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POLLUTIONS

Christophe Otero Docteur en droit public Université de Rouen

PUBLIÉ LE 1er MARS 2015
LA RÉDACTION
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Le voisinage du domaine public, notamment fluvial, offre quelques droits mais aussi et surtout la chance d'être titulaire d'une propriété contiguë à des vastes paysages et à de non moins belles étendues. Cependant, il a néanmoins quelques substantielles contreparties non négligeables et ne devant surtout pas être négligées, au risque pour ces heureux bénéficiaires d'être condamnés. L'espèce ici considérée est un condensé des conséquences juridiques attachées à une telle proximité. En l'espèce, Mme D. possède une parcelle sise sur la commune de Sciez jouxtant la rive sud du lac Léman. Tout autour de ce dernier, et comme pour l'ensemble des lacs et des cours d'eau domaniaux, sous réserve qu'ils aient fait l'objet d'un classement dans le domaine public, existe une servitude de marchepied. Cette dernière, en vertu de l'article L. 2131-2 du CGPPP contraint le propriétaire du terrain riverain du domaine public fluvial, mais également le locataire, le fermier ou le titulaire d'un droit réel sur le terrain en cause. Ceux-ci ne peuvent ni planter d'arbres sur leur parcelle ni se clore par haies ou autrement qu'à une distance de 3,25 mètres. Le domaine public étant une propriété publique, la servitude dont il est ici question doit permettre la libre circulation par et pour le gestionnaire du lac. Le même domaine étant affecté à l'usage direct du public, cette servitude permet, par l'obligation de laisser un espace libre, le passage des piétons et des pêcheurs. Il a été dressé, le 19 juin 2012, un procès-verbal à l'encontre de Mme D. pour obstruction par des haies et des clôtures de la servitude de marchepied. Sur saisine du préfet de la Haute-Savoie le 19 juin 2012, le tribunal administratif de Grenoble, par jugement du 2 avril 20131 , l'a condamnée au paiement d'une contravention de grande voirie à hauteur de 500 euros et à libérer, sans délai, la servitude de marchepied grevant la parcelle dont elle est propriétaire en bordure du lac de Genève et ce sous astreinte. Mme D. a relevé appel de ce jugement devant la cour administrative d'appel de Lyon. Cette dernière, par arrêt du 13 février 20142 avant dire droit, a ordonné qu'il soit procédé à une expertise aux fins de déterminer la limite du domaine public fluvial. L'auxiliaire de justice ayant rendu son rapport sur la délimitation, la cour administrative d'appel de Lyon a pu statuer. Suivant les conclusions de son rapporteur public3 , celle-ci a confirmé la matérialisation de l'infraction et par conséquent la condamnation prononcée en première instance. Pour parvenir à la solution, le raisonnement juridique parfaitement logique des juges – en ce que chacune des étapes est conditionnée par la réalisation nécessaire et suffisante des éléments précédents – s'effectue, comme une valse, en trois temps : d'abord, l'indispensable délimitation du domaine public (I) aux fins de connaître avec exactitude l'étendue de celui-ci ; ensuite, l'exigence d'éléments factuels caractérisant l'infraction au regard de la délimitation auparavant actée (II) ; enfin, l'imputation au contrevenant de l'infraction précédemment matérialisée (III). I. Au premier temps, la délimitation préalable du domaine public lacustre Afin que soit caractérisée l'infraction et que, par conséquent, la juridiction administrative entre en voie de condamnation, il est nécessaire et indispensable que la délimitation du domaine public soit effectuée avec précision. Si cela n'est pas le cas préalablement à l'instance, le procès offre l'occasion de délimiter le domaine public. L'intérêt de la voie gracieuse est justement de se soustraire du recours au juge. Dans l'hypothèse où la délimitation n'a pas été obtenue gracieusement, elle se voit donc exceptionnellement réalisée durant l'instance contentieuse4 . Pourtant, le principe veut qu'elle puisse être obtenue sans recours au juge, c'est-à-dire en sollicitant directement l'administration. Cette dernière, compte tenu du fait qu'il s'agit d'un droit, ne peut refuser, même si les motifs sont opportunistes5 et, à défaut, elle peut, le cas échéant, être condamnée par le juge à procéder à ladite délimitation sous injonction6 et astreinte7 . En l'espèce, la juridiction, pour opérer la délimitation préalable, cherche à appréhender matériellement la situation, afin de savoir où et comment s'étend le domaine public lacustre, pour ensuite, à partir de cette délimitation, mesurer le marchepied. À cette fin, la cour devait effectuer, à l'instar de l'alignement, une opération en deux temps : en premier lieu, une délimitation générale pour déterminer le domaine public et son étendue et, en second lieu, une délimitation particulière, c'est-à-dire celle au droit de la propriété de la requérante. Lors de son premier arrêt, la cour avait pu, à l'aide des éléments factuels, réaliser la première des deux opérations de délimitation. Elle avait considéré dans les motifs, lesquels sont repris dans le présent arrêt, que « depuis la construction du barrage de Genève, dont la mise en service a eu pour effet de limiter les variations du volume de l'eau et de le soustraire à l'influence des crues exceptionnelles du Rhône et de la Dranse, les plus hautes eaux du lac Léman ont atteint sans la dépasser, la cote 372,97 (Nivellement général de la France) ». Pour déterminer la limite du domaine public, la juridiction a donc retenu « l'intersection, avec les rives du lac, d'un plan horizontal situé à la hauteur de 372,97 mètres NGF ». La seconde opération consistait à déterminer l'intersection, cette fois-ci verticale, de la limite générale retenue avec la propriété privée. La cour avait considéré l'insuffisance des pièces du dossier pour permettre de localiser précisément au droit de la parcelle de la requérante la limite du domaine public lacustre et, par suite, la limite de la servitude de marchepied et l'emplacement des ouvrages et obstacles litigieux. C'est la raison pour laquelle elle avait ordonné une expertise avant dire droit. Sur la foi de celle-ci, la juridiction a pu, dans le présent arrêt, déterminer le lieu d'intersection entre la propriété publique et la parcelle sur laquelle s'étendent les 3,25 mètres de la servitude de marchepied. Cette dernière « doit être mesurée à partir de la limite du domaine public ainsi délimité »8 . Une fois la double délimitation – générale et individuelle – opérée, la juridiction devait, pour poursuivre la logique du raisonnement, s'enquérir du respect ou non de liberté d'accès par le public sur le marchepied. Or, il apparaît dans cette espèce comme dans d'autres, que l'espace, qui doit en théorie comme en pratique demeurer accessible, était obstrué, ce qui constitue une infraction, laquelle doit être caractérisée pour être réprimée. II. Au deuxième temps, l'exigence de matérialisation de l'infraction La contravention de grande voirie tend « à réprimer tout fait matériel pouvant compromettre la conservation d'une dépendance du domaine public ou nuire à l'usage auquel cette dépendance est légalement destinée »9 . Il s'agit de protéger et conserver le domaine public dans son intégrité et son intégralité, c'est-à-dire non seulement ce qu'il recouvre comme espaces propres et spécifiques mais aussi ce qui a trait à son étendue empiétant sur les propriétés privées par le biais des servitudes administratives. Si, par principe, les contraventions de grande voirie ne sanctionnent que les atteintes au domaine public, le régime s'applique aussi, et à de très rares exceptions, sur des propriétés privées10 . En effet, il protège « les chemins de halage en bordure du domaine public fluvial qui sont en principe la propriété des riverains, mais qui sont frappés de la servitude de halage ou de la servitude de marchepied »11 . Aussi, c'est l'un des intérêts de cette espèce, est appliqué le régime des contraventions de grande voirie sur une étendue qu'il régit à titre subsidiaire et exceptionnel mais néanmoins prévu par l'article L. 2132-2. Ce dernier article mentionne, effectivement et expressément, les servitudes administratives comme entrant dans le champ d'application des contraventions de grande voirie12 . Toute la logique du volet répressif des contraventions de grande voirie vise à sanctionner les infractions qui sont commises sur le domaine public ou, comme ici, sur des servitudes administratives qui y sont contiguës et donc situées aux limites de celui-ci. La mise en œuvre de cette protection assurée par la répression, auquel participent notamment l'obligation de poursuivre des autorités chargées de la police et la conservation du domaine public13 (qui ne peuvent s'abstenir que pour les motifs d'intérêt général14 et non de pures convenances administratives), sert à pallier un certain laxisme de l'administration. En effet, en ce qui concerne la servitude de marchepied, comme le note Norbert Foulquier « trop souvent, les propriétaires concernés ne la respectent pas car les sanctions restent trop rares »15 . Fréquemment, les propriétaires privatisent le marchepied alors que leurs parcelles sont grevées d'une servitude administrative. Mais, à ce sujet et comme dans bien d'autres hypothèses, « il n'y a pas d'un côté des droits privés qui doivent sans cesse progresser et le domaine public qui doit disparaître »16 et, avec lui, les servitudes qui lui sont contiguës, lesquelles permettent au domaine public, par son affectation au service du public, de conserver sa vocation. Aussi, est-il nécessaire, lorsque les faits constitutifs de l'infraction sont matériellement avérés, que celle-ci soit impérativement et irrémissiblement sanctionnée. Pour la jurisprudence, « le “marchepied” doit être praticable sans danger ni difficulté »17 . Tel n'est pas le cas lorsqu'il existe sur celui-ci : une clôture18 , un grillage19 , des plaques métalliques20 , un muret21 , des éléments de végétation22 ou que la parcelle est enclose de murs23 . Dans ces différents cas, la situation factuelle méconnaît les dispositions légales qui figurent dorénavant à l'article L. 21312 du CGPPP, aux termes desquelles les propriétaires concernés ne peuvent « ni planter d'arbres sur leur parcelle ni se clore par haies ». En l'espèce, la cour constate la présence in situ d'une clôture en fer en mauvais état dont les derniers piquets sont couchés à terre. Pour la juridiction « cette barrière doit être regardée comme étant irrégulièrement implantée sur la servitude de marchepied ». De cette confrontation factuelle au texte régissant une telle situation et prohibant l'entrave à la libre circulation, elle en déduit que la matérialité de l'infraction est établie. L'espèce n'est d'ailleurs pas si singulière. Il y a trois ans, deux précédents arrêts de la même cour et du même jour avaient déjà eu non une identité de parties mais de lieu, d'objet et de cause. Il s'agissait d'une contravention de grande voirie pour une haie, pour la première espèce, et une clôture grillagée, pour la seconde, entravant une servitude de marchepied au bord du lac Léman. La cour jugea à cette occasion, dans le premier arrêt, que les propriétaires riverains du domaine public fluvial sont tenus d'assurer un libre accès à la servitude grevant leur propriété et, dans ce cas précis, « à supposer que le pied de la haie litigieuse soit situé en dehors de la servitude de marchepied, sa présence ne permet pas d'assurer un passage de 3,25 mètres entre celle-ci et la bordure du domaine public »24 . Dans le second arrêt, elle jugea que le marchepied doit être praticable, sans danger ni difficulté et ce « dans sa totalité »25 . C'est donc bien un strict respect des exigences de l'article L. 2131-2 du CGPPP que la jurisprudence retient, afin de permettre un libre parcours le long des berges des lacs domaniaux. Lorsque la matérialité des faits reprochés est avérée, la contravention de grande voirie est alors constituée et doit donc être prononcée. Les seules causes exonératoires susceptibles d'entraîner la relaxe du contrevenant sont la force majeure et le fait de l'administration. Le rapporteur public soulignait que cette dernière hypothèse ne saurait en l'espèce être retenue. Il relevait effectivement : « vous ne sauriez retenir la passivité reprochée à l'administration pour délimiter de manière précise le marchepied dès lors qu'avant de saisir le tribunal celle-ci avait adressé le 3 avril 2012 à Mme D. un plan indiquant l'assiette de la servitude », lequel plan était relativement conforme à la délimitation réalisée a posteriori par l'expert au cours de l'instance. En conséquence, les conditions de la contravention de grande voirie étant réunies, il ne restait plus à la juridiction que d'imputer celle-ci au contrevenant. III. Au troisième temps, la nécessaire imputation au contrevenant Une fois l'infraction matérialisée, la latitude du juge est limitée. Lorsque les faits sont établis et qu'un texte le prévoit, le contrevenant sera obligatoirement condamné à une amende26 , le juge ne pouvant l'en dispenser27 . Il appartient tout de même au juge de fixer le quantum de l'amende, de prononcer, le cas échéant, l'évacuation du domaine public irrégulièrement occupé de sorte à rétablir son intégrité28 , et éventuellement d'assortir la décision d'une astreinte. S'agissant de l'espèce considérée, ces éléments, pour des raisons factuelles intervenues au cours de la procédure, se devaient d'être dissociés. En effet, par acte notarié du 20 juin 2012 – c'est-à-dire étonnament le lendemain de la date de rédaction du procès-verbal et dans l'optique sans doute d'échapper à toute condamnation – et rendu opposable aux tiers à sa publication le 6 juillet 2012, la requérante et son époux ont cédé leur propriété à leur descendance. La cour retient que ce transfert est postérieur au procès-verbal de constat d'infraction et que c'est à la date de ce dernier que « s'apprécie l'existence de l'infraction ». À l'inverse, le transfert est antérieur au jugement ayant statué sur l'action domaniale. Pour ce qui concerne l'imputation de l'infraction, la jurisprudence régulière et constante considère que « la personne qui peut être poursuivie pour contravention de grande voirie est, soit celle qui a commis ou pour le compte de laquelle a été commise l'action qui est à l'origine de l'infraction, soit celle sous la garde de laquelle se trouvait la chose qui a été la cause du dommage »29 . C'est donc logiquement la requérante, encore à ce moment propriétaire de la parcelle sur laquelle s'exerce la servitude de marchepied, qui est condamnée au paiement de l'amende, laquelle n'a pas-fait l'objet, comme il arrive régulièrement, d'une amnistie faisant obstacle à l'exécution de la condamnation30 . En ce qui a trait à l'injonction de libérer la servitude de marchepied et ce sous astreinte, la requérante ne pouvait plus de jure et de facto être condamnée pour la garde d'un immeuble qu'elle ne détient plus. C'est la raison pour laquelle le jugement est annulé sur ces points. En définitive, la requérante est certes libérée de l'obligation de restaurer la servitude et de l'astreinte mais elle a été condamnée à 500 euros puisque l'amende pour contravention de grande voirie prononcée par le tribunal administratif est confirmée en appel. Au surplus, elle se voit condamnée pour moitié aux frais d'expertise, qu'elle avait elle-même sollicitée de la cour à titre subsidiaire. Les frais de cette expertise sont au total d'un montant dix fois supérieur à la contravention, on a connu appel plus heureux et plus judicieux… dura lex, sed lex. Conclusion L'administration devrait impérativement opérer selon la même logique chronologique que celle suivie ici par le juge dans son arrêt, à savoir celle de procéder premièrement et prioritairement à la délimitation avant, en fonction de celle-ci et de son éventuelle méconnaissance, de dresser le procès-verbal de constat d'infraction. En opérant de la sorte, et aussi régulièrement et fréquemment que possible, l'administration dissuaderait peut-être les propriétaires se situant aux limites du domaine public lacustre de s'émanciper de la servitude in non faciendo pesant sur leur propriété.
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