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Accueil > Actualités > Pollutions > La responsabilité pour défaut d'entretien normal et les accidents de la circulation sur la voirie publique
POLLUTIONS

La responsabilité pour défaut d'entretien normal et les accidents de la circulation sur la voirie publique

PUBLIÉ LE 1er MARS 2015
LA RÉDACTION
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Verglas, chaussée glissante ou déformée, présence de cavité, défaut de signalisation ou signalisation défectueuse, autant de situations susceptibles d'engager la responsabilité des personnes publiques en cas d'accident d'un usager sur la voirie publique. Contentieux récurrent, la responsabilité pour défaut normal d'entretien de la voirie connaît une certaine expansion depuis le transfert d'une partie du domaine public routier de l'État au profit du domaine public des départements1 . La présente contribution vise ainsi à faire un état des lieux (I) afin de mieux appréhender les moyens de défense dans le cadre des actions en responsabilité engagées contre les personnes publiques (II). I. Le régime de la responsabilité pour défaut d'entretien normal de la voie publique D'origine prétorienne, ce régime de responsabilité qui est particulièrement favorable à la victime ne peut être engagé que si le dommage concerne un usager d'un ouvrage public (A). Il repose en outre sur la base « d'une responsabilité pour faute présumée de service » qui impose à la collectivité d'apporter la preuve d'un entretien normal de la voirie routière (B). A. Les conditions de mise en jeu de la responsabilité pour défaut d'entretien normal La mise en jeu de la responsabilité pour défaut d'entretien normal suppose la réunion de deux éléments cumulatifs. Il doit concerner un usager (1) et le dommage doit survenir sur un ouvrage public (2). 1. Les conditions tenant à la victime En la matière, le juge administratif se livre à une analyse factuelle en examinant « la situation de la victime par rapport à l'ouvrage »2 . Cet examen vise à distinguer le tiers de l'usager de l'ouvrage public. Comme le relève très justement Alice Fuchs-Ces-sot, cette différenciation du régime de responsabilité en fonction de la qualité de la victime ne présente pas seulement un intérêt théorique3 . Il conditionne le régime de responsabilité qui sera plus ou moins favorable à la victime. Contrairement au tiers, l'usager bénéfice d'un régime de responsabilité pour faute présumée. Pour retenir la qualité d'usager, la victime doit avoir utilisé de manière effective l'ouvrage public lors de la survenance du dommage. Il y a donc impérativement une relation directe et personnelle avec l'ouvrage public, à la différence du tiers, qui est « considéré comme étranger »4 à celui-ci. L'usager doit également faire un usage régulier et normal de l'ouvrage public, autrement dit « l'usager doit avoir l'intention d'obtenir les prestations que fournit habituellement le service »5 . Relevant d'une appréciation in concreto, le juge fait souvent preuve de pragmatisme. Il adopte une conception relativement large de la qualité d'usager de la voie publique, et ce afin d'assurer une meilleure protection des victimes. Le Conseil d'État a ainsi considéré qu'une personne faisant un usage irrégulier et anormal de l'ouvrage public avait la qualité d'usager. Un enfant qui a pénétré dans un chantier de démolition ouvert en bordure d'une voie publique a la qualité d'usager de ce chantier6 . Il en est de même pour un enfant de 13 ans blessé par électrocution à partir d'un caténaire alors qu'il jouait le long d'une voie ferrée passant en ville7 . Dès lors, il pèse à l'encontre du maître d'ouvrage une obligation de sécurité des ouvrages publics, notamment ceux à proximité des endroits situés en milieu urbain. 2. Les conditions tenant à l'existence d'un ouvrage public La jurisprudence a dégagé trois éléments de définition qui demeurent cumulatifs. En premier lieu, seul un bien immobilier est susceptible de recevoir la qualification d'ouvrage public. Ainsi, un banc non fixé au sol8 ou encore pour un plongeoir flottant installé sur une plage9 sont assimilés à des meubles. Si le critère prépondérant constitue le lien physique avec l'ouvrage public, la jurisprudence administrative a admis que des cages de but de football non fixées au sol constituaient un élément indissociable de l'ouvrage public, en l'espèce le stade10 . On peut y voir une similitude avec la théorie de l'accessoire appliquée avant la promulgation du Code général de la propriété des personnes publiques, le juge alternant entre un critère physique et un critère fonctionnel pour rattacher un bien meuble à l'ouvrage public. Ensuite, l'ouvrage public implique un aménagement du fait de l'homme, le professeur Melleray relevant qu'il n'existe, à l'instar du domaine public, que « des ouvrages publics artificiels »11 . Enfin, l'ouvrage doit être affecté à l'intérêt général et doit répondre « par son usage, aux besoins du public, ou à ceux d'un service public, ou encore à un but d'intérêt général »12 . De manière générale pour ce qui concerne spécifiquement la voirie routière, il convient d'assimiler à un ouvrage public, tous les éléments relevant du domaine public routier13 . Il en va différemment des dommages réalisés sur une voie privée ou encore sur un chemin rural14 , sauf dans l'hypothèse où la commune a accepté d'assumer l'entretien du chemin15 . Il conviendra pour la personne publique incriminée de vérifier si le lieu de survenance du dommage relève de son domaine public ou privé16 ou encore si elle appartient à une autre personne publique17 . B. La mise en œuvre de la responsabilité par la victime Si la victime bénéficie d'une présomption de faute à l'encontre de la personne publique, elle se doit de rapporter la preuve du fait dommageable ainsi que son lien avec l'ouvrage public. Elle n'a donc que deux preuves à apporter pour que la responsabilité de la collectivité publique soit engagée. Le lien de causalité dépend de l'appréciation souveraine des juges du fond, le Conseil d'État, considérant qu'il n'appartenait pas « au juge de cassation de contrôler l'appréciation des faits à laquelle s'est ainsi livré le juge du fond »18 . Elle doit d'abord justifier d'un préjudice, elle doit ensuite établir un lien de causalité entre les dommages causés et le défaut d'entretien normal. Lorsque l'un de ses éléments fait défaut, la jurisprudence exclut toute action en responsabilité19 . En matière d'accident de la circulation, le préjudice implique l'existence d'un événement accidentel. La présomption de faute suppose nécessairement un fait dommageable et la victime doit rapporter la « matérialité des faits »20 . La preuve est généralement établie par des témoignages directs ou par un procès-verbal de gendarmerie. Si la jurisprudence exclut les personnes n'ayant pas assisté directement à l'accident21 , leur témoignage peut dans certaines hypothèses corroborer ou renforcer le lien de causalité entre le préjudice et l'existence d'une défectuosité de la voirie. En effet, la mise en jeu de la responsabilité suppose que l'accident soit « lié à l'ouvrage public »22 . Un commentaire autorisé considère que le lien de causalité entre le préjudice et ou l'accident résulte « de l'état de la route et de la cause du dommage, le défaut d'entretien (carence de l'administration) de cette route »23 . Si la victime n'a pas à démontrer l'existence d'une faute de la personne publique, elle se doit d'apporter par tout moyen la preuve de l'existence d'une anomalie, la victime n'ayant pas à démontrer « la preuve de la réalité de la défectuosité »24 . Il faut donc bien distinguer la cause du dommage, qui doit être rapporté par la victime et l'existence de la faute qui est présumée, à savoir un manquement de la personne publique dans son obligation d'entretien25 . II. La théorie du défaut d'entretien normal appliqué à la voirie routière La présomption de responsabilité n'est pas irréfragable. Elle est renversée par le maître d'ouvrage s'il parvient à apporter la preuve de l'entretien de la voirie ou qu'il n'y a pas eu de « défaut d'entretien normal »26 (A et B). A. Les causes du fait dommageable en matière de circulation sur la voie publique En matière de circulation routière, le fait dommageable peut trouver son origine dans l'état de la voirie, la présence d'obstacle sur celle-ci (1) ainsi que dans une signalisation insuffisante ou défectueuse (2). 1. Le défaut d'entretien normal inhérent à l'état et à l'entretien de la chaussée Il faut entendre par état de la chaussée l'état du sol et des infrastructures routières. Il convient ainsi d'être particulièrement réactif en présence d'une chaussée verglacée ou inondée. Si le conducteur doit se montrer attentif et prudent dans de pareilles circonstances, les collectivités ont été condamnées en présence de plaques de verglas de 70 m de long et 2 m de large27 ou d'une flaque d'eau de 12 m de long, de 4 m de large et de 10 cm de profondeurs28 . L'état avancé de dégradation du revêtement devenu particulièrement lisse et glissant29 , une chaussée glissante en raison de travaux et de l'adjonction d'un nouvel enrobé30 constituent également des défauts d'entretien normal. Il en est de même concernant la chute d'un piéton due à une excavation profonde sur un trottoir31 ou à l'effondrement d'une dalle fermant un regard de visite d'égout32 , ou encore un accident de moto du fait d'une chaussée déformée33 . Toutefois, la jurisprudence retient qu'une excavation d'environs 5 cm ne présente pas un risque excédant ceux auxquels doivent normalement s'attendre les usagers34 . L'état de la voirie implique nécessairement la mise en sécurité des voies et la prévention de dangers prévisibles. Une protection insuffisante et l'absence d'un dispositif de protection particulière sont assimilées à un défaut d'entretien normal par la jurisprudence35 . Les collectivités doivent prendre en compte les lieux à proximité de la voirie. Si en milieu urbain, elles sont tenues d'une obligation de sécurité, il en va différemment en milieux rural et notamment lorsque les voies sont situées près de massifs forestiers qui abritent du gros gibier ou dans des zones où le passage de grands animaux est habituel. En l'espèce, le Conseil d'État considère que « l'absence d'aménagement particulier destiné à empêcher l'accès des grands animaux sauvages sur ces voies publiques ne constitue pas un défaut d'entretien normal »36 . Dans toutes ces espèces, outre le défaut d'entretien inhérent à l'état de la voirie, la responsabilité de la collectivité a été retenue sur un fondement complémentaire : l'absence de signalisation. 2. Le défaut d'entretien normal inhérent à la défectuosité de signalisation La victime peut engager la responsabilité de la personne publique responsable de l'ouvrage public ainsi que sur collectivité détentrice du pouvoir de police. L'articulation de ces deux fondements « n'est pas aisée en pratique, le dommage subi par la victime pouvant révéler tout à la fois un défaut d'entretien de la voirie et une carence de l'autorité en charge du pouvoir de police »37 . Si le juge doit distinguer la responsabilité entre la personne publique chargé de l'entretien et celle titulaire du pouvoir de police, il tend néanmoins à assimiler le défaut d'exercice du pouvoir de police à un défaut d'entretien normal. Les collectivités ont pour mission d'assurer la sécurité publique, ce qui implique l'entretien et la mise en place d'une signalisation adaptée. L'absence de la signalisation des risques et de l'état défectueux sur la voirie routière constitue un défaut d'entretien normal38 . Il appartient à la personne publique chargée de l'entretien de signaler les dangers tels que la présence d'obstacle sur voie de circulation39 , l'effondrement40 , le rétrécissement41 de la chaussée, ou encore la survenance d'un accident42 . En présence d'une signalisation, la responsabilité de la personne publique peut également être engagée, si celle-ci n'est pas n'est pas suffisamment proportionnée à l'importance du danger43 . Il en est de même pour une signalisation inopérante du fait d'un manque de visibilité, d'une signalisation défectueuse44 qui ne remplit sa fonction en raison d'un équipement vétuste45 , ou encore d'une signalisation qui ne satisfait pas aux obligations réglementaires46 . Au regard de ces éléments jurisprudentiels, la signalisation doit « appeler suffisamment l'attention de l'usager »47 , indiquer la nature et l'étendue du danger, et être « posée dans des délais raisonnables »48 . B. Les causes d'exonération de responsabilité Plusieurs moyens de défense comme la preuve de l'entretien normal, la faute de la victime, ou encore la force majeure peuvent être soulevés afin d'exonérer de tout ou partie une collectivité de sa responsabilité. 1. La preuve d'un entretien normal et/ou la faute de la victime Pour s'exonérer de sa responsabilité, la personne publique doit démontrer que la voie publique était normalement entretenue49 et qu'elle ne présentait pas un risque disproportionné au regard de son utilisation par l'usager50 . Un commentaire autorisé rappelle toutefois que la preuve de l'entretien normal ne constitue pas une cause exonératoire au sens strict. Elle opère seulement « un renversement de présomption de faute »51 . Il s'agit pour la personne publique de démontrer qu'aucun entretien n'était nécessaire compte tenu de la destination et de la configuration de la voirie. Comme il a été souligné précédemment, les défauts mineurs auxquels les usagers de la voie publique doivent normalement s'attendre ne sauraient engager la responsabilité de la collectivité. Dans ces circonstances, la faute de la victime peut être soulevée, en présence d'une simple erreur de conduite52 , d'un excès de vitesse ou dans le cas où celle-ci ne pouvait ignorer les risques au moment de l'utilisation de la voirie53 . Le juge administratif apprécie alors « les conditions habituelles d'utilisation de l'ouvrage »54 . Il pèse ainsi sur la victime une obligation de prudence au regard de l'activité et de l'usage de la voirie envisagé55 . Le juge prend ensuite en considération non seulement la connaissance par la victime des lieux de l'accident du fait d'un usage régulier, mais aussi le caractère apparent et prévisible des défectuosités. Lorsque la personne publique a réalisé un entretien, il lui appartient de démontrer que l'entretien a été adapté pour remédier à la défectuosité de la voirie. Là encore, tout est question de circonstance, la connaissance du danger ainsi que le dégré de prévisibilité par le maître d'ouvrage doivent être mis en adéquation avec la configuration et la nature du risque. 2. Méconnaissance ou connaissance tardive par l'administration de la défectuosité En matière d'entretien, les collectivités ont une obligation de moyen. La cour d'appel de Lyon l'a récemment rappelé en indiquant que si « l'administration est tenue d'entretenir les routes afin d'en assurer un usage conforme à leur destination, elle ne peut cependant être obligé de faire enlever à tout instant les objets divers qui peuvent s'y trouver délaissés en dehors de son fait »56 . Il convient alors de démontrer qu'elle n'a pu procéder à des travaux dans un délai raisonnable. Le juge administratif apprécie alors le degré d'inertie de la personne publique à compter du moment où elle a eu connaissance de l'anomalie pour retenir ou exclure sa responsabilité. Les juridictions du fonds ont par exemple considéré qu'en raison d'un « cours laps de temps (30 minutes en l'espèce) qui s'est écoulé entre l'information et la chute de M. A. » la personne publique ne disposait pas d'un temps nécessaire pour prendre les mesures nécessaires57 . Il s'agit d'une appréciation circonstanciée, les moyens du gestionnaire de la voirie ainsi que la fréquence de l'entretien constituant des paramètres important dans l'évaluation du délai. Ainsi, la jurisprudence ne retient pas la responsabilité pour défaut d'entretien normal, dans une espèce où le défaut de signalement et d'enlèvement d'un rocher avait causé un accident vers minuit, dès lors que le chantier avait fait l'objet d'une inspection vers 19 h58 . Si le Conseil d'État a exclu la responsabilité d'une petite commune aux moyens limités59 , les juges du fonds ne prennent pas toujours en considération cette donnée60 . Un auteur approuve cette solution, toute distinction entre les collectivités conduisant nécessairement à « une rupture d'égalité entre les citoyens »61 . Même si nous ne pouvons que souscrire à cette position, il convient de souligner que toutes les collectivités ne sont pas logées à la même enseigne. Il est difficile d'exiger pour les petites collectivités d'assumer les mêmes obligations en matière de voirie que les collectivités plus importantes. Conclusion Le contentieux de la responsabilité pour défaut d'entretien repose sur des éléments essentiellement factuels. Il comporte par conséquent un degré important d'aléa. Des mesures de préventions sont nécessaires. La clarification des compétences en matière d'entretien entre les différentes personnes publiques s'impose. Des conventions d'entretien peuvent alors être conclues. L'inventaire des voies “accidentogènes” ou des voies en travaux doit en outre s'accompagner d'une information systématique à l'égard des usagers via internet ou par bulletin d'information.
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