Ce n'est cependant qu'avec l'intervention de la loi du 6 février 1992 relative à l'administration territoriale de la République (art. L. 2121-18 Code général des collectivités territoriales) que ce principe sera véritablement consacré par le droit et doté d'une réelle effectivité. Véritable instrument de démocratisation de la vie locale, le principe de publicité des séances du conseil municipal a pour objet d'offrir aux administrés de toute commune la possibilité d'assister aux discussions et aux échanges de vues se tenant entre leurs élus sur les questions inscrites à l'ordre du jour de l'organe délibérant communal. Il permet ainsi à tout citoyen volontaire de se tenir informé en amont des délibérations futures de l'assemblée locale, ainsi que de juger l'action des élus directement à la base et, éventuellement, de mieux comprendre et accepter les décisions adoptées par les autorités municipales compétentes. Pour autant, si la publicité des séances du conseil municipal est une obligation à laquelle le maire est tenu de satisfaire, elle peut être limitée par celui-ci dans sa portée ou ses modalités d'exercice au titre de la police de l'assemblée locale ou par la possibilité pour celle-ci de se réunir à huis clos.
La publicité des séances : une obligation à la charge du maire
C'est au maire qu'il revient, en sa qualité de président de séance, d'assurer le caractère public des réunions du conseil municipal. Il s'agit là d'une obligation légale dont la jurisprudence administrative veille tout particulièrement au bon accomplissement de la part de l'exécutif local. En effet, la méconnaissance de la règle de la publicité des séances du conseil municipal peut entraîner l'annulation des décisions par lesquelles le maire a illégalement limité l'entrée du public dans la salle de réunion de l'assemblée locale (CE, 21 mai 1982, Département de la Guadeloupe, Rec., p. 183). Elle a même pour effet de vicier les délibérations ayant été adoptées dans de telles conditions et qui, par voie de conséquence, s'exposeront à la censure (c'est-à-dire à l'annulation) du juge administratif (CE, 2 octobre 1992, Malberg, Rec., T., p. 792). Ainsi, le maire est tenu de faire aménager la salle dans laquelle ont lieu les séances du conseil municipal afin de pourvoir à l'accueil de tous les participants éventuels et de leur permettre de suivre les débats dans de bonnes conditions. Il ne saurait à ce titre procéder à des discriminations quant aux personnes admises à prendre part à ces séances en réservant la participation à ces dernières aux seules personnes munies d'une carte d'invitation distribuée par la municipalité (CE, 30 novembre 1979, Parti de libération coloniale de la Guyane française, Rec., p. 441 ; CE, 21 mai 1982, Département de la Guadeloupe, préc.). De la même manière, est tout aussi illégal le fait d'accueillir le public dans le hall contigu à cette salle, compte tenu notamment de l'étroitesse de la porte de communication entre les deux pièces et nonobstant l'impossibilité d'aménager pour le public, une place même petite, dans la salle des réunions du conseil municipal, (TA Bordeaux, 13 mars 1985, Maurin et Gil, Rec., p. 307). Le juge retient en revanche la solution inverse dans l'hypothèse où certaines personnes n'ont pu accéder à la salle de réunion alors qu'un constat d'huissier attestait qu'il ne restait plus que six places disponibles sur les bancs du public et qu'un autre constat produit par le maire mentionnait que la salle était entièrement occupée dès l'ouverture de la séance, certaines personnes s'étant ensuite absentées (TA Lyon, 30 novembre 1993, Paul Chomat et autres, req. n° 9002551).
Limiter la publicité des séances au titre de la police de l'assemblée locale
Bien qu'elle relève d'un véritable principe et d'une obligation légale, la publicité des séances du conseil municipal ne saurait nuire au bon déroulement des réunions et des débats de l'assemblée locale. C'est pourquoi, il est toujours possible pour le maire, titulaire de la police de l'assemblée (art. L. 2121-16 CGCT), d'y apporter des limitations pour des motifs d'ordre public, comme par exemple en limitant l'accès des habitants à la salle de réunion du conseil municipal, notamment par l'interdiction de ladite salle à des personnes susceptibles de manifester et de perturber les travaux de l'assemblée (CE, 14 décembre 1992, Ville de Toul, Rec., T., p. 793). Pareillement, l'exécutif communal peut légalement faire expulser de l'auditoire tout individu qui trouble l'ordre, que cet individu soit un conseiller municipal (Rép. min., n° 35472, JOAN, Q., 6 mai 1996, p. 2486) ou une personne étrangère au conseil municipal mais ayant participé à la discussion et ne s'étant retirée qu'après le vote de la délibération (TA Besançon, 15 avril 1999, Abbe, req. n° 961021). Dans de telles situations, et si le besoin s'en fait sentir, la faculté lui est offerte de requérir les agents de la force publique (CE, 2 février 1938, Graulières, Rec., p. 117) et même, en l'absence de service susceptible de le faire et sous la réserve qu'aucune violence excessive ou injustifiée ne soit commise, d'expulser lui-même un individu ayant refusé de sortir (art. 327 CP ; Besançon, Ch. corr., 28 janvier 1975, Procureur général de Besançon et Simonot c/Thomas, D, 1975, Somm. 120). En outre, pour prévenir un trouble éventuel ou rétablir l'ordre ainsi troublé, le maire peut décider de lever ou de suspendre la séance. Sa décision prise en la matière constitue une mesure d'ordre intérieur et ne peut donc être contestée devant le juge administratif par la voie du recours pour excès de pouvoir (CE, 2 décembre 1983, Charbonnel, Rec., p. 474). Enfin, la loi prévoit la retransmission possible des séances du conseil municipal par les moyens de communication audiovisuelle (art. L. 2121-18 CGCT). Il s'agit là d'une simple faculté dont l'utilisation est laissée à la libre appréciation du maire qui a le pouvoir de prendre toute disposition utile en vue d'assurer le bon déroulement matériel des débats et le bon ordre dans la salle de réunion (CE, 20 octobre 1992, Commune de Donneville c/Harrau, Rec., p. 354). Dans cette perspective, il lui est possible d'interdire l'usage, par le public présent ou par les conseillers municipaux, d'un magnétophone ou de tout autre instrument d'enregistrement. Cette interdiction n'est toutefois légale que si l'utilisation de tels procédés est de nature à troubler le bon ordre des travaux de l'assemblée (CE, 25 juillet 1980, Lucien Sandra, Rec., p. 325). Par ailleurs, elle ne peut être permanente (CE, 2 octobre 1992, Commune de Donneville c/Harrau, préc.) ou générale (TA Orléans, 2 mars 1979, Sandré, Rec., p. 509) qu'en présence de circonstances particulières justifiant une mesure aussi radicale (TA Strasbourg, 26 octobre 1994, Gueblez c/Commune d'Audun-le-Tiche, Rec., T., p. 824).
La faculté de se réunir à huis clos et possible
En dépit de son caractère obligatoire, le principe de publicité des séances de l'assemblée communale n'a pas une portée absolue. En effet, sur la demande de trois de ses membres ou du maire, le conseil municipal peut décider, sans débat, à la majorité absolue des membres présents ou représentés, de se réunir à huis clos (art. L. 2121-18 CGCT). Sur ce point, seul l'organe délibérant de la commune peut apprécier l'opportunité de tenir une réunion à huis clos (CE, 19 juin 1959, Binet, AJDA, 1959, p. 364), de sorte que toute décision prise en ce sens par le maire sans délibération préalable de l'assemblée locale est illégale (CE, 4 mars 1994, Regoin, Rec., T., p. 824 ; CE, 27 avril 1994, Commune de Rancé c/Coronado, Rec., T., p. 824). Il peut faire usage cette faculté aussi bien en vue de statuer sur toute question relevant de la compétence des autorités municipales (CE, 17 octobre 1986, Commune de Saint-Léger-en-Yvelines, Rec., p. 378) que de procéder à l'élection du maire de la commune et de ses adjoints (CE, 28 janvier 1972, Élection du maire et d'un adjoint de Castetner (Pyrénées-Atlantiques), Rec., p. 87). Sa décision de se réunir à huis clos doit être nécessairement adoptée à l'issue d'un vote public (CE, 4 mars 1994, Regoin, préc.), la preuve de l'accomplissement ou du non-accomplissement de cette procédure pouvant être faite par tout moyen (TA Limoges, 8 juin 1989, Chauvat, RJTCA, 1990, n° 195). À ce titre, l'inobservation des formalités préalables à la réunion à huis clos du conseil municipal (dont notamment la demande de réunion par le maire ou trois conseillers) est de nature à vicier et à entacher d'illégalité les délibérations adoptées lors de cette réunion (CE, 11 juillet 1939, Trani, Rec., p. 467 ; CE, 16 juin 1978, Chuyen, Rec., T., p. 723). De même, la réunion à huis clos ne dispense pas de l'obligation de mentionner au procès-verbal et au registre des délibérations l'ensemble des questions abordées à cette occasion et ce, dans les mêmes conditions que dans l'hypothèse des séances publiques (CE, 27 avril 1994, Commune de Rancé c/Coronado, préc.). À l'opposé, l'organe délibérant n'a pas à exposer les motifs de sa décision de se réunir à huis clos, ceux-ci n'étant pas susceptibles de faire l'objet d'un contrôle de la part du juge administratif (CE, 19 juin 1959, Binet, préc.). Également, la décision du maire de réunir le conseil municipal à huis clos ne fait pas grief et ne peut donc à ce titre être contestée devant le juge administratif par la voie du recours pour excès de pouvoir (TA Caen, 14 avril 2008, M. Lavalley, req. n° 0800946). Enfin, dans le cadre d'une réunion pour laquelle le huis clos a été décidé, il est toujours possible de revenir au régime de la séance publique, aucune formalité précise n'étant exigée si ce n'est le recueil de l'assentiment de la part des conseillers présents (CE, 14 décembre 1992, Feidt, Rec., T., p. 793).