Identifier les rejets de micropolluants dans les milieux aquatiques est un enjeu de taille pour les agences de l'eau. Car si les activités industrielles et artisanales sont déjà suivies à travers l'action RSDE (recherche de substances dangereuses dans l'eau) du Plan national sur les micropolluants, les rejets domestiques sont encore peu étudiés. Sur le bassin Seine-Normandie, densément peuplé, l'agence de l'eau a décidé de s'y plonger. Objectif ? Savoir si la contribution domestique est significative et la quantifier pour mettre en place des actions dans le futur schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux (Sdage).
Pour cela, elle a choisi une méthodologie plutôt nouvelle. « Au lieu de partir de l'analyse des rejets, nous avons choisi une approche plus exploratoire basée sur une estimation des sources et des rejets. Ce type d'étude est habituellement plutôt du ressort de la recherche », prévient Baptiste Castérot, chargé de mission pollutions toxiques à l'agence. Dans un premier temps, grâce à des recherches bibliographiques, plus de 2 000 substances (et les produits pouvant les contenir) ont été recensées au sein d'une base de données unique en France. Cosmétiques, hygiène, automobile, bricolage, nettoyage de la maison mais aussi animalerie, tous les secteurs ont été pris en compte à l'exception des produits phytosanitaires et des médicaments qui bénéficient d'études à part.
La deuxième étape, plus délicate, visait à l'estimation quantitative de ces rejets. Près de 150 substances ont été sélectionnées : d'abord, les substances inscrites par la directive-cadre sur l'eau (DCE) ou identifiées par le Sdage. L'agence s'est aussi appuyée sur les classements du rè glement Reach, de la convention Ospar (pour la protection des milieux marins de l'Atlantique Nord) ou encore du Centre international de recherche sur le cancer (Circ). Il en ressort que les teintures et les shampoings concentrent un grand nombre de substances, mais c'est dans les produits de bricolage que l'on retrouve les plus prioritaires pour l'agence. Ainsi, sur l'agglomération parisienne, le flux de naphtalène a été estimé à 7 g par habitant et par an, le formaldéhyde (détergents, cosmétiques) à environ 10 g et l'EDTA (cosmétiques, lessives) à quelques grammes . Mais tous ces résultats sont pris avec précaution par l'agence. « Nous avions déjà quelques mesures en sortie de Step et, pour certaines substances, les ordres de grandeurs ne correspondent pas aux estimations », observe Baptiste Castérot. Pour autant, l'étude a rempli sa mission. « Ce premier état des lieux qualitatif nous montre que la contribution domestique à la pollution de l'eau n'est pas négligeable et nous a permis d'identifier des molécules que l'on pourrait surveiller dans le prochain Sdage. »