Certes, décontaminer le milieu marin passera d’abord par la collecte et le traitement des déchets et des eaux usées. Pour autant, la récupération des filets de pêche canalisera un pan de pollution moins anecdotique qu’on ne le croit : le matériel de pêche contenant du plastique représente 27 % des déchets marins retrouvés sur les plages européennes, selon Bruxelles. Au plan mondial, les matériels de pêche jetés en mer pèsent quelque 640.000 tonnes par an.
D’ici janvier 2023, les Etats-membres devront avoir instauré une filière à responsabilité élargie du producteur (REP) sur les filets de pêche, selon la directive sur les plastiques à usage unique, en passe d’être définitivement adoptée. « En tout état de cause, le ministère de la transition écologique a fait part de sa volonté de transposer le texte courant 2020 », lit-on sur le blog du cabinet Gossement Avocats.
La consigne, garante du retour à terre des déchets
Il y a urgence à appliquer le principe pollueur-payeur, presse le collectif Expédition MED. « Sur la côte atlantique française, l’activité maritime génère par endroits 80% voire plus des déchets, dont des filets de pêche - parfaitement recyclables, relève le fondateur de l’association, Bruno Dumontet. Cela nuance l’idée dominante d’une origine à 80% terrestre des déchets polluant les mers, qui ne se vérifie pas toujours localement. » Selon l’intensité de l’activité, un fileyeur normand produit 150 à 2.500 kg/an de déchets de filets1.
La récente étude de préfiguration sur la création d’une filière2 évalue à 25% le niveau actuel de valorisation des filets et chaluts issus de la pêche française. De préférence à une contribution financière, Laura Châtel, responsable du plaidoyer de Zero Waste France, défend une REP sous forme de consigne, « qui garantit le retour au port du filet de pêche ». Ces déchets et ceux issus des produits en plastique à usage unique (coton-tige, ballons, vaisselle jetable) représentent plus de 70% des déchets marins, selon la Commission européenne.
Les microplastiques, nids à virus et bactéries
Même déployée à l’échelle communautaire, la REP n’hameçonnera qu’une modeste part des pollutions marines. « 80% des plastiques finissant dans les océans proviennent de six pays d’Asie du Sud-Est », pointe Jean-Marc Boursier, directeur général adjoint de Suez. Mathieu Combe, qui vient de publier « Survivre au plastique »3, rappelle qu’au niveau mondial, « 2 milliards de personnes n’ont pas accès à un service de collecte des déchets et 80% des eaux usées ne font l’objet d’aucun traitement. En Europe, 95% des eaux sont épurées mais la performance est sérieusement dégradée par temps de pluie ».
Semi-fermée, la Méditerranée4 met un siècle à se renouveler. En 2016, seulement 47% des eaux usées des 22 pays riverains étaient assainies, selon l’ONU5. « C’est l’une des mers les plus polluées au monde, où circulent des microplastiques (d’une taille inférieure à 5 mm) en surface et dans la colonne d’eau. On commence même à en déceler dans les sédiments, note Bruno Dumontet. Par endroits, ces débris sont aussi présents que le plancton. Ils sont colonisés par des virus et des bactéries, dont certaines sont pathogènes pour les élevages de poissons voire les mammifères marins », poursuit l’explorateur de « ce nouvel écosystème qu’est la plastisphère ». Parmi ces bactéries, de type vibrio, se trouve celle porteuse du choléra. L’Expédition MED publiera d’ici l’été les résultats des campagnes 2017-18.
1 : Sous-produits et déchets plastiques des filières pêche, conchyliculture et algues en Normandie, 2017 2 : menée dans le cadre du projet « Pechpropre » (septembre 2016-août 2018). 3 : éd. de l’Echiquier 4 : où 7 % des microplastiques se concentrent sur 1 % des eaux marines du globe, selon un rapport du WWF de 2018. 5 : qui vise un taux de 90 % en 2025.