Fabien Delory, directeur général de Moulinot. Crédit : DR
« En valorisant l’impact environnemental et social de certaines professions aujourd’hui mésestimées, la prise de conscience s’accélérera et nous pourrons rapprocher de l’emploi, des personnes qui en sont aujourd’hui éloignées », souligne Fabien Delory, directeur général de Moulinot, spécialiste de la collecte et de la valorisation des biodéchets.
Alors que la transition écologique fait émerger de nouveaux besoins et de nouveaux métiers, elle peut largement contribuer à accélérer la transition sociale. Mais si les différents secteurs d’activités, qu’ils soient tertiaires ou industriels, représentent un levier de croissance dans la création d’emplois verts, il est primordial que ces derniers puissent rencontrer leurs publics.
La transition écologique, source de nouveaux métiers
Aujourd’hui près de 4,4 millions(1) de personnes travaillent, selon l’APEC, dans des postes à fonctions environnementales (bâtiment, agriculture, transport...). Et si 14,5% des emplois de l’hexagone sont liés à la transition écologique, gageons que les avancées législatives (loi AGEC, COP21, …) et l’émergence de nouveaux besoins pour y répondre contribueront, à très court terme, à faire croître largement ce chiffre. En 2021, selon le gouvernement(2), un projet de recrutement sur six concernait déjà un métier lié à l’économie verte.
C’est un constat : le développement de filières, comme celles des biodéchets ou des énergies renouvelables, crée de nouveaux besoins en matière d’emplois. Tant sur des métiers très qualifiés que des métiers à basse qualification comme les collecteurs de matières premières secondaires, les opérateurs de tri des déchets, les éco-animateurs, … Des postes peu valorisés mais souvent plus locaux et engagés, qui se révèlent porteurs de sens pour les candidats qui les intègrent. Une clé donc, pour rapprocher de l’emploi des publics qui en étaient éloignés.
Connaître et valoriser ces débouchés sources de richesses pour l’économie et la planète
Certaines filières vertes qui bénéficient d’un potentiel d’emplois énorme, pâtissent pourtant aujourd’hui d’un manque d’attractivité et de visibilité qui risque, à moyen terme, de freiner leur développement. Les acteurs de la valorisation des déchets par exemple, victimes de préjugés, peinent à pourvoir certains postes qui ne rencontrent pas leur public. Or, historiquement peu mis en avant, les éboueurs ont démontré l’impact de leur travail sur la société lors des récentes grèves de mars 2023. C’est là qu’un changement de paradigme s’impose.
N’attendons pas que des crises mettent en lumière ces métiers indispensables. Valorisons-les, montrons les bénéfices qu’ils ont sur la société comme sur l’environnement.
Amenons les chercheurs d’emplois à réaliser la contribution positive qu’ils peuvent apporter à la société. Prenons conscience des enjeux de formations pour que les filières vertes puissent se développer durablement et de manière qualitative. Accélérons la qualification des candidats sur les métiers nécessaires à ces filières. Enfin permettons aux entreprises de porter leurs besoins à la connaissance des publics cibles.
Ces dernières ne pourront pas le faire seules. Il est nécessaire de mettre en œuvre des stratégies d’information et d’accompagnement adaptées à leurs besoins spécifiques, mais aussi de souligner les avantages à long terme des métiers verts. Les administrations chargées de l’emploi et les collectivités territoriales doivent accentuer leurs actions pour insuffler des vocations et permettre à ces emplois d’être mieux connus de leurs publics. Une sensibilisation qui passe aussi par la promotion et le financement de formations.
Face aux barrières structurelles et sociales rencontrées par les bénéficiaires du RSA, les demandeurs d’emploi et les jeunes en demande d’insertion, un renfort des mesures d’accompagnement et de soutien favorisera leur participation à des métiers d’avenir. Pour aller encore plus loin, nous pourrions aussi envisager une immersion au cœur de ces emplois dans les parcours Pôle Emploi ou dispenser des formations auprès des étudiants qui sont finalement les acteurs de demain.
Un travail conjoint entre les acteurs des filières émergentes et les associations des territoires doit aussi se faire. Ensemble, ils pourront attirer les demandeurs d’emploi vers les filières vertes sources d’emplois et leur permettre de mieux comprendre les enjeux et la finalité des métiers proposés.
Quand le métier change l’approche et les engagements
Les emplois verts ou liés à des filières vertes à destination des personnes éloignées de l’emploi permettent l’inclusion sociale, favorisent l’acquisition de compétences, réduisent les inégalités, encouragent la participation citoyenne, et le développement régional et économique. Ils contribuent à construire une société plus équitable, résiliente et durable, tout en offrant de nouvelles opportunités aux personnes qui en ont le plus besoin, les premières à subir les impacts des crises que notre pays traverse (environnementale, économique, …). En leur confiant des missions valorisantes et valorisées, en mettant en avant l’influence de leur métier dans la lutte contre le changement climatique, nous permettrons à tous les publics d’être sensibilisés et de se sentir concernés par les enjeux environnementaux.
Si la transition écologique est vectrice de transition sociale, réussir cette dernière à l’échelle de l’emploi ne pourra que permettre d’accélérer la première. Les arguments ne manquent pas, tant du côté de l’économie que de l’environnement.