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RECYCLAGE & RÉCUPÉRATION

[Tribune] Recyclage des plastiques : il est urgent de modifier le modèle économique !

PUBLIÉ LE 20 JUILLET 2020
ANTOINE THONNELIER, DIRECTEUR COMMERCIAL ET ACHATS POLIECO FRANCE
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[Tribune] Recyclage des plastiques : il est urgent de modifier le modèle économique !
Cette semaine, Antoine Thonnelier, directeur commercial et achats Polieco France, revient sur l’importance de développer le marché des produits à base de matière recyclée. "La crise que nous visons actuellement montre une fois de plus que le recyclage n’est pas un business comme un autre : sans politique proactive de la part de nos institutions, il restera fragile", estime-t-il.

La crise du Covid-19 a mis en exergue la fragilité du modèle économique du marché des produits à base de matière recyclée,
en particulier dans le domaine des matériaux de construction. Dans le même temps, elle a mis un coup de projecteur sur la nécessité de repenser nos modes de vie pour améliorer le respect de l’environnement. Et si ces signaux étaient l’opportunité de mettre en place une filière du recyclage pérenne ? L’arrêt brutal des chantiers dans le monde du BTP s’est traduit par l’arrêt des commandes de matériaux de construction.

Dans le même temps, la chute de la production mondiale a entrainé celle des cours du pétrole et dans son sillage l’effondrement du prix des matières plastiques vierges, issues de l’industrie pétrolière. En quelques semaines, le marché des produits plastiques recyclés s’est ainsi retrouvé dans une situation très précaire : non seulement la demande s’est écroulée, mais depuis la reprise elle s’est reportée sur des produits en matière plastique vierge, dont le prix est devenu plus attractif en raison d’une surabondance sur le marché. Les industriels qui, comme nous, se sont engagés durablement dans la production de matériaux de construction en plastique recyclé, ne souhaitent pas revenir en arrière et mettre à mal les efforts réalisés depuis des années pour construire une filière du recyclage. Mais nos partenaires recycleurs, dont l’activité recyclage de PEHD (polyéthylène haute densité) est très impactée, avec une baisse des prix de vente allant jusqu’à 30 %, ne pourront sans doute pas tenir ainsi sur le long terme.

La valorisation des déchets est également en jeu : la baisse de la demande de produits recyclés se traduit en effet par une réduction du recyclage, et les déchets, au lieu d’être valorisés, risquent d’être enfouis ou incinérés. La mobilisation citoyenne en faveur du tri pourrait elle aussi en pâtir… Au-delà de ce triste constat, comment remédier à cette situation ? Comment le marché va-t-il pouvoir récupérer ces tonnes de déchets ? Quels dispositifs mettre en place pour pérenniser la filière du recyclage ? L’une des mesures prioritaires est de désindexer le prix de la matière plastique recyclée de celui de la matière vierge, et donc du cours du baril de pétrole dont on connaît la volatilité. Pour cela, il faudrait également rendre obligatoire l’utilisation de matériaux recyclés pour la fabrication de tous les produits le permettant. Cela est déjà prévu pour les bouteilles PET puisque d’ici à 2025, il sera obligatoire d’utiliser au moins 25 % de matière recyclée dans chaque bouteille en Europe.

Dans la construction ou les travaux publics, la mise en place d’ici à 2 ans d’une REP (responsabilité élargie au producteur) va permettre d’augmenter la capacité de collecte des déchets de chantier et donc de construire une boucle entre les produits du même secteur. Construire, à l’instar du « bottle to bottle » de l’emballage PET, un cercle vertueux dans un même domaine d’emploi constitue un gage de réussite et de pérennité du système. Même si les cycles de vie des produits du BTP sont plus longs que ceux des bouteilles PET, engager cette démarche est un premier pas afin de préparer la filière pour les générations futures et standardiser l’incorporation des déchets d’emballages (actuellement recyclés à 50 % seulement). A savoir que le potentiel d’incorporation de déchets PEHD dans le tube annelé est considérable.

Le marché français du tube étant estimé à 30.000 tonnes par an, c’est ¼ des déchets d’emballage PEHD (120 000 tonnes) que les industriels pourraient ainsi recycler, uniquement, sur cette famille de produit. Pour cela, il serait louable que les collectivités, en tant que maîtres d’ouvrage de chantiers, expriment clairement dans leurs cahiers des charges l’exigence d’utiliser des matériaux issus de produits recyclés fabriqués en France, qui offrent une garantie de traçabilité, de qualité et de circuit court. Elles devraient également favoriser la récupération des « anciens réseaux » inutilisés, ce qui permettrait de récupérer une nouvelle quantité de matériaux à recycler. Chez Polieco, nous avons récemment lancé un certificat « équivalent bouteilles recyclées » qui permet aux collectivités de communiquer localement sur leur engagement dans la filière du recyclage lorsque des tubes fabriqués en PEHD recyclé ont été mis en œuvre. Les entreprises prennent de nombreuses initiatives pour dynamiser la filière. Mais les efforts ne peuvent pas rester à leur seul niveau : ils doivent être soutenus par le gouvernement.

Le nouvel élan pour la préservation de l’environnement impulsé par la FREC, la Feuille de route pour l’économie circulaire, lancée en 2019 par le ministère de la Transition écologique et solidaire, a constitué un premier pas. Mais les bonnes intentions ne suffiront pas pour atteindre l’objectif de zéro plastique en décharge en 2025, avec 100 % de plastiques recyclés. La crise que nous visons actuellement montre une fois de plus que le recyclage n’est pas un business comme un autre : sans politique proactive de la part de nos institutions, il restera fragile.
Antoine Thonnelier, directeur commercial et achats Polieco France / DR
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