Sophie Pignon et Claire Desjardins, avocates au cabinet Taylor Wessing. Crédit : Taylor Wessing
Le développement durable est devenu un principe fondamental de la commande publique. Simple incitation ou véritable obligation pour les acheteurs et les autorités concédantes ? Eléments de réponse avec Sophie Pignon et Claire Desjardins, avocates au cabinet Taylor Wessing.
1. La prise de conscience que la commande publique peut constituer un outil en faveur du développement durable est-elle récente ?
C’est par la loi Climat et résilience que cette prise de conscience s’est concrétisée. Elle constitue en effet un jalon important dans l’évolution de la prise en compte de considérations liées au développement durable dans les achats publics. Sur un plan symbolique en premier lieu, en insérant un nouvel article L. 3-1 dans le titre préliminaire du Code de la commande publique disposant que « la commande publique participe à l’atteinte des objectifs de développement durable, dans leurs dimensions économique, sociale et environnementale », la loi Climat et résilience consacre le développement durable comme un principe fondamental de la commande publique, au même titre que les principes d’égalité de traitement des candidats, de liberté d’accès et de transparence des procédures. Sur un plan opérationnel ensuite, la loi prévoit une intégration de préoccupations liées au développement durable à toutes les étapes de la passation et de l’exécution d’un contrat de la commande publique, tant s’agissant des marchés que des contrats de concessions (à l’exception notable des marchés et des concessions de défense et de sécurité).
2. Le développement durable : simple incitation ou véritable obligation pour les acheteurs et les autorités concédantes ?
La prise en compte du développement durable relève désormais d’une obligation légale pour toutes les personnes morales soumises au Code de la commande publique. Toutefois, les mesures qui en découlent, et qui pourraient avoir des conséquences sur la régularité des procédures d’achat, ont fait l’objet d’une entrée en vigueur différée de façon substantielle. Ce délai de plusieurs années a été pensé pour permettre aux praticiens de la commande publique d’appréhender ces nouvelles règles, qui ont vocation à s’appliquer à chaque étape de la vie d’un contrat de la commande publique.
3. Quelles sont les nouvelles règles ?
En amont de la publication de l’avis d’appel à la concurrence, il sera obligatoire de prendre en compte des objectifs de développement durable, dès la définition du besoin. En effet, en application de l’article L. 2111-2 (pour les marchés publics) et L. 3111-2 (pour les concessions), les spécifications techniques devront nécessairement prendre en compte des objectifs de développement durable dans leurs dimensions économique, sociale et environnementale. En outre, au stade de la sélection des offres, tant pour les marchés que pour les concessions, au moins un critère d’attribution devra désormais prendre en compte les caractéristiques environnementales de l’offre (article L. 2152-7 pour les marchés et article L. 3124-5 pour les concessions). Dès lors qu’il a été fait le choix de ne pas objectiver cette obligation, l’efficacité de cette mesure risque d’être conditionnée à la détermination plus ou moins forte des acheteurs en faveur du développement durable.
Enfin, les conditions d’exécution des contrats de concessions (article L. 3114-2) et des marchés (article L. 2112-2) devront prendre en compte des considérations relatives à l’environnement. Cette nouvelle obligation est à la fois de portée très générale – elle s’applique quel que soit le montant du contrat et la procédure d’attribution retenue, et très peu contraignante dans son contenu. Seuls les marchés et les contrats de concession pour lesquels une consultation est engagée ou un avis d’appel à la concurrence est envoyé à la publication après le 22 août 2026 sont concernés par ces trois nouvelles obligations, conformément à l’article 11 du décret n°2022-767 du 2 mai 2022. Si le 22 août 2026 peut sembler un horizon lointain, rien n’empêche les acheteurs et les autorités concédantes d’anticiper ces évolutions et de commencer à les intégrer dans leurs procédures d’achat avant cette date.
Enfin, l’obligation, pour certains acheteurs, d’adopter les nouvelles modalités du « schéma de promotion des achats publics socialement et écologiquement responsables » (SPASER), prévues par l’article L. 2111-3 du Code de la commande publique, est, elle, imminente : elle est applicable dès le 1er janvier 2023. Ce schéma a notamment pour objet de déterminer les objectifs de politique d’achat comportant des éléments à caractère écologique ainsi que les modalités de mise en œuvre et de suivi annuel de ces objectifs. Il n’est toutefois imposé qu’aux acheteurs dont le montant total annuel de leurs achats est supérieur à 50 millions d’euros HT (article D. 2111-3).
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Article publié dans
Environnement Magazine n° 1804.