Cette plateforme, en remplacement de la deuxième installation de l’industriel qui arrivait en fin de vie, est une façon de persister dans la valorisation des mâchefers, malgré les freins, « uniquement psychologiques », d’après Guy Moulin, PDG de Modus Valoris. « Le décret de novembre 2011, applicable depuis juillet 2012, nous a enfin donné un cadre au recyclage en technique routière ». Mais les appels d’offres contiennent encore trop souvent des clauses d’exclusions, au mépris de la loi.Or, « est réputée non écrite toute stipulation créant une discrimination en raison de la présence de matériaux ou éléments de récupération dans les produits qui satisfont aux règlements et normes en vigueur », a tenu à rappeler le PDG lors de l’inauguration, en juillet dernier, de la plateforme à Bourgoin-Jallieu (Isère), citant l’article L541.33 du code de l’environnement. Et celui-ci d'ajouter : « Avec la crise et les restrictions budgétaires, il se fait de moins en moins de routes. Nous devons donc trouver de nouveaux débouchés. Mais il fallait des garanties supplémentaires de qualité, que nous offrons aujourd’hui avec la Maturite®. »Le produit est issu d’un traitement mis au point avec les Isérois MTB et ERMAC qui améliore la séparation des métaux ferreux et non ferreux ainsi que les imbrûlés pour obtenir une grave de mâchefers de meilleure qualité. Un investissement de 2,1 millions d’euros que Modus Valoris a pu réaliser grâce au dispositif de sur-amortissement permis par l’État depuis 2014. Un tri granulométrique poussé (broyeurs, cribles), associé à un tri manuel (pour notamment les imbrûlés et l’inox), permet aux séparateurs électromagnétiques (aimants et courant de Foucault) d’éliminer les métaux non-ferreux d’une taille supérieure à 2-3mm et les métaux ferreux en totalité.Après maturation, le matériau obtenu présente notamment une compatibilité avec les bétons qui ouvre de nombreux champs d’application. Sans oublier sa possible utilisation en sous-couche de bâtiment, déjà techniquement possible et largement pratiquée aux Pays-Bas, par exemple, où les normes sont cependant moins sévères. Le Cerema pilote actuellement un groupe de travail sur ces questions, avec le CSTB, l’INERIS et le BRGM. « Nous devrions avoir tous les résultats des modélisations, notamment sur l’impact sanitaire, fin 2016 et pourrons élargir le groupe aux fédérations professionnelles avant la fin de l’année », précise Patrick Vaillant, chef du groupe des infrastructures de transport au Cerema Centre-Est. Un guide technique pourrait voir le jour d’ici la mi 2018.Modus Valoris a valorisé 80 000 tonnes de mâchefers en 2015 : les graves maturées sont utilisées en remblais routiers (75 120 t, soit 93,9%) sur le marché local ; les métaux ferreux (5%) et non ferreux (1%) sont recyclés, hélas à l’étranger puisqu’il n’existe plus de sites en France ; les imbrûlés (80 t y compris les divers) retournent à l’incinération par un système de double fret sans coût supplémentaire. Rappelons que trois millions de tonnes de mâchefers sont produites chaque année en France. Leur recyclage permet, selon Amorce, une économie de l’ordre de 75 % par rapport à l’enfouissement. « Cela doit être entendu par les collectivités locales, d’autant que nous leur proposons un prix de graves à coût zéro en sortie d’usine », précise Guy Moulin.Christel Leca