« Le plus ancien des matériaux d’avenir » table sur un recyclage accru dans le bâtiment. A condition que les maîtres d’ouvrage soient tenus d’organiser le tri et la valorisation des déchets de leurs chantiers.
Dans la foulée du programme de recherche Recybéton (2012-2018), le socle législatif de l’intégration de recyclé dans le bâtiment est attendu pour 2020 : la norme EN206 doit alors élargir à ce secteur le seuil de 20% de granulats recyclés aujourd’hui autorisé dans les infrastructures, indique Benoist Thomas, secrétaire général du Syndicat national des producteurs de béton prêt à l’emploi.
A Chartres (Eure-et-Loir) démarre la construction de la future résidence « Le Onze », qui inclura du béton recyclé issu de la déconstruction d’immeubles de quartiers en rénovation urbaine. A 10 km, la plateforme de Granudem valorisera blocs et gravats, réinjectés dans le processus de fabrication. Sur la résidence de 20 logements, portée par Pierres et Territoires (groupe Procivis), le béton recyclé entrera dans la composition des prémurs et des escaliers. « Il s’agit de la première production de préfabriqué à partir de granulats recyclés », souligne Patricia Festivi, P-dg du promoteur, à statut coopératif. Dans cette région où la ressource naturelle abonde, l’emploi de recyclé traduit la volonté de privilégier, sans surcoût, la circularité des matériaux et l’activité locale. Le site, qui doit être livré en mars 2020, sera un démonstrateur du label E+C- (énergie positive et bas carbone), expérimenté en vue de la réglementation thermique environnementale qui s’appliquera à la construction neuve en 2020.
Engagement réciproque
La filière béton prépare un deuxième engagement pour la croissance verte1, axé notamment sur la structuration d’une filière de déconstruction sélective. Elle souhaite le signer avant l’automne, en émettant une condition : que l’Etat rende « obligatoire l’allotissement de la gestion des déchets, dans la commande publique dans un premier temps, puis dans les chantiers privés », énonce Philippe Gruat, président de la Filière béton.
Ce dernier ne prise guère le projet de création d’une filière à responsabilité élargie du producteur (REP) sur les déchets du BTP : « Dans un secteur couvrant une multiplicité de matériaux, la REP serait inapplicable à court terme ». Nicolas Vuillier, président de l’Union nationale des industries de carrières et des matériaux de construction, se demande « à quoi servirait une REP dans le domaine du béton, quand plus de 80% des déchets inertes du BTP sont déjà valorisés ? Nul besoin que soient prélevées des ressources au profit d’un éco-organisme qui ne va rien nous apporter. C’est sur les déchets du second-œuvre (moquettes, fenêtres, plinthes, pots de peinture non vidés …) que porte l’enjeu. Dès lors que les maîtres d’ouvrage émettront des exigences de tri sur les chantiers, les filières se monteront ».
La profession annonce un recul de 50% des rejets de CO2 liés à la production de béton d’ici 2021, horizon de mise sur le marché de matériaux à faible impact carbone grâce à la réduction de la part de clinker entrant dans la fabrication du ciment. De 2016 à 2050, elle vise un recul de 80% (soit un facteur 4) de l’intensité carbone de la tonne de ciment.
1 : Celui sur la valorisation et le recyclage des déchets inertes du BTP conclu en avril 2018 entre les pouvoirs publics et trois fédérations (Syndicat national des producteurs de béton prêt à l’emploi, Union nationale des industries de carrières et des matériaux de construction, Union nationale des producteurs de granulats) arrivant à son terme.
Plateforme de déchets Ganudem en Eure-et-Loir. Crédits : CSTR et Démol