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POLITIQUES

Tribune | « Pas de transition écologique sans transversalité »

PUBLIÉ LE 29 JUIN 2023
DELPHINE MOUROT, RESPONSABLE DE PROGRAMME BIODIVERSITÉ À L’OBSERVATOIRE DE L’IMMOBILIER DURABLE
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Tribune | « Pas de transition écologique sans transversalité »
Delphine Mourot, responsable de programme Biodiversité à l’Observatoire de l’Immobilier Durable. Crédit : OID
Transformer profondément les modes de pensées et les processus organisationnels, en adoptant une approche systémique et transversale est plus que jamais nécessaire pour envisager une société à la hauteur du défi écologique à relever. Tribune signée par Delphine Mourot, responsable de programme Biodiversité à l’Observatoire de l’Immobilier Durable (OID). 

Ces dernières années, une multitude de dispositifs réglementaires et normatifs contraignant les acteurs publics comme privés à se préoccuper des enjeux liés à l’effondrement de la biodiversité ont vu le jour. Dans le secteur public, l’objectif Zéro Artificialisation Nette des sols d’ici 2050 en France, le renouvellement (en cours) de la Stratégie Nationale Biodiversité ou encore l’accord international de la COP15 sur la diversité biologique qui ambitionne 30% d’espaces protégés d’ici 2030 à l’échelle de la planète. Dans le privé, la loi Énergie-Climat (art.29) impose déjà aux investisseurs français des reporting annuels sur les impacts de leurs investissements en termes d’érosion de la biodiversité. Et cette obligation s’étendra aux entreprises dès 2024 par l’entrée en vigueur de la réglementation européenne Corporate Sustainability Reporting Directive.

Dans ce contexte réglementaire en pleine évolution, les initiatives sectorielles se multiplient pour répondre aux attentes de plus en plus exigeantes de la société civile et de nombreux acteurs dotent leurs stratégies de développement durable d’un volet dédié à la biodiversité. En 2022, 2% des investisseurs institutionnels effectuaient une analyse de risque biodiversité sur leur patrimoine immobilier et 48% déclaraient être en train de développer des méthodologies pour le faire !

L’expertisation des discours, grandissante et contreproductive

Attention toutefois au silotage des solutions. On assiste aujourd’hui à une classification des problématiques écologiques traitées de manière experte sur les différents domaines : d’un côté une stratégie climat, de l’autre une stratégie biodiversité, ou encore une stratégie liée à la gestion de l’eau ou des pollutions, chacune abordée individuellement. Cette « expertisation », observée aussi bien à l’échelle des politiques publiques qu’à celle des stratégies d’entreprises, génère des discours et des solutions fragmentés et empêche le traitement de la problématique dans son ensemble. 

Les enjeux peuvent être parfois même en contradiction. Les derniers chiffres publiés par le CNRS sur la baisse d’abondance des oiseaux à l’échelle européenne sont évocateurs : 28% des populations d’oiseaux qui vivent en milieu urbain ont disparu depuis 1980. Une partie de ce phénomène s’explique par la standardisation des bâtiments en conception et rénovation améliorant leur performance énergétique : façades lisses, sans anfractuosités, sans volets et avant-toits. Or, cette conception ne permet aucun refuge potentiel pour les espèces du bâti, espèces qui bénéficient souvent même d’un statut de protection juridique. Pour un acteur qui investit massivement dans la rénovation énergétique de son patrimoine immobilier, ne pas intégrer ces enjeux peut s’avérer fatal pour de nombreuses espèces. 

De manière analogue, la nouvelle réglementation environnementale pour le bâtiment, la RE2020, impose de réduire significativement le bilan carbone des projets. Une bonne chose pour la réduction des émissions de GES, mais qui est susceptible de favoriser l’installation de parkings sur des espaces naturels au détriment de parkings souterrains qui réduiraient la surface artificialisée par le projet, et donc l’impact sur les milieux naturels. 

Face à ces problématiques s’opposent d’un côté les recommandations des équipes en charge des sujets de décarbonation et de l’autre les défenseurs de l’écologie, auxquelles on peut également ajouter celles des équipes chargées de veiller à l’équilibre financier du projet, etc. Pour finir, personne ne se sent compétent pour arbitrer sur les thématiques hors de son scope, décourageant la mise en action vers des solutions innovantes.

L’adoption d’une vision systémique et pluridisciplinaire

La bataille n’est pour autant pas perdue d’avance. De nombreux collaborateurs et collaboratrices des entreprises de la filière font preuve d’une réelle volonté de faire changer les pratiques de leurs entreprises et cherchent à s’outiller pour relever ces défis. Au-delà des freins économiques et financiers, l’acculturation à ces sujets et la montée en compétence des professionnels semble être la voie à suivre pour enclencher une transition écologique cohérente et complète.

Dans l’exemple cité plus haut des impacts potentiellement négatifs de la rénovation sur la préservation de la biodiversité, intégrer des espèces dans les projets peut être simple si tant est qu’elle soit pensée en amont, par exemple en adaptant les méthodes de conception, en installant des nichoirs intégrés, en conservant certaines aspérités de façade, etc. Intégrer la biodiversité dans chaque étape du processus de décision, compte tenu des bénéfices pour les occupants des bâtiments et la société dans son ensemble, doit être mis au même plan que l’équilibre financier et carbone des projets.

Les approches telles que le modèle One Health, concept initié au début des années 2000, qui repose sur un principe simple selon lequel la protection de la santé de l’espèce humaine est pleinement imbriquée dans la santé de l’ensemble des écosystèmes, permettent d’appréhender la complexité de ces enjeux. Face aux interconnections entre santé des écosystèmes, de la planète et de l’espèce humaine, c’est le système dans son intégralité qui est à repenser.

Le contexte de crise économique que nous traversons doit être une opportunité saisie par les décideurs publics et privés pour renverser les paradigmes actuels. En intégrant les implications environnementales des activités dans le processus de décision au même titre que les aspects financiers, sans stratégie d’embellissement ou de greenwashing. En formant les équipes et en laissant la marge de manœuvre aux opérationnels afin de leur permettre de faire évoluer leurs pratiques. En faisant preuve d’audace et en acceptant de revoir en profondeur leurs modèles. Faute de quoi les crises environnementales et sociales nous imposeront à terme leur réalité.
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