le bla bla »
Les larmes du président de la COP 26, Alok Sharma, à l’issue des négociations témoignent de la déception du résultat de cette conférence. Ces rendez-vous sont, bien sûr, remplis de bonnes intentions mais n’aboutissent jamais à des résultats rapides. Pour aller plus loin que ce qu’apporteront les (n+1)ème COP, les entreprises et leur écosystème doivent transformer rapidement la société et ils le peuvent. Par exemple, dans le cas de la mobilité, c’est tout l’écosystème de Blablacar qui participe à promouvoir le covoiturage, comme celui de Vinted redore l’image de la seconde main dans l’industrie du textile.
Il faut mettre en œuvre les nouvelles idées, créer de nouveaux paradigmes, motiver ses employés, ses collègues, ses clients. Les entreprises y trouveront leur intérêt, au-delà de la planète et deviendront un moteur. Il faut simplement que les personnes qui la composent en prennent conscience et se retroussent les manches.