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POLLUTIONS

À l'attaque des nouveaux polluants

PUBLIÉ LE 1er MARS 2014
LA RÉDACTION
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Le magazine pour les acteurs et décideurs du développement durable et des métiers de l’environnement.
1 Mesurer les nouveaux polluants Les POP n'appartiennent pas à une seule famille chimique. Ces substances toxiques d'origine anthropique sont d'autant plus difficiles à mesurer. Car pour la suite des opérations, il s'agit de les caractériser correctement. P OP. Comme le bruit d'un grain de maïs éclatant dans la casserole. Derrière ce qui sonne comme une réjouissante onoma­ topée se cache un acronyme assommant : polluant organique persistant. Contrairement à d'autres substances, ces molé­ cules ne sont pas définies par leur nature chimique mais par leurs propriétés. Toxiques, elles se dégradent lentement et s'accu­ mulent dans les tissus des êtres vivants. En outre, leurs proprié­ tés physico-chimiques favorisent leur dissémination. Elles sont l'objet de deux textes : le proto­ cole d'Aarhus, signé en 1998, et la convention de Stockholm de 2001 qui a établi une liste, complétée en 2009, dans laquelle on trouve les PCB, la dioxine, le DDT, les HAP (hydrocarbures polycycliques aromatiques) ou le PFOS (perfluorooctane sulfo­ nate), entre autres. « Les POP ne sont pas des polluants exotiques, il y en a partout, s'alarme Frank Karg, le P-DG d'HPC Envirotec. Ils ont été utilisés comme pesticides ou dans l'industrie et les habitations, dans le traitement du bois par exemple. » Les POP restent présents dans l'environnement, malgré la législation européenne, avec le règlement du 29 avril 2004, qui a interdit leur utilisation. « Il n'y a pas eu d'évolution récente de la réglementation. En revanche, il y a une évolution dans la prise en compte de ce type de polluants », observe Jean-Louis Sévêque, président de la Compagnie nationale des experts de justice en environ­ nement (CNEJE). L'Amérique du Nord semble plus au fait du sujet que l'Europe. En témoigne l'ouvrage intitulé « Envi­ ronmental forensics for persistent organic pollutants » de deux cher­ cheurs d'universités canadiennes. Publié fin 2013, il rassemble l'état de l'art dans les sciences environ­ nementales en matières de POP, et consacre un chapitre entier aux méthodologies analytiques pour les détecter. Car la première étape est bien de les rechercher. « En cinq ans, les coûts d'analyse des PCB ont été divisés par deux », encou­ rage Jean-Louis Sévêque. Pour d'autres substances moins com­ munes, les prix demeurent élevés. Au côté des 21 POP de la liste de Stockholm, d'autres polluants persistants sont qualifiés d'émer­ gents. C'est le cas de composés issus de la pyrotechnie, que l'on retrouve dans les sols, mais aussi de certains médicaments comme l'atenolol et le propanolol (deux bêtabloquants) ou la carbama­ zépine (un antiépileptique) qui ne sont pas traités par les stations d'épuration. « On ne connaît pas encore leur effet toxique sur les micro-organismes, ni les effets cocktail », indique Laurence Amalric, responsable de l'unité chimie environnementale au BRGM. D'autant que, comme le souligne Jean-Louis Sévêque, « si on rencontre une pollution dans les eaux, cela signifie qu'on ne va pas tarder à la retrouver dans les sols ». « Ce qui est émergent, ce n'est pas la molécule elle-même, mais le fait qu'on s'y intéresse », remarque Olivier Sibourg, gérant d'Enoveo. En analysant une pollution au goudron de houille, l'Ineris y a vu autre chose que les 16 HAP de la liste de l'Agence américaine de protection de l'environnement (EPA). « Nous avons identifié des composés aromatiques polycycliques oxygénés qui peuvent correspondre aux produits de dégradation des HAP », explique Julien Michel, ingénieur à la direction des risques chroniques de l'Ineris. Déjà scrutés dans l'air depuis quelques années, ces polluants se comportent diffé­ remment selon la matrice, solide, gazeuse ou liquide, dans laquelle ils se trouvent. Il est donc impor­ tant de bien les connaître pour les suivre. Car pour mesurer correctement un polluant, le mode de prélèvement de l'échan­ tillon à analyser et son mode de conservation jouent un rôle. Par exemple, si la plupart des HAP sont peu volatils, d'autres, comme le naphtalène, le sont au contraire fortement. « Il faut éviter que l'air n'entre en contact avec les composés volatils, en carottant sous gaine par exemple et en plaçant immédiatement l'échantillon dans un solvant le temps qu'il transite jusqu'au laboratoire », détaille Olivier Corrège, responsable sites et sols pollués d'Environ. Au-delà de la mesure elle-même, son interprétation, son poids par rapport aux autres mesures effectuées et l'incertitude qui leur est attachée sont des élé­ ments essentiels à l'analyse. L'emploi des géostatistiques, qui prennent en compte la corréla­ tion spatiale entre deux points de mesure, constitue un outil précieux. « Cela permet par exemple de déterminer la probabilité d'erreur de classer en sain un sol pollué et inversement », milite Michel Garcia, gérant de Kidova. Non négligeable quand l'alternative consiste à multiplier les points de mesure. l 2 Traiter au cas par cas Adapter les usages d'un site contaminé par des polluants organiques persistants, c'est être sûr de réhabiliter au juste prix. Si certaines techniques de dépollution ont déjà fait leur preuve, ou se perfectionnent, essais pilotes et flexibilité restent de rigueur. A u cas par cas. » Voilà ce que martèlent les professionnels des sites et sols pollués quand il s'agit de réhabiliter un ter­ rain, en particulier lorsque les polluants qu'il renferme pré­ sentent un danger potentiel pour la santé, comme les POP (polluants organiques persis­ tants). « Il faut toujours regarder le bilan coût-avantage pour identifier la meilleure stratégie à adopter », rappelle Frank Karg, P-DG d'HPC Envirotec. Les entreprises de dépollution s'échinent à développer des techniques pour se débarrasser au maximum de ces substances. L'américain Terra Therm a mis au point une solution de désorption thermique in situ (ISTD) qu'il a éprouvée dès 2006 en Californie sur une ancienne usine de traitement du bois. Les sols étaient contaminés aux HAP, à la dioxine et aux furanes ainsi qu'au pentachlorophénol, entre autres. La zone source de plus de 12 000 m2 étendue jusqu'à 32 m de profondeur a pu être traitée sans excavation. Le principe ? Pas moins de 785 puits chauffants et aspirants ont été creusés afin d'élever la température du sol à 335 °C pen­ dant trois jours, puis de la main­ tenir à 300 °C pendant trente jours. Durant cette période, les vapeurs nocives ont été extraites et traitées. « Nous avons atteint les objectifs très stricts imposés par le dé par tement de Contrôle des substances toxiques de Californie en termes de remédiation, se réjouit Ralph Baker, cofonda­ teur de la société. Après quoi la zone a été autorisée à tout usage sans restriction. » Terra Therm a depuis développé l'IPTD (In-Pile Thermal Desorption), une version ex situ de son procédé. Elle est d'ailleurs en train de construire une unité pour traiter, au Vietnam, les sols et sédiments pollués à la dioxine, héritage de l'utilisation de l'agent orange durant la guerre. « Nous traiterons 45 000 m3 de sol cette année et autant dans une seconde phase en 2016, avec la même structure », assure Ralph Baker. HPC Envirotec est également présent dans ce pays et pro­ pose des traitements combi­ nant chimie et microbiologie, afin d'éviter l'incinération ou les traitements thermiques, « trop coûteux », selon Frank Karg. Les POP inscrits sur la liste de Stockholm ne sont cepen­ dant pas les seules molécules à constituer un véritable casse-tête pour les dépollueurs. Per­ sistants dans l'environnement, en particulier au fond des aqui­ fères où ils viennent se loger car ils sont plus lourds que l'eau, les solvants chlorés font aussi l'ob­ jet d'une attention particulière. Sita Remediation vient d'ailleurs de déposer un brevet pour un procédé d'injection de fer zéro valent, qui provoque une réac­ tion chimique de réduction. « La technique est connue mais sa mise en œuvre est innovante, assure Boris Devic, le directeur technique. Cette méthode d'injection vient de l'univers des fondations spéciales. On n'injecte pas dans un piézomètre mais dans un tube à manchette. » Ce tube en plastique, percé tous les 33 centimètres, permet au fluide injecté (composé de fer en suspension dans l'eau), d'aller dans les endroits les plus per­ méables. « Et il n'y a pas d'altération géotechnique du massif car il n'y a pas destruction du sol au-dessus, comme avec le soil mixing par exemple », complète-t-il. Ce procédé a déjà été mis en œuvre avec succès sur quatre chantiers, soit dans des contextes de restitution de site industriel, soit dans le cas d'un site en activité. Aucune de ces solutions n'est, quoi qu'il en soit, directe­ ment transposable d'un site à l'autre. « Un essai pilote est l'occasion d'optimiser une technique », prévient Alain Dumestre, direc­ teur technique de Serpol. Cela permet de déterminer la quan­ tité de fer à injecter ou le nombre d'aiguilles chauffantes à prévoir pour la désorption thermique par exemple, mais aussi d'esti­ mer le coût d'un traitement ou d'ajuster sa durée. Néanmoins, ces traitements ne sont pas toujours réalisables. Parfois il est nécessaire de retirer les terres polluées. Une opération qui peut s'avérer coû­ teuse. Et même à court terme, avoir un effet néfaste sur l'envi­ ronnement. Par exemple, en Italie, l'État avait recommandé le dragage des sédiments du lac Majeur, pollués au DDT et au mercure. Or les ingénieurs de la société Environ ont montré que le remède préconisé était pire que le mal. « En déplaçant les sédiments, on mobilise les polluants. Cela engendre une bouffée de pollution », expose Olivier Corrège, responsable sites et sols pollués. Finalement, les berges ont été recouvertes de géomembranes sur lesquelles des sédiments propres ont été déposés. « Un peu de dragage est malgré tout prévu dans le fond du lac, complète­t­il. Des géo-tubes sécheront les sédiments à proximité et, surtout, nous ferons attention à ne pas draguer n'importe quand afin d'avoir le moins d'effet sur l'environnement. » Le confinement reste cependant un outil à manier avec précau­ tion. Il nécessite en effet que le risque de migration des pol­ luants vers les eaux souterraines puis vers la chaîne alimentaire soit parfaitement maîtrisé. « Pas besoin de fortes concentrations, les POP sont facilement bioac-cumulables et on les retrouve ensuite dans notre assiette », tempête Frank Karg. La même prudence est à respecter, quand la solution préconisée consiste à adap­ ter les usages futurs du site à réhabiliter, afin de s'assurer qu'aucun transfert de pollution du sol à l'environnement ou aux occupants n'aura lieu. Le tout, sans engager de travaux dispendieux. Une pratique qu'EODD Ingénieurs­Conseils n'hésite pas à mettre en avant. Cette société spécialisée dans l'environnement, l'énergie et le développement durable a par­ ticipé à deux projets de recon­ version immobilière sur des sites ayant hébergé des usines à gaz, à Marseille et Nancy. Du fait des activités qu'ils héber­ geaient, ces terrains étaient notamment pollués aux HAP (hydrocarbures polycycliques aromatiques), inscrits sur la liste des POP de la convention de Stockholm. Leur localisation en centre­ville ou à proximité leur conférait une valeur fon­ cière importante. « Nous avons travaillé avec l'architecte sur la spatialisation des usages en fonction des niveaux de pollution rencontrés », explique Laurent Galdemas, président d'EODD Ingénieurs­Conseils. Autre aspect : bien gérer les matériaux. « À Marseille, le projet nécessitait de remonter le niveau naturel du terrain et de creuser des parkings souterrains. Nous avons proposé de réutiliser au maximum les terres sur place », raconte Gaëtan Urvoy, chef de projet. Ainsi, les terres excavées ont été gérées de différentes manières selon que les concentrations en polluants dépassaient ou non les valeurs seuils fixées par leurs études et variables selon les sites. « Elles ont été soit évacuées vers l'extérieur comme déchets et traitées en filières dûment autorisées, soit gérées à l'intérieur du site, précise Laurent Galdemas. Nous avons alors vérifié que chaque couple lot de terres-usages était bien compatible en réalisant des évaluations quantitatives de risques sanitaires. » Une validation dont nul ne peut faire l'impasse. l 3 Miser sur la recherche Que ce soit pour améliorer la compréhension des mécanismes en jeu dans la dégradation des polluants organiques persistants ou pour rechercher des solutions de traitement toujours plus efficaces, plusieurs projets de recherche sont encourageants. Comment dégrader tel ou tel polluant ? Quid de ses méta­ bolites ? Les détecte-t-on cor­ rectement ? En ce qui concerne les sites et sols pollués, les questions ne manquent pas et les champs d'investigation pour la R & D sont sans limites. Les 3es Rencontres nationales de la recherche sur ce thème, qui se dérouleront à Paris en novembre prochain, seront l'occasion de présenter les dernières avancées du secteur, mais aussi de dresser le panorama des enjeux futurs. Parmi les pistes sur lesquelles différents acteurs s'aventurent, celle du traitement biologique des pollutions pré­ sente des avantages. À commen­ cer par le coût, potentiellement inférieur aux techniques qui nécessitent une intervention massive. À condition, comme toujours avec le vivant, de dis­ poser de temps… Depuis plus de six mois, Enoveo planche sur un procédé de dégradation, par des bactéries, de plusieurs familles de polluants tels que des PCB, des hydrocarbures et du trichlorobenzène présents simul­ tanément sur un même site, par une alternance de phases aérobies et anaérobies (en présence ou non d'oxygène). « L'idée, c'est de diminuer la quantité d'hydrocarbures grâce à des bactéries aérobies, afin de rendre les PCB bio-accessibles (c'est-à-dire capables d'entrer en contact avec un organisme et d'être absorbés par celui-ci, ndlr) », explique Olivier Sibourg, cofondateur de la société. Les premiers résultats montrent que le taux d'hydrocarbures est passé de 10 000 mg/kg de matière sèche à 3 000 en quatre mois, et les PCB de 800 mg/kg de matière sèche à moins de 100. Le projet a vocation à être mis en appli­ cation rapidement. « Le but du traitement n'est pas d'éliminer tous les PCB, mais d'en diminuer la concentration afin de passer de la filière de stockage de classe 1 à la classe 2 par exemple, moins onéreuse », développe-t-il. Le projet d'Halluin 3R, une association regroupant des collectivités territoriales, des associations et des entreprises, est particulièrement original, bien que loin encore de la mise en œuvre opérationnelle. Des méthodes pour accélérer la bio­ dégradation de la dioxine par des champignons microscopiques naturellement présents dans les sols y sont à l'étude. Les pre­ miers résultats, en laboratoire, montrent cependant la difficulté des mycéliums à atteindre ces polluants du fait de la forte liai­ son de ces derniers avec certaines particules du sol. La prochaine étape consistera donc à essayer de coupler la dégradation biologique à une oxydation chimique. Autres substances provenant des mêmes sources que les HAP, les composés aromatiques polycycliques (CAP) oxygénés, dont la toxicité est avérée, font l'objet d'une attention nouvelle. « Avec le projet Memotraces, qui démarre, nous voulons mettre en évidence les mécanismes de relargage de ces composés et étudier s'ils peuvent migrer dans les eaux souterraines, par exemple », décrit Julien Michel, ingénieur à la direction des risques chroniques de l'Ineris. Sur le site de Solvay à Tavaux, ce sont également les eaux souterraines qui seront obser­ vées dans le cadre de Silphes. Officiellement lancé en sep­ tembre 2013, c'est un des projets retenus dans le cadre de l'AMI (appel à manifestation d'intérêt) sur les solutions innovantes de dépollution et de valorisation des sites et sédiments pollués, soutenu par l'Ademe dans le cadre du programme des Investissements d'avenir. « Les outils que nous allons développer pourraient être transposés à d'autres matrices », espère David Cazaux, chef de projets réhabilitation environnementale chez Solvay. L'objectif du projet ? « Améliorer le diagnostic et la dépollution des solvants chlorés à masse moléculaire élevée », précise Stefan Colombano, ingénieur à l'unité sites, sols et sédiments pollués du BRGM. « L'avantage, c'est que ce n'est pas juste un petit pilote, on va vraiment prendre le temps de tester de nouvelles techniques, de nouveaux polluants, etc. », se réjouit Alain Dumestre, directeur tech­ nique de Serpol. Dans les années à venir, ces projets de recherche devraient considérablement faire avancer l'état des connaissances. Le tout est d'être patient. l
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