David Schisler, membre du conseil d’administration de la European Paper Packaging Alliance. Crédit : DR
Pour réduire drastiquement la production de déchets plastiques, « il est primordial de soutenir des alternatives durables au plastique et de les placer au cœur de la transition énergétique », souligne David Schisler, membre du conseil d’administration de la European Paper Packaging Alliance (EPPA).
C’est en France que s’est tenu le sommet international visant à lutter contre la pollution plastique. Terminé il y a quelques jours, l’objectif était de donner de l’élan aux négociations visant l’établissement d’un traité juridiquement contraignant pour réduire drastiquement la production de déchets plastiques. Pour rendre possible une telle ambition, il est primordial de soutenir des alternatives durables au plastique et de les placer au cœur de la transition énergétique.
La lutte contre le plastique a été un fer de lance de la France et de l’UE ces dernières années. De la Directive SUP sur le plastique à usage unique, au Pacte national sur le plastique et à la Loi AGEC relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, de nombreux textes ont été adoptés pour éliminer progressivement les produits en plastique du continent. Et les premiers résultats ont été encourageants. Plus de coton-tiges, de pailles ou de sacs en plastique à usage unique. En 2020, la consommation de plastique a reculé de 11 % en France et de 5,1 % dans toute l’Europe.
La recherche de substitutions au plastique a entraîné des investissements significatifs dans l’industrie, et de nouveaux produits ont été développés, notamment en papier carton. Les consommateurs eux aussi ont adapté leurs comportements et se sont tournés vers ces alternatives. Ces efforts sont pour autant menacés aujourd’hui et un retour inattendu du plastique se profile. En bannissant les emballages en papier, certes à usage unique, mais recyclables et renouvelables, la porte a été laissée ouverte au retour du plastique. Voilà l’écueil principal de la Loi AGEC entrée en vigueur en janvier dernier, qui a remplacé dans la restauration rapide la vaisselle à usage unique en papier par de la vaisselle réemployable, majoritairement en plastique. Concrètement, gobelets, sachets de frites, coupes à glace composés entièrement de plastique ont remplacé la vaisselle en papier, entraînant une augmentation vertigineuse de la quantité de plastique sur le marché, à l’encontre de tous les efforts déployés pour éliminer ce matériau.
Au-delà du fait que cette substitution va augmenter nos émissions de CO2 de 50% et quintupler notre consommation d’eau potable, ces nouveaux objets issus de ressources fossiles deviendront également des déchets à terme. Comment sera gérée la fin de vie d’un emballage réemployable composé de plastique non recyclable? En raison des flux importants de vaisselle de la restauration rapide, ces contenants réemployables présentés comme zéro déchet auront une durée d’utilisation de quelques jours, avant de devenir eux aussi des déchets. Sans filière de recyclage.
Quatre fois plus de déchets d’emballages plastiques
Zéro déchet ne signifie pas zéro impact environnemental. Chaque réemploi signifie un lavage, un rinçage et un séchage (parfois complexe dans le cas du plastique qui sèche plus difficilement que la céramique par exemple), tandis que la vaisselle à usage unique en papier est directement envoyée en centre de tri puis en papeterie pour être recyclée. Plusieurs observations montrent que les nouveaux articles réemployables sont en fait très peu réemployés, quand ce n’est pas une seule fois. Compte tenu du risque que cette vaisselle finisse dans la nature comme de nombreux autres produits en plastique, n’est-il pas mieux de favoriser des produits fabriqués à partir de matières renouvelables, facilement recyclés et transformés en ressource secondaire de qualité ? Le papier carton est devenu un matériau banni alors qu’il s’inscrit parfaitement dans les solutions visant à réduire nos déchets.
Au niveau européen, une telle mesure aurait des conséquences désastreuses : selon un rapport du cabinet Kearney, la mise en place de vaisselle réemployable en Europe entraînerait la production de quatre fois plus de déchets d’emballages plastiques pour la restauration sur place et seize fois plus pour la vente à emporter. L’impact environnemental est tout aussi préoccupant. Une Analyse de Cycle de Vie (ACV) comparant la vaisselle à usage unique à base de papier carton et la vaisselle en plastique réemployée (au moins 100 fois) a révélé que le passage à cette vaisselle réemployable équivaudrait à ajouter chaque année un million de voitures à essence sur les routes de l’Union européenne et à prélever l’équivalent des besoins annuels en eau douce d’une ville de 750 000 habitants.
Les choses peuvent changer. Des produits écologiques alternatifs au plastique existent déjà. Les emballages en papier sont à usage unique il est vrai, mais leurs fibres peuvent être réutilisées grâce au recyclage! Fabriqué à partir d’un matériau naturel et renouvelable, le papier carton est recyclable et effectivement recyclé: il dispose d’une filière de recyclage très efficace en France et en Europe, qui permet de réutiliser plus de 25 fois les fibres afin de les transformer en nouveaux emballages, comme des boîtes d’œufs par exemple. Et de fait, il reste moins polluant que le plastique : ce ne sont pas les emballages en papier que l’on retrouve dans la mer ou sur les plages… La dernière étude de l’organisation Surfrider sur les déchets retrouvés sur les plages européennes en atteste.
Les emballages papier, renouvelables et recyclables, devraient être mis en avant par nos dirigeants, d’autant qu’ils proviennent d’une filière intégralement européenne. La quantité de déchets en plastique déversée dans nos océans va continuer à croître sans mesure drastique adoptée au niveau français et européen. Le papier carton est une solution. Il ne devrait pas être perçu en opposition avec les politiques de réduction des déchets d’emballages, au contraire. C’est une solution complémentaire au réemploi et dans certains cas, la meilleure option en termes de performance environnementale. Soutenons cette alternative durable.