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POLLUTIONS

Légalité de la signalisation bilingue : des éclaircissements mais quelques zones d'ombre

PUBLIÉ LE 1er MARS 2013
LA RÉDACTION
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Se fondant sur l'absence de circonstances locales particulières ou tenant à l'intérêt général et sur une atteinte aux règles et objectifs de sécurité routière, le tribunal administratif de Montpellier avait annulé, par un jugement en date du 12 octobre 2010, la décision du maire de la commune de Villeneuve-les-Maguelone rejetant la demande d'une association tendant à ce que des panneaux portant la transcription en occitan du nom de ladite commune soient retirés de la voie publique. La cour administrative d'appel de Marseille invalide ce jugement et estime au contraire que cette transcription est légale. Si cet arrêt consolide la pratique de la signalisation bilingue, il ne règle pas pour autant toutes les questions qu'elle soulève. COMMENTAIRE Il n'est pas si fréquent qu'un jugement rendu par un tribunal administratif provoque l'adoption d'une proposition de loi par une des deux chambres, a fortiori lorsque le jugement en question demeure un cas isolé. Telle est pourtant la destinée du jugement n° 0903420 rendu le 12 octobre 2010 par le tribunal administratif de Montpellier. Comme cela se fait dans certaines régions françaises et notamment en Languedoc-Roussillon, des panneaux indiquant la dénomination en langue régionale de la commune de Ville-neuve-les-Maguelone étaient accolés aux panneaux en langue française. La mention « Villanòva-de-Magdalona » figurait ainsi sous chacun des panneaux en langue française en entrée et sortie d'agglomération. Saisi d'une demande de mise en conformité de ces panneaux par l'association Mouvement républicain de salut public, le maire avait répondu que ceux-ci étaient conformes à la réglementation et avait rejeté ladite demande. La requête introduite par l'association devant le tribunal administratif de Montpellier visait donc à imposer à la commune la mise en conformité des panneaux litigieux. Les juges de première instance avaient donné gain de cause à la requérante en estimant que l'absence de circonstances particulières et d'intérêt général et l'atteinte aux règles et objectifs de sécurité routière rendaient illégale la pose de ces panneaux. Le tribunal avait en conséquence annulé la décision de rejet du maire et ordonné leur enlèvement. Discuté par la doctrine (1) et vivement contesté par certains élus locaux, ce jugement a conduit à l'adoption par le Sénat le 16 février 2011 d'une proposition de loi dont l'article unique prévoit que « les panneaux réglementaires d'entrée et de sortie d'agglomération apposés en langue française sur la voie publique peuvent être complétés du nom de cette agglomération en langue régionale » (2). Saisie par la commune, la cour administrative d'appel de Marseille estime au contraire que la pose de ces panneaux est légale. Ce faisant, la cour apporte d'utiles éclaircissements concernant la signalisation bilingue mais ne lève pas pour autant toutes les interrogations liées à cette pratique, tant sur le terrain du droit des langues régionales (I) que sur celui du droit routier (II). I. SIGNALISATION BILINGUE ET DROIT DES LANGUES RÉGIONALES Procédant à un rappel du cadre juridique des langues régionales, la cour cite en premier lieu les articles 2 et 75-1 de la Constitution selon lesquels « La langue de la République est le français » et « Les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France ». Sans en rappeler l'article 1er (3), la cour énonce ensuite les articles 3 et 21 de la loi du 4 août 1994 relative à l'emploi de la langue française selon lesquels « toute inscription ou annonce apposée ou faite sur la voie publique, dans un lieu ouvert au public ou dans un moyen de transport en commun et destinée à l'information du public doit être formulée en langue française » et « les dispositions de la présente loi s'appliquent sans préjudice de la législation et de la réglementation relatives aux langues régionales de France et ne s'opposent pas à leur usage ». Une fois ce cadre textuel posé, la cour rappelle les termes de la décision n° 94-345 rendue par le Conseil constitutionnel le 29 juillet 1994. Se démarquant nettement de la juridiction de premier degré, la cour souligne ainsi que le Conseil constitutionnel « a notamment précisé » que la loi du 4 août 1994 n'avait pas « pour objet de prohiber l'usage de traductions lorsque l'utilisation de la langue française est assurée ». Revenant à une lecture plus stricte – et plus orthodoxe – de ladite décision, les juges d'appel en concluent « qu'il résulte de la combinaison de l'ensemble de ces dispositions que l'utilisation de traductions de la langue française dans les différentes langues régionales n'est pas interdite pour les inscriptions apposées sur la voie publique et destinées à l'information du public, lorsqu'en même temps l'utilisation du français est suffisamment et correctement assurée ». La Cour censure alors le jugement du tribunal dans des termes on ne peut plus explicites : « qu'ainsi c'est à tort que le tribunal a limité cette possibilité aux cas où il est justifié de circonstances particulières ou de considérations d'intérêt général, une telle restriction étant dénuée de tout fondement constitutionnel ou légal ». En conséquence, la cour souligne que « les circonstances que la traduction choisie en l'espèce serait dépourvue de fondement historique ou que l'existence d'un usage local suffisamment ancien et constant de la toponymie employée ne serait pas démontrée, sont par elles-mêmes, à les supposer mêmes établies, sans incidence sur la légalité de la décision contestée ». Cette censure nous paraît devoir être approuvée. Comme nous avions eu l'occasion de le souligner dans ces colonnes, la condition liée à l'existence de circonstances particulières ou d'un intérêt général à même de justifier cet usage de la langue régionale en sus de la langue française à titre de traduction n'est en effet mentionnée nulle part dans la décision du Conseil constitutionnel (4). Saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, la cour précise ensuite que la loi du 4 août 1994 est bien applicable en tous ses articles aux langues régionales, nonobstant le fait que le deuxième alinéa de son article 4 ne mentionne expressément que les « langues étrangères ». La cour rappelle par ailleurs à bon escient « qu'il résulte des dispositions précitées des articles 2 et 75-1 de la Constitution, de la loi du 4 août 1994 ainsi que de la décision du Conseil constitutionnel n° 94-345 du 29 juillet 1994 que la traduction en langue régionale de panneaux d'entrée d'agglomération mentionnant le nom de la commune concernée en français ne méconnaît pas les principes constitutionnels d'indivisibilité de la République, d'égalité devant la loi et d'unicité du peuple français ». Enfin, les juges d'appel rejettent le moyen tiré de l'absence de fondement historique et d'usage local suffisamment ancien et constant de l'appellation « Villanòva-de-Magdalona », au motif que le choix de cette appellation ne fait pas ressortir d'erreur manifeste d'appréciation. Pour la cour en effet « il ressort d'un ouvrage intitulé Les noms de lieux du département de l'Hérault, nouveau dictionnaire topographique et étymologique que le nom “Villanòva-de-Magdalona” de la commune actuellement dénommée Villeneuve-les-Maguelone apparaît en 1419 dans les Annales du Midi ». Il convient à cet égard de noter que la cour, limitant de facto sa marge d'appréciation, « s'est inspirée mutatis mutandis, des règles appliquées dans la procédure de changement de nom d'une commune » (5) en contrôlant tout d'abord l'exactitude matérielle des faits puis l'absence d'erreur manifeste d'appréciation en vérifiant que « le nom officiel de la commune (soit mis) en accord avec un usage différent mais suffisamment ancien et constant » (6). Ce faisant, elle a pourtant éludé une partie de la question – il est vrai non soumise à son analyse par les parties au litige – celle du titulaire de la compétence d'apposer des panneaux en langue régionale. En la matière en effet « il n'existe aucune disposition législative ou réglementaire qui donne compétence à une quelconque autorité pour poser de tels panneaux » (7). Si, dans le silence des textes, une telle compétence devait être rattachée, sous réserve d'intérêt local, à la clause générale de compétence posée par l'article L. 2121-9 du Code général des collectivités territoriales, ce serait donc « au conseil municipal, et non au maire, qu'il revien(drait) exclusivement de décider de la pose de panneaux dans l'idiome local » (8). II. SIGNALISATION BILINGUE ET DROIT ROUTIER De manière quelque peu surprenante – et à tort aux yeux de la cour – le tribunal avait par ailleurs “conforté” son raisonnement en se plaçant sur le terrain du droit de la signalisation routière. Se fondant sur les arrêtés du 24 novembre 1967 et du 7 juin 1977 relatifs à la signalisation des routes et des autoroutes (9), le tribunal avait en effet conclu à l'illégalité des panneaux litigieux en raison de leur non-conformité aux règles et objectifs de signalisation et de sécurité routières. Après avoir relevé que les panneaux en question étaient de la même dimension, voire parfois plus grands que ceux en langue française, le tribunal avait ainsi estimé qu'ils remplissaient « une fonction ambiguë nuisant à la clarté nécessaire de l'information que requiert l'obligation de prudence et de sécurité » et que « le nom de la commune ne peut être transcrit sur la voie publique avec un “O” comportant un accent grave, ce signe diacritique ainsi placé ne figurant sur aucune des annexes de l'arrêté susvisé du 7 juin 1977, du fait qu'il n'existe pas dans la langue française ». Là encore la cour va balayer ce double argument. Au nom de la hiérarchie des normes, les juges d'appel soulignent que les dispositions réglementaires interdisant ou ne prévoyant pas l'utilisation de tout autre signe ou indication que ceux prévus par les textes « ne sauraient s'opposer à l'application de la Constitution et de la loi du 4 août 1994 qui autorisent la traduction d'une inscription en français apposée sur la voie publique dès lors que, comme dans le cas de l'espèce, cette traduction est distincte de l'inscription en langue française, elle-même étant aussi lisible que sa présentation en langue étrangère, la rédaction très générale des dispositions sus-rappelées de l'article 21 de la loi du 4 août 1994 impliquant nécessairement que l'article 4 de cette même loi s'applique également aux traductions en langues régionales ». De même, la cour rejette le motif fondé sur l'inexistence de l'accent grave du « o » en français. Si le tribunal avait visiblement cru pouvoir s'inspirer d'un célèbre arrêt de la cour d'appel de Montpellier du 26 novembre 2001, Baylac c/ Ministère public où il avait été jugé que – s'agissant du prénom Martí – le libre choix autorisé par l'article 57 du Code civil est soumis au respect de l'article 2 de la Constitution, la cour administrative d'appel de Marseille estime pour sa part que « la jurisprudence judiciaire selon laquelle l'inscription à l'état civil d'un prénom doit obligatoirement respecter l'orthographe et la toponymie de la langue française n'est en rien transposable aux règles orthographiques concernant les traductions en langue régionale des panneaux d'entrée d'agglomération indiquant le nom français d'une commune ». Là encore le raisonnement est implacable. La traduction étant prévue par la loi, il n'est en effet pas possible de soumettre ces traductions en langue régionale à « un tamis linguistique excluant les accents (le ñ breton ou les í et ò occitans), les lettres ou les signes de ponctuation (pour les langues étrangères) inconnus du français » (10). Enfin – et sur le strict terrain de la sécurité routière – la cour relève que « le danger représenté par les panneaux en cause pour la sécurité des usagers de la route n'est aucunement démontré », précisant même que « la circonstance que certains des panneaux litigieux ont une surface légèrement plus grande que les panneaux portant le nom de la commune en langue française n'est pas de nature par elle-même à démontrer que la lisibilité de la présentation en français exigée par l'article 4 de la loi du 4 août 1994 en serait affaiblie ». Si l'on souscrit pleinement à l'appréciation relative à l'absence d'atteinte à la sécurité des usagers en raison d'une double signalisation, la conclusion relative à la différence de taille entre panneaux en langue française et en langues régionales laisse plus perplexe. En effet, et comme le relève le Professeur Gicquel, le bilinguisme dans la signalétique routière ne devrait pas aboutir à une discrimination de la langue française, langue de la République, au risque de contrevenir aux exigences posées par l'article 2 de la Constitution (11). CONCLUSION Après la déception engendrée par la décision du Conseil constitutionnel du 20 mai 2011 refusant de reconnaître que l'article 75-1 de la Constitution puisse, dans le cadre d'une question prioritaire de constitutionnalité, « fonder des droits et libertés » (12) et dans l'attente d'une ratification de la Charte européenne des langues régionales et minoritaires signée par la France en 1999 (13), les promoteurs des langues régionales ont certainement accueilli avec soulagement l'arrêt n° 10MA04419 rendu par la cour administrative d'appel de Marseille. En censurant de façon aussi explicite qu'incontestable le jugement du tribunal administratif de Montpellier, la cour a en effet conforté une pratique largement répandue dans certaines régions françaises : la pose de panneaux de signalisation en langue régionale aux côtés de panneaux en langue française. Pour autant, la cour n'a pas levé toutes les ambiguïtés juridiques en la matière. De nouveaux contentieux sont donc à prévoir et il serait à cet égard intéressant de connaître la position du Conseil d'État sur cette question.
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