l’Inde ne pourrait subvenir qu’à environ 30 % de ses besoins nationaux. Crédits : Pixabay
Une nouvelle étude théorise les conséquences des différentes approches de réduction des émissions du méthane sur la production alimentaire à l’horizon 2050. Ce travail comparatif révèle que la France ne pourrait pas pleinement subvenir à ses besoins alimentaires tout en respectant les plans de neutralité climatique.
La nécessité de réduire les émissions de méthane doit tenir compte de la sécurité alimentaire…C’est l’un des principaux constats qui ressort de l’étude réalisée par Rémi Prudhomme, économiste au Cirad et publiée dans le Journal of Environmental Management. L’analyse compare les données objectives de quatre pays (France, Inde, Brésil, Irlande), afin de montrer les effets « des objectifs de réduction des émissions de méthane sur la production alimentaire, les surfaces disponibles pour la compensation du CO2 et les questions d’équité sur la scène internationale », explique l’auteur.
Pour mener cette étude, les auteurs ont déterminé des « parts équitables » nationales des émissions mondiales de méthane pour la production de lait, viande, œufs et riz qui sont caractérisés pour leur forte intensité en méthane. Ils ont également défini les budgets mondiaux de méthane compatibles « avec la stabilisation du climat (de 24 à 47 % en dessous des niveaux d’émission de 2010) », selon le niveau des quotas nationaux pour les pays suivants : France, Inde, Brésil et Irlande.
Les quotas nationaux ont été attribués en fonction de quatre critères : grand-parentage (pourcentage de réduction égal entre les pays) ; équité (émissions égales par habitant) ; capacité (réductions d’émissions proportionnelles au PIB) ; sécurité (émissions proportionnelles à la production de protéines animales en 2010).
Les implications des objectifs de réduction des émissions de méthane
Conséquences ? Les « parts équitables » définies engendreraient des effets différents sur la production alimentaire des quatre pays comparés. Le Brésil et l’Irlande maintiendrait un certain degré de sécurité alimentaire en exportant du lait et du bœuf tout en atteignant la neutralité climatique au niveau national.
Cependant, l’Inde et la France ne pourraient pas pleinement subvenir à leurs besoins alimentaires tout en respectant les plans de neutralité climatique. L’Inde ne produirait que 30 % des besoins nationaux en calories et en protéines grâce au riz et au bétail. De même pour la France, « pour qui les besoins en protéines ne permettent pas de respecter la neutralité nationale en termes d’émissions », peut-on lire dans l’étude.
Lien entre le foncier et la réduction des émissions de méthane
Par ailleurs, l’analyse met en lumière les liens de causalité entre l’utilisation des terres et la réduction des émissions de méthane. « La production intensive de produits d’origine animale limite les surfaces disponibles pour la séquestration de carbone et la compensation des émissions de CO2 d’autres secteurs », précisent les auteurs.
« Ce travail montre que le choix de la méthode de réduction des émissions a un effet profond sur les objectifs nationaux en matière de méthane, et donc sur le secteur agricole et l’utilisation des terres », ajoute David Styles, maître de conférences en ingénierie environnementale à l’université de Limerick, et coordinateur de l’étude dans le cadre du projet SeQUEsTER.
Ces résultats apportent ainsi des éléments pour enrichir le débat sur l’adoption de méthodes de réduction des émissions de gaz à effet de serre. « Un dialogue plus approfondi entre les scientifiques et les parties prenantes est nécessaire pour fixer des objectifs nationaux qui intègrent les résultats de nos travaux, notamment en matière de sécurité alimentaire et selon les différentes techniques possibles de réduction du méthane », souligne Rémi Prudhomme.