Après les lichens pour l’air et les invertébrés pour l’eau, c’est au tour du sol de se voir doté de nouveaux bioindicateurs. Et pas n’importe lesquels : les nématodes. Ces petits vers microscopiques de 1 mm de long révèlent la qualité environnementale d’un sol ou son potentiel agronomique. L’idée est née suite à la collaboration de trois biologistes françaises qui ont monté leur start-up, Elisol environnement en 2010. « C’est la première fois qu’une méthode pour caractériser la vie du sol par la biodiversité d’une communauté d’organismes est commercialisée », souligne Cécile Villenave, une des trois fondatrices d’Elisol Environnement.L'appui de l'AdemeAfin de tester l’efficacité de différents indicateurs, l’Ademe a d’abord financé deux projets – Bioindicateurs 1 et 2 – sur une période dix ans. La technique a finalement été normalisée (ISO 23611-4). Son principal atout : elle est facile à mettre en œuvre. « Il suffit d’extraire les nématodes de 500 grammes de terre, sur les quinze premiers centimètres de sol. Une fois séparés et filtrés, on peut les compter, les identifier et distinguer les différentes familles à l’aide d’un simple microscope », précise Cécile Villenave. C’est ce recensement au laboratoire de Congénies (30) qui renseigne sur la qualité d’un sol.Premiers résultats« En 2012, nous avons mis en évidence la sensibilité de la nématofaune sur des sites pollués à proximité d’une ancienne usine métallurgique », illustre Cécile Villenave. Pour cela, les biologistes ont prélevé des échantillons dans quatre bois contaminés par les retombées de poussière pluri-métalliques de l’usine, essentiellement composées de plomb et de cadmium. Le résultat fut flagrant : « les nématodes omnivores et carnivores, très sensibles aux perturbations physicochimiques, sont beaucoup moins nombreux sur les sites contaminés que sur le site témoin. Et la réponse des nématodes microbivores  est graduelle à la contamination. » En revanche, un redéploiement de la nématofaune peut prouver l’efficacité d’une pratique lors de la réhabilitation d’un sol par exemple.Cibles agricoles« Contrairement à d’autres indicateurs de biodiversité comme les vers de terre, cette méthode s’appuie sur un référentiel d’interprétation. Cela permet d’affiner les conclusions et de faciliter le suivi des sites contaminés ou des parcelles agricoles sur plusieurs années ». Depuis 2013, Elisol Environnement élabore en effet un système d’information environnemental (SIE), baptisé Elipto. A ce jour, cette base de données stocke plus de 3 500 analyses de la nématofaune des sols, associées à leurs contextes pédoclimatique et chimiques, notamment en cas de contaminations métalliques ou organiques. Mais pour l’instant, ces bioindicateurs séduisent surtout les structures qui mènent des expérimentations agricoles, comme les groupements de producteurs ou les instituts techniques.Marine Bollard