Mesurer l'impact des polluants atmosphériques sur les végétaux, c'est bien le fondement de la biosurveillance et ce à quoi s'intéressent des chercheurs français depuis plus quinze ans. Si des normes existent déjà pour l'analyse des polluants, toute la méthodologie amont - de la culture aux prélèvements des végétaux - restait à standardiser. Une mission à laquelle s'est attelée une commission de normalisation réunie à l'Afnor entre 2005 et 2008 autour de la faculté de pharmacie de Lille, de l'Inra de Nancy, de l'Ademe, de l'Ineris et les bureaux d'études Aair Lichens et Biomonitor. Des travaux qui ont donné naissance à quatre normes désormais discutées au niveau du Comité européen de normalisation.
La biosurveillance évalue toujours un effet. Si le polluant entraîne une modification physiologique de la plante, on parle alors de bio-indication. S'il se concentre dans les tissus végétaux, permettant d'estimer l'effet cumulatif de la pollution dans le temps, il s'agit alors de bioaccumulation. Dotées d'un réel potentiel pour estimer les risques d'exposition des organismes aux polluants ou cartographier des zones géographiques et comparer leurs niveaux de pollution, ces méthodes biologiques ont déjà des applications intéressantes à leur actif comme le programme européen de surveillance des métaux lourds par dosage des mousses auquel participe la France depuis 1995. Parmi les quatre textes en cours de discussion, la norme NF X 43-900 concerne la mesure de l'ozone dans l'air par une variété de tabac (Bel W3 ou Bel C), via l'observation de nécroses foliaires particulières. Même approche pour la norme NF X43-903 qui fait appel à l'observation des populations lichéniques, des bio-indicateurs de la qualité globale de l'air. Sur les mousses terrestres (bryophytes), la méthode (NF X43-902) porte sur leur échantillonnage in situ. Enfin la norme ray-grass (NF X43-901) fait essentiellement référence au mode de culture et d'exposition de cette graminée qui concentre de nombreux polluants atmosphériques. D'autres projets de normes sont déjà à l'étude sur 2009-2010, notamment sur la bioaccumulation par les lichens, les cultures de mousses, les dépôts foliaires ou encore sur les pesticides.
Des protocoles qui devraient amplifier l'essor de la biosurveillance. « En deux ans, la concurrence s'est déjà envolée, confirme Bruno Claveri, chef de projet chez Biomonitor, l'un des pionniers dans l'utilisation des végétaux appliquée à la surveillance industrielle dès 1995. Pour nous, c'est un défi mais la normalisation est également la voie royale pour promouvoir la méthode auprès des industriels en lui donnant une vraie légitimité scientifique. » Et si les applications en surveillance de la qualité de l'air restent très ciblées - les associations agréées utilisent essentiellement la bio-indication de l'ozone par le tabac pour son côté pédagogique - la bioaccumulation est en plein développement pour la surveillance réglementaire des sites industriels. « Il y a une demande croissante des Drire en direction des installations classées pour la biosurveillance de la dioxine, des métaux, des hydrocarbures, des pesticides et des PCB », souligne le responsable de Biomonitor. Encore au stade de la recherche, son apport en santé environnementale semble également prometteur. À Lille, l'équipe de Chantal Van Haluwyn et de Damien Cuny y travaille. « L'idée est de corréler des études de risques sanitaires avec des études de bioaccumulation par les végétaux. La technique en a la potentialité de par sa capacité à marquer de larges zones géographiques », souligne Damien Cuny.