La loi Climat & Résilience prévoit l’entrée en vigueur en 2024 d’une étiquette environnementale – le futur « Affichage Environnemental » ou «éco-score» - dans le secteur de l’habillement. Le gouvernement souhaite mettre en place un affichage environnemental obligatoire dès 2024, ce qui est une très bonne nouvelle… Oui, mais si seulement les prochaines décisions et orientations techniques permettent de s’assurer que cet affichage environnemental serve réellement les objectifs initiaux : la réduction de l’impact de l’industrie de la mode, l’information précise et honnête pour le consommateur afin de l’engager à des achats plus responsables, l’encouragement des acteurs engagés afin de distinguer les bonnes pratiques du greenwashing.
En effet, ce projet de réglementation est clé pour l’avenir du secteur de la mode : le choix de la méthodologie d’évaluation de l’impact environnemental définit les futurs objectifs du secteur textile et la feuille de route de l’écoconception des metteurs sur le marché. En 2021, nous avons répondu aux sollicitations du Commissariat Général au Développement Durable (CGDD) et de l’ADEME dans le cadre de l’expérimentation XTEX visant à tester différentes méthodes pour un affichage environnemental textile/habillement[2]. Si nous prenons la parole aujourd’hui, c’est parce que les orientations techniques, qui vont être décidées dans les prochains mois, doivent éviter tout risque de greenwashing. La communication aux consommateurs d’un impact environnemental doit être exacte (c’est-à-dire en lien avec les étapes et données réelles du cycle de vie du produit) et associée au véritable impact de chaque vêtement pour ainsi favoriser les acteurs les plus engagés et les meilleures pratiques.
Nous sommes donc pour une méthodologie officielle, disposant :
- d’un socle technique adapté aux enjeux environnementaux du secteur textile/habillement, reflété dans les politiques publiques : comme la prise en compte de la biodiversité, des micro-plastiques ou de la durabilité... actuellement mal, voire non pris en compte par la méthode PEF, préconisée par l’Europe. Plusieurs ONG et bureaux d’études ont déjà exprimé leurs inquiétudes face à cette méthodologie[3] ;
- d’un socle technique, adapté, déployable à grande échelle, pour les metteurs sur le marché: une base de données commune, complète, qui ne favorise pas systématiquement une typologie de marques, de matières ou de produits (ex : fast-fashion, sportswear) ;
- de modalités d’affichage qui incitent les marques à afficher l’impact de leurs vêtements, tout en permettant aux solutions et dispositifs d’information complémentaires [4] aux consommateurs de donner accès à une information enrichie, présentée sous un format différent ou plus détaillé, et de nature à favoriser le report vers les produits générant le moins d’impact sur l’environnement ;
- de soutenir la recherche et le développement de méthodologies, car l’état de l’art actuel ne permet pas encore une modélisation précise et complète des impacts environnementaux du secteur textile et, il n’y a pas, aujourd’hui, de méthode permettant de mesurer l’ensemble des facteurs d’impacts de la fabrication des vêtements. A ce titre, il est nécessaire de : laisser place à l’innovation, à la recherche et au développement des méthodologies et laisser la possibilité aux acteurs de communiquer d’autres indicateurs complémentaires (ex : impact social contextualisé, impact sur la santé, bien-être animal…)[5].
Nous attendons avec impatience les orientations techniques du gouvernement, car l’affichage environnemental obligatoire est une réelle opportunité pour une transformation accélérée du secteur. Nous insistons néanmoins sur la possibilité de rester sur un modèle d’affichage ouvert et non restrictif, tout en respectant un socle commun afin de permettre aux marques de mieux informer leurs consommateurs. Sans cela, le risque serait d’aboutir à une censure de l’information additionnelle, qui pourtant serait bénéfique pour les choix des consommateurs et, in fine à la fin de l’innovation en matière de modélisation des enjeux environnementaux et de mesure d’impact.
[1] Fabrice Pouliquen, 20minutes, Entretien avec Bérangère Couillard, secrétaire d’État chargée de l’Ecologie, Environnement : « L’Eco-score poussera une partie des consommateurs vers des achats plus durables » (15/02/2023)
[2] ADEME, Affichage environnemental dans le secteur des textiles d’habillement et chaussures : expérimentation 2021/2022 (28/10/2022)
[3] EEB, Changing Markets, Fashion Revolution,... Open letter on concerns about the PEF methodology and its application to apparel and footwear products (24/10/2022)
UFC Que Choisir, Greenpeace, Les Amis de la Terre…, L’Obs, Étiquette environnementale : ne nous trompons pas de méthode ;
Make The Label Count, Plastic Soup,... Ensuring EU textile legislation does not licence greenwashing (30/11/2022)
FairTraide, Greenpeace, EEB, UFC Que Choisir, … Joint letter on concerns over the Substantiating Green Claims initiative’s (21/11/2022)
[4] Notamment les applications d’information aux consommateurs (ex : l’application Clear Fashion)
[5] Bien que La licence ADEME ne préjuge pas des orientations futures du gouvernement, si l’on se réfère au contrat temporaire de licence d’utilisation de la marque Eco-Score, les indicateurs non pris en compte par les ACV ne pourraient pas être couplées à des indicateurs complémentaires (ex : durabilité, microplastique, bio). “ Le couplage d’indicateurs ACV et non ACV est cependant uniquement autorisé pour le calcul d’éco-score dans le cadre d’expérimentations officielles” ADEME, Contrat de licence d’utilisation de la marque ECO SCORE®, disponible sur le site de l’ADEME (MAJ : 28/02/2023)