Jean-Marc Lazard, co-fondateur et président d’Opendatasoft. Crédit : Opendatasoft
De l’énergie à l’eau, de la santé à l’alimentation, la gestion et le partage des données non personnelles en libre accès au sein des organisations pourraient catalyser la transition écologique et énergétique. Dans cette entrevue, Jean-Marc Lazard, co-fondateur et président d’Opendatasoft, entreprise française en pointe depuis une décennie dans la promotion de la démocratisation des données publiques, nous éclaire sur le rôle crucial de la donnée dans cette transition.
Environnement Magazine : Quelle est la mission d’Opendatasoft ?
Jean-Marc Lazard : Nous sommes trois co-fondateurs à l’origine d’Opendatasoft. Notre mission est de démocratiser les usages et la réutilisation des données. Pour ce faire, nous avons développé une solution logicielle permettant à nos clients de mettre en œuvre des portails de données offrant un accès unifié et simple au plus grand nombre. Nous encourageons le self-service en proposant un guichet unique à travers lequel les acteurs peuvent se servir et ne prendre que ce dont ils ont besoin. Le principe d’une plateforme de données, telle que nous la concevons, c’est de permettre d’explorer, de repérer les données intéressantes et de les consommer de manière responsable. La consommation des données est finalement guidée par l’usage final qui en sera fait.
EM : Quel est l’intérêt des données pour les acteurs publics comme privés ?
Jean-Marc Lazard : Chaque activité humaine génère des données non sensibles, mais elles restent souvent inexploitées. Or, dès lors que nous sommes capables de les rassembler, de les agréger, de les rendre utilisables et intelligibles, même en dehors de leur contexte initial, elles peuvent nous fournir des informations précieuses et complémentaires. Par exemple, la mesure d’une consommation d’électricité agrégée avec d’autres ressources peut immédiatement fournir des informations sur l’occupation d’un bâtiment. De même, les données sur la qualité de l’eau, initialement utilisées pour gérer des alertes et des tendances sur l’eau potable, ont permis pendant la crise Covid-19 de détecter des traces de virus dans les eaux usées, sans nécessiter de modification de l’infrastructure en place.
L’intérêt pour les organisations de partager ces données et de démocratiser leur accès peut être résumé en trois points : partager ces contenus avec des expertises externes pour mobiliser une forme d’intelligence collective entre des acteurs variés, qu’ils soient privés ou publics. Deuxièmement, créer de nouveaux types de relations entre les acteurs en vue d’améliorer et d’utiliser les technologies qui se nourrissent des données. Troisièmement, autonomiser les collaborateurs pour créer une nouvelle relation avec un écosystème interne innovant, afin de mieux gérer les crises et anticiper les risques au sein des grandes entreprises.
EM : Vous prenez l’exemple de la gestion de l’eau, est-ce que l’open data peut également servir à la transition énergétique ou à la décarbonation des entreprises ?
Jean-Marc Lazard : Oui. Certains clients, notamment des transporteurs d’énergie en Grande-Bretagne, ont intégré l’open data énergétique au cœur de leur stratégie Net zéro. Savoir ce qui est produit, où, en quelle quantité, et à quoi sert cette production devient essentiel à l’échelle d’un territoire. Bénéficier d’un accès à cette information permet aux acteurs du terrain d’améliorer et d’optimiser leur comportement en ligne avec les objectifs qui leur sont fixés. Cela implique à la fois une démarche technique et une transformation des habitudes de travail au sein des organisations et entre elles. C’est pourquoi la démocratisation de l’utilisation des données est si importante, pour simplifier le flux d’informations et finalement changer la façon de travailler.
EM : Peut-on utiliser l’open data pour élaborer des affichages environnementaux ?
Jean-Marc Lazard : Le partage de données peut en effet servir à la production de scores environnementaux. Lorsque les démarches de calcul et de communication autour de ces scores ont commencé à émerger il y a quelques années, on pensait que toutes les parties prenantes, qu’elles soient entreprises ou associations, allaient les utiliser pour communiquer. Cependant, l’idée d’être plus transparent et de rendre des comptes publiquement n’a pas été totalement acceptée pour diverses raisons. Aujourd’hui, ce qui entrave encore l’émergence de cet affichage, c’est l’absence d’une méthode de calcul unique faisant consensus parmi les entreprises. Mais nous en sommes encore aux prémices de cette démarche : des acteurs privés commencent à mettre en œuvre ce calcul au sein de leur structure, depuis l’achat des matières premières jusqu’à la distribution, en prenant en compte leurs impacts sur l’environnement et la société.
EM : Concrètement, comment accompagnez-vous un client qui fait appel à Opendatasoft ?
Jean-Marc Lazard : Nous cherchons à valider avec le client les objectifs de la démarche de partage de données et les bénéfices supplémentaires qu’il recherche. Veut-il accroître l’efficacité interne et la transversalité ? Changer sa manière de travailler ? Développer et améliorer sa relation avec son écosystème économique ou industriel ? Ou souhaite-t-il simplement mieux communiquer et partager ses informations avec la société en général ? Ensuite, en quelques jours ou semaines, le client obtient un portail en ligne utilisable au moins par les décideurs du projet et rapidement consultable. Pendant cette étape, nous conseillons le client pour optimiser les jeux de données référencés dans le portail, en réfléchissant à l’utilité des données en accès libre et en maximisant l’intérêt de ces jeux de données. Nous fournissons les outils pour rendre ces données facilement compréhensibles et repérables par les consommateurs, en évitant les descriptions trop techniques. L’objectif est que l’utilisateur final puisse consommer les données en toute confiance grâce à un système performant et à des jeux de données accessibles en accord avec les licences de droits d’utilisation qui lui sont présentées.