En juillet 2003, la loi Risques sommait les services de l'État d'élaborer en collaboration avec les industriels et les collectivités des plans de prévention des risques technologiques (PPRT), nouveaux outils de maîtrise de l'urbanisation aux abords des 622 sites Seveso à hauts risques. En 2008, le bilan est maigre - GPN et SAV à Mazingarbe (62), Butagaz à Bollène (84) et Nobel Explosifs à Riaillé (44) et à Lignières Orgères (53) - et aucune convention de financement signée.
Les concepts de probabilité et de cinétique introduits par la loi dans l'analyse du risque ont largement compliqué la révision des études de danger, autant pour les industriels qui les réalisent que pour les Drire chargées d'en tirer la carte des aléas. « Il a fallu faire un gros travail pour rendre la méthodologie plus audible », observe Patricia Blanc, chef de service à la direction générale de la Prévention des risques (DGPR) au Meeddat qui rapporte la mise en place depuis 2005 de 30 groupes de travail sectoriels (administration, industriels) pour adapter la démarche. « Un grand nombre d'investissements complémentaires ont été imposés aux industriels pour réduire le risque à la source (près de 200 ME en 2007). C'est du temps en plus avant la prescription, constate la responsable du ministère. Mais l'objectif de la démarche est bien de réduire au maximum les risques et le périmètre d'étude du PPRT pour limiter les mesures foncières. »
Mazingarbe, un des huit PPRT pilotes lancés en 2004 et premier plan approuvé en mars 2007 sur le site de GPN (Total, production d'engrais) et de la société artésienne de Vinyle (SAV) n'a pas évité cinq mesures de délaissement. Les douze études de danger du site - aujourd'hui révisées par GPN via l'analyse de 199 scénarios - ont été bouclées en deux ans. « Nous n'avons pas perdu de temps, mais nous avons dû financer l'ensemble des investissements (6,5 ME) alors qu'une partie serait aujourd'hui tripartite », souligne Philippe Franz, directeur de GPN.
La création du comité local d'information et de concertation (Clic) obligatoire dans les PPRT - il en manque encore une petite centaine au niveau national - n'a pas posé de problèmes sur ce site déjà rodé à la concertation. Et l'élaboration du plan a été bien accueillie par les communes riveraines qui ont pu lever le gel de l'urbanisme imposé en 2003. Seul hic, la lenteur de mise en oeuvre. Plus d'un an après l'approbation, on attend toujours la signature - imminente - de la convention de financement. Mais modèle pour les suivantes, elle fait l'objet d'une vigilance toute particulière.
Associant pétrochimie, raffinage et stockage en milieu suburbain, la raffinerie Total de Feyzin (69), un des trois PPRT (avec Arkema, à Pierre-Bénite, et Rhodia, à Saint-Fons) en préparation dans la vallée de la chimie, au sud de Lyon, est elle aussi un des huit sites expérimentaux et son PPRT n'est toujours pas bouclé. « Depuis 2004, nous avons remis 15 dossiers à l'administration et modélisé 950 scénarios. Sans compter les compléments d'études et l'intervention d'une tierce expertise. Au total, nous avons déjà investi 1 ME dans les études et 12 pour réduire le risque à la source, et nous nous apprêtons à envoyer à l'administration un dossier de synthèse », relate Sophie Caire, responsable environnement de la raffinerie. « Après une analyse distincte de leurs études de danger, nous souhaiterions prescrire les trois gros PPRT du sud lyonnais simultanément en 2009. Restera dix-huit mois pour déterminer les mesures foncières. Mais sur des sites aussi complexes avec des enjeux aussi lourds, notamment en matière d'expropriation, il est probable que l'approbation soit retardée », explique Thibaut Dauger, chef de la division environnement industriel à la Drire Rhône-Alpes. « Il faut bien voir qu'exception faite de Mazingarbe, les premiers PPRT sortis sont assez simples et concernent essentiellement du stockage en zone non urbanisée. Sur les PPRT à fort enjeu, les temps d'instruction s'en ressentent forcément. »
De son côté, le ministère affiche des perspectives plutôt encourageantes. « Nous sommes entrés dans une phase opérationnelle depuis octobre 2007, avec une à deux prescriptions par semaine. Près de 64 PPRT seront ainsi approuvés d'ici à la mi-2010, précise Patricia Blanc. Il restera à régler des points de mise en oeuvre. Notamment, rendre le crédit d'impôt plus incitatif pour les propriétaires visés par des mesures de protection des habitations. » Dans ce contexte, l'objectif de Jean-Louis Borloo d'avoir bouclé tous les PPRT avant 2012 sera-t-il atteint ?