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RECYCLAGE

Je t'aime moi non plus

PUBLIÉ LE 1er DÉCEMBRE 2015
LA RÉDACTION
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La France, championne de la responsabilité élargie du producteur (REP) ! Emballages et papiers ménagers, piles et batteries, DEEE… Près d'une vingtaine de filières ont vu le jour, dont certaines sont atypiques à l'échelle de l'Europe, tels les meubles ou les textiles. Avant-gardisme ou boulimie institutionnelle ? Vingt-trois ans après la création d'Eco-Emballages, susceptible aujourd'hui de voir son monopole historique entaillé, et à l'heure où la loi de transition énergétique instaure une nouvelle REP, celle des navires de plaisance ou de sport, quel bilan tirer de ces dispositifs ? Leur rôle moteur pour le recyclage est à présent reconnu. Les collectivités reçoivent de nouveaux soutiens et ne souhaitent pas faire machine arrière. « Nous avons besoin de stabilité ; il ne faut pas que l'on touche aux conditions économiques, sinon pour les améliorer », souligne Gilles Choquer, directeur du syndicat mixte de la vallée de l'Oise. Toutefois, le calcul de la prise en charge des coûts au sein des filières suscite des crispations. Le ministère de l'Écologie, contacté pour cet article, n'a pas donné suite. « Les REP se sont empilées de manière empirique », constate Nicolas Garnier, délégué général d'Amorce. Concurrence Il en ressort des dispositifs hétérogènes, où coexistent à la fois des monopoles et des situations de concurrence, des sociétés anonymes, des SAS, un GIE, des associations. Les structures agréées ont en commun d'être non lucratives et soumises au censeur d'État. Longtemps, l'éco-organisme fut assimilé au seul dispositif dit financier, à l'instar d'Eco-Emballages, et avait pour principal rôle de redistribuer des soutiens aux collectivités. Ont émergé des filières opérationnelles, où l'éco-organisme gère l'enlèvement et le traitement. Dominique Mignon, directrice générale d'Eco-mobilier, plaide pour cette seconde option qui « met en œuvre la responsabilité des producteurs de manière aboutie, afin qu'ils prennent possession de ce qu'impliquent l'écoconception et les coûts du recyclage ». Cela n'est pas du goût de Federec dont 200 à 300 entreprises sont concernées par les REP. Selon son président, Jean-Philippe Carpentier, « là où les éco-organismes sont opérationnels, les marges de manœuvre financières de nos adhérents diminuent pour approcher zéro ». En ce qui concerne l'écoconception, Françoise Bonnet, secrétaire générale d'ACR+, se montre circonspecte : « Les REP aident à atteindre les objectifs de recyclage, mais elles ne sont pas indispensables pour cela. Dans les emballages, elles ne sont pas le système le plus adapté pour faire progresser l'écoconception, qui nécessiterait des taux plus drastiques. » En aval, les recycleurs héritent de la matière, qui peut être source de déconvenues. François Aublé, président du Syndicat des régénérateurs de plastiques (SRP), l'atteste : « Nous avons organisé nos usines pour traiter des flux sans bouteilles en PET rouge et, aujourd'hui, la présence grandissante de ces bouteilles peut perturber les chaînes de traitement. » De plus, favoriser le recyclage exige de tenir compte des marchés. Pascal Genneviève, président de Federec papiers-cartons, a une vision souple : « Faut-il définir pour toute la durée de l'agrément les sortes soutenues par Ecofolio ? Cela fige les centres de tri. Je défie quiconque de dire quelle sorte papetière sera en demande dans six ans. » Pour mémoire, la responsabilité élargie des producteurs se limite à « pourvoir ou [à] contribuer à la prévention et à la gestion des déchets », selon le Code de l'environnement. Les collectivités, responsables de la salubrité publique, restent en première ligne. Dans la REP, interviennent les autres parties prenantes : État, consommateurs-contribuables-citoyens, opérateurs, recycleurs, associations. Et si la répartition des rôles comporte des zones de flou, il s'agit d'une responsabilité partagée, celle d'« une société qui doit gérer ce qu'elle génère », acquiesce Nicolas Garnier. De même, Alain Claudot, directeur général d'Eco-TLC, estime que « les éco-organismes sont là pour être des catalyseurs de projets collectifs, pour pérenniser une filière ». Mais, dans un récent rapport pour la Commission européenne, Bio by Deloitte invite à clarifier le concept même et les objectifs de la REP, ainsi que le partage des responsabilités, tout en plaidant pour une couverture des coûts complets nets (sans les recettes matières) et une harmonisation accrue en Europe. De plus, Deloitte conclut à l'absence d'éléments en faveur d'un système centra-lisé plutôt que compétitif. Un rapport de l'Ademe de 2004 reste d'actualité, jugeant que la situation oligopolistique, voire monopolistique d'un éco-organisme « n'est pas répréhensible en soi mais constitue une situation de risque ». Manque de transparence Quant à la concurrence, risque-t-elle d'entamer les fondements du service public : universalité, équité, continuité ? « La multiplicité, les systèmes individuels ou collectifs sont un choix rendu possible par la loi, et qui relève des metteurs en marché », tranche Dominique Mignon. Les DEEE donnent un exemple de secteur concurrentiel. L'Ocad3e joue un rôle de coordination, où les collectivités n'ont toutefois pas leur mot à dire. Lors du lancement de cette filière, en 2005-2006, des esprits moqueurs avaient raillé la complexité du dispositif. Depuis, un éco-organisme, ERP France, a perdu son agrément. Et les interrogations se sont déplacées vers le champ de la gouvernance. Que ce soit sur un même flux ou de manière globale, la multiplication des entités entraîne naturellement des frais de structure. Citons, pour 2014, 12 millions d'euros de salaires et traitements chez Eco-Emballages et Adelphe pour 205 équivalents temps plein (hors stages et alternance), 660 000 euros en charges de personnel chez Eco-TLC pour une équipe permanente de six personnes, ou 6,25 millions de frais de fonctionnement d'Eco-mobilier, qui font au moins l'effort de rendre ces données publiques – et sont en monopole. Il en va autrement dans les DEEE ménagers. Chez Eco-systèmes, la version web du rapport d'activité est tronquée, dépouillée du compte d'exploitation – qui nous a cependant été fourni sur demande. Ces données ne figurent pas non plus dans le rapport DEEE 2014 de l'Ademe. Dans son étude européenne, Bio by Deloitte souligne « le manque sévère de transparence » lorsque des éco-organismes sont en compétition, en particulier dans les DEEE. Selon les données nationales que nous nous sommes procurées, le total cumulé des frais de fonctionnement des quatre éco-organismes agréés en France en 2013 pour les DEEE dépasse 12,3 millions d'euros. Autant de chiffres à mettre en regard avec le montant des écocontributions perçues par les filières REP réglementées, qui dépasse le milliard d'euros par an. Zone de flou sur les gisements En corollaire, les contenants sont de plus en plus nombreux en déchèterie, avec « une perte de réactivité lorsque les intermédiaires sont démultipliés, puisqu'une demande de la collectivité est transmise à l'éco-organisme qui en fait part ensuite au prestataire », témoigne Olivier Mezzalira, directeur du Valtom. En ce qui concerne les pneus, Aliapur s'est mis d'accord avec le Cercle national du recyclage pour organiser des collectes ponctuelles dans les collectivités qui en font la demande. S'ensuivent autant de procédures administratives qu'il y a de filières. Y compris pour les metteurs en marché contribuant à plusieurs gisements. En vue d'une simplification, Pascal Gislais, de Valorie, portant une candidature concurrente à Eco-Emballages, propose « la création d'une plateforme de déclaration commune aux emballages et aux papiers pour producteurs et collectivités ». Au chapitre de la transparence, il suggère de faciliter l'accès public à la liste des adhérents de chaque éco-organisme, et qu'elle soit hébergée par un organe coordonnateur « qui pourrait aussi gérer les provisions financières ». Une zone de flou apparaît également au sujet des gisements, en particulier sur leur caractère ménager ou professionnel qui les fait entrer ou sortir d'une filière. On le voit avec la filière des DDS, portée par Eco-DDS. Les associations de collectivités déplorent l'inertie du ministère au sujet de l'élargissement du périmètre pris en charge. Quant aux DEEE professionnels, ils intégreront la REP à partir de 2017. Ces atermoiements sont en partie liés au fait que les éco-organismes raisonnent en termes d'objets alors que les recycleurs pensent « matières ». Autre exemple dans la filière emballages, où le statut d'un même suremballage de pack de boissons change selon le lieu où il est déballé. La question se pose pour les bouteilles vendues à l'unité, cela provoquant même des litiges. Eco-Emballages a ainsi assigné l'un de ses adhérents, début juillet 2015. De même, les mandrins restent une source de contentieux, tel le cylindre de carton autour duquel s'enroule le papier hygiénique. À ce sujet, des procédures en cours opposent Eco-Emballages à plusieurs dizaines de sociétés qui refusent de les considérer comme un emballage et donc de les financer. Au demeurant, la mutualisation est de mise parmi les flux, « entre les emballages dont la filière est viable et ceux qui n'ont pas de débouché, ou entre les plastiques et le verre », selon Philippe-Loïc Jacob, président d'Eco-Emballage. Quelle serait une filière REP idéale ? « Grâce au caractère obligatoire des REP, la collecte se met en place de façon mutualisée, estime François Aublé, du SRP. Mais une fois que le système fonctionne, il est souhaitable qu'il vive de lui-même, sans subventions, en créant de la valeur. » Et de citer les menuiseries en PVC usagées, une filière volontaire qui aujourd'hui se passe de financement, ce PVC étant acheté à 40 euros la tonne. Et dans les emballages ? « Si l'on payait 200 euros la tonne pour la mise en décharge, soit beaucoup plus qu'aujourd'hui, le modèle économique serait plus facile à trouver », poursuit François Aublé. Jean-Philippe Carpentier, de Federec, ne dit pas autre chose : « Les éco-organismes ne sont qu'un moyen au service de la REP. Or, certains se positionnent sur des marchés en dépit du bon sens. Par exemple, sur les cuisines professionnelles alors que ces mobiliers sont déjà repris et recyclés, sans intervention. Certes, Eco-Emballages a amorcé la pompe pour des plastiques post-consommation qui, à l'époque, avaient un prix de reprise à zéro. Mais si, demain, ce dispositif fonctionne, il doit pouvoir s'en retirer et se consacrer à d'autres difficultés technico-économiques, comme le tri hors foyer qui, je l'espère, figurera dans le prochain cahier des charges. » Vu de l'extérieur, « la multiplication des REP en France donne parfois l'impression de tirer sur une mouche avec une kalachnikov, lance la secrétaire générale d'ACR+. Il semble qu'elles soient d'abord considérées comme un moyen de financer des filières. » Revoir le dispositif Nombre de par ties prenantes – des collectivités aux recycleurs – s'agacent de manquer de marge de manœuvre, se sentent dépossédées du gisement, ou grincent des dents à l'idée que des sociétés anonymes portent l'intérêt général. Jusqu'à se prononcer pour la fin des éco-organismes. Même l'avocat Xavier Matharan, l'un des architectes de la REP des emballages en 19921993, s'est laissé gagner par cette idée : « Le système, qui était adapté en 1992, est devenu une usine à gaz, fonctionnant en silos. Le signal prix n'est pas suffisant. Il faut une refonte du dispositif. Ce peut être avec une reprise en main par l'État ou par les collectivités qui délèguent le service. » Des initiatives prennent corps sur le terrain comme au Valtom, qui coordonne ses collectivités adhérentes, lesquelles parlent ainsi d'une seule voix face à Eco-mobilier. Une idée fait son chemin, celle d'une instance étatique chargée de récolter les flux financiers de toutes les filières, et fonctionnant de manière collégiale, en laissant la planification, voire la décision locale aux mains des collectivités. Un tel dispositif rappelle celui des agences de l'eau, qui n'est pas parfait non plus. Ces dernières sont souvent étrillées par la Cour des comptes, du fait de contrôles insuffisants, de la prédominance d'intérêts catégoriels, ou de redevances éloignées du principe pollueur-payeur. Il arrive aussi que l'État ponctionne le budget de ces agences pour d'autres effets. Avec ou sans éco-organismes, quantité de gisements pourraient faire l'objet de nouvelles REP, ainsi que le souhaite Amorce. Comme les produits d'animalerie et, pour partie, les jouets ou le matériel de sport et de loisir. Cela permettrait à la France de battre son propre record. n
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