Cet article dispose : « Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. » Les règles édictées par cet article sont applicables, même en présence d'un PLU ou d'un POS, même dans une zone constructible (CAA Bordeaux, 17 juillet 1997, Cne de Port la Nouvelle, n°95BX00850).
Par ailleurs, l'article R 111-2 s'impose alors même qu'un plan de prévention des risques serait encore inopposable (CAA Marseille, 19 mars 2010, Cne de Piolenc, n°08MA00139).
Le juge administratif, pour l'application de l'article R 111-2, peut tenir compte des données fournies par le PPR en cours d'élaboration (CAA Paris, 20 mai 2007, Préfet de Seine et Marne, n°04PA04033).
Ainsi, une Cour d'appel se fonde sur les études préalables à l'établissement d'un PPR encore au stade du projet (CAA Lyon, 27 juillet 2004, Cne de Sébazat, n°02LY01552).
Enfin, eu égard aux principes de précaution, le Conseil d'État avait jugé que les dispositions relatives à ce principe, alors énoncées dans le Code rural et le Code de l'environnement, n'étaient pas au nombre des dispositions que doit prendre en compte l'autorité administrative lorsqu'elle se prononce sur l'octroi d'une autorisation délivrée en application de la législation sur l'urbanisme (CE, 20 avril 2005, Ste Bouygues Télécom, n°248233).
Mais le nouvel article R 111-15 du Code de l'urbanisme prévoit que les décisions relatives à l'occupation ou à l'utilisation des sols doivent respecter les préoccupations d'environnement telles qu'elles sont exprimées par l'article L 110-1 C du Code de l'environnement, cet article imposant, notamment, le respect du principe de précaution.
Notions de sécurité et de tranquillité publiques
L'article R 111-2 vise les atteintes à la sécurité publique, c'est-à-dire celle des futurs habitants de la construction, des utilisateurs des voies publiques d'accès et de desserte et des voisins habituels ou occasionnels de la construction projetée.
La notion de sécurité recouvre aussi bien :
- le risque d'affaissement de terrain (CE, 13 mars 1989, Bousquet, n°78030, rec. CE, p. 88) ;
- la sécurité de la circulation (CE, 10 avril 1974, ministre de l'Aménagement et du Territoire, n°92821) ;
- les risques d'incendie (CE, 16 octobre 1992, Cne de Beaumont-de-Lomagne, n°86494) ;
- les risques résultant du voisinage d'installations de stockage de produits liquides ou de gaz liquéfié (CE, 19 novembre 1999, Cne de Port la Nouvelle, n°190303),
L'article R 111-2 évoque également la notion d'atteinte à la salubrité publique, c'est-à-dire les atteintes à la qualité de la vie.
Cela recouvre aussi bien :
- les nuisances sonores importantes dues à la proximité d'un aéroport (CAA Nancy, 23 mars 2006, Cne de Réguisheim, n°04NC00288) ;
- les nuisances olfactives (TA Nice, 22 avril 1999, Association Draguignan Écologie, n°931036) ;
- les rejets de polluants non maîtrisables (CAA Lyon, 26 juillet 2002, Lefèvre, n°01LY02501 et 01LY02502) ;
- l'alimentation en eau impropre à la consommation de la construction projetée (TA Nice, 27 juin 2002, Préfet du Var, n°02 1109 et 02 1110).
Les atteintes à la salubrité doivent excéder ce qui est normalement admissible dans le lieu considéré (CAA Lyon, 26 juillet 2002, Lefèvre, n°01LY02501 et 01LY02502).
La preuve de l'atteinte à la sécurité ou à la salubrité publiques incombe aux requérants (CAA Nancy, 13 décembre 2001, Association des Élus meusiens, n°00NC01171). Des expertises de bureaux spécialisés peuvent servir à établir cette méconnaissance.
Une réponse ministérielle indique que tout refus sur la base de l'article R 111-2 doit être solidement motivé (rép. ministérielle, JO AN, 17 juin 2008, n°18426, p. 5124).
Critères du contrôle par le juge administratif
L'article R 111-2 s'attache à deux catégories de risques (CE, 13 juillet 2006, n°282937) : ceux engendrés par la construction elle-même ; ceux subis par la construction.
Le premier critère concerne les projets générateurs de nuisances. Ainsi, ont été jugés comme non-conformes aux dispositions de l'article R 111-2 les projets suivants :
- un mur de clôture empêchant la circulation des véhicules lourds de lutte contre l'incendie (TA Nice, 10 juin 1992, Brun, GP 1993, 1, PDA, p. 71) ;
- l'édification d'un centre commercial à moins de 100 m d'une station d'épuration (TA Nice, 23 avril 1992, Association Draguignan Écologie, GP 1993, 1, PDA, p. 17) ;
- la construction d'une usine et de ses annexes à proximité d'une rivière sans assurer du traitement et de l'épuration des eaux usées (TA Nice, 5 juin 1984, Gastaud, n°1100-84-I) ;
- l'extension d'un silo à grains entraînant une aggravation du bruit et une augmentation du volume des poussières dégagées à l'extérieur (CE, 22 juillet 1992, n°107173 et 107490) ;
- un projet de porcherie dans une commune (CE, 27 juillet 1990, Cne de Ruffey les Echirey, GP 1991, 1, PDA, p. 3) ;
- un projet de construction sur un terrain situé dans une zone sensible soumise aux remontées mécaniques de la nappe phréatique en hiver et pouvant être inondé lors des crues de la Leyre, étant inadapté à la mise en place d'ouvrage d'assainissement autonome fonctionnel en tout temps (CAA Bordeaux, 9 novembre 2010, n°10BX00839).
Critère de proximité des habitations voisines
Ce premier critère se conjugue, la plupart du temps avec celui de la proximité des habitations voisines. Ont été jugés non-conformes :
- la construction d'éoliennes à 300 m d'une ferme et à 500 m d'un hameau, alors que l'étude d'impact montre que le risque de projections de fragments de pales peut s'étendre jusqu'à une distance de 300 m et celui qu'une pale entière jusqu'à 500 m (CAA Bordeaux, 13 mai 2008, Cne de Montferrand, n°06BX01050) ;
- un atelier de traitement de viandes et abats près d'habitations, même si le POS le permet (CE, 11 avril 1996, Louis Seignerie, Revue juridique de l'environnement 1996, p. 316) ;
- un centre de tir à l'arc eu égard au danger particulier présenté par cette activité en plein air et aux caractéristiques de la zone où est envisagée sa pratique : habitations situées à proximité immédiate du mur destiné à recevoir des cibles (CA Paris, 23 juin 1998, Cne de Noisy le Sec, n°96-734) ;
- un atelier de ferronnerie dans une zone habitée, sans prescriptions particulières pour limiter les nuisances sonores (CA Paris, 30 janvier 1997, Florentin, BJDU, 2/1997, p. 145).
- un lotissement dont le terrain d'assiette est situé à 300 m des bâtiments d'une porcherie de 16 966 animaux, et à 200 m de l'unité de méthanisation de lisières de porcs et de déchets issus d'autres installations que la société a également été autorisée à exploiter par un arrêté préfectoral du 29 octobre 2007 (CAA Nantes, 31 août 2010, n°09NT01899).
Sécurité des occupants
Le troisième critère prend en compte la sécurité des occupants, le projet étant exposé à des nuisances existantes ou préalables ou probables (CE, 19 novembre 1999, Cne de Port la Nouvelle, n°190304).
Ainsi ont été jugés non-conformes :
- un projet faisant partie d'un massif forestier soumis à un risque d'incendie important (CAA Bordeaux, 29 décembre 2005, Ste. La Forêt, n°02BX01671) ;
- un projet prévu sur un terrain d'assiette situé dans un massif boisé de pins, sensible aux risques d'incendies, desservi à partir de la voie publique par deux chemins ruraux dont l'un est impraticable aux véhicules automobiles et l'autre passant à travers bois, mais trop étroit pour pouvoir être emprunté sans danger en cas d'incendie (CAA Marseille, 16 juin 1998, Nicolas, BJDU, 4/1998, p. 306) ;
- l'aménagement d'une grange en logements alors que la construction est située dans un secteur inondable et desservi par une route submergée en 1958l, circonstance ayant été la cause de noyades (CAA Bordeaux, 13 décembre 2005, Bachir Chaib, n°02BX00481).
- un projet situé dans une zone de risque d'avalanches, la circonstance que le plan d'exposition aux risques naturels établi en 1991 n'ait pas compris le terrain en cause dans les zones à risques ne faisant pas obstacle à ce que le maire, en présence de risques nouveaux, révélés en 1999, fasse application des dispositions de l'article R 111-2 du Code de l'urbanisme (CAA Lyon, 24 mai 2005, Corter Craft, n°01LY01359) ;
- un projet de 28 maisons, dès lors que les capacités de la station d'épuration ne sont pas suffisantes, en raison de la surcharge importante et régulière de l'ouvrage, le maire n'étant pas en mesure de se prononcer sur les délais de réalisation des travaux nécessaires à l'amélioration de cette situation (CAA Marseille, 9 décembre 2010, SCI Le Thuve, n°09MA01244) ;
- la présence à proximité de la construction projetée d'une installation classée pour la protection de l'environnement (CAA Bordeaux, 22 janvier 2009, Cne d'Azereix, n°07BX01937).
En revanche, les projets suivants ont été jugés conformes, étant précisé que, de manière générale, l'article R 111-2 ne permet pas de refuser un permis de construire pour un motif tiré de la protection de la tranquillité publique (TA Bordeaux, 14 décembre 2000, Peticlerc, n°99-1521) :
- la construction d'une maison d'habitation et d'une piscine sur un terrain d'assiette exposé à un risque d'incendie, la défense incendie étant assurée au Sud par un poteau situé à environ 230 m du terrain d'assiette en ligne droite, par un réservoir communal adapté en réserve d'eau contre l'incendie et par deux piscines (TA Marseille, 16 décembre 2004, Préfet du Vaucluse, n°010992) ;
- la transformation d'un ancien bâtiment à usage d'habitation en immeuble de bureaux situé dans une zone d'aléa très fort en matière d'incendie, le projet étant éloigné d'une trentaine de mètres de la zone boisée la plus proche et étant desservi par une voie d'accès permettant le passage de véhicules de fort tonnage et de grand encombrement (CAA Marseille, 7 octobre 2004, Préfet du Vaucluse, n°01MA02656) ;
- un projet de construction d'un bâtiment destiné à abriter un élevage de plus de 300 oies, dès lors qu'il apparaît, d'une part, que ce bâtiment est séparé du terrain d'assiette de la maison d'habitation voisine par un autre bâtiment d'une longueur de 26 m à usage de hangar de stockage de matériels agricoles et que, d'autre part, le permis de construire a été assorti de prescriptions spéciales en vue de préserver la salubrité (CAA Nancy, 22 novembre 2001, époux Jost, n°97-1184, BJDU, 1/2002, p. 66) ;
- une maison desservie par une voie goudronnée, occasionnellement empruntée par des véhicules agricoles ou des engins forestiers, suffisamment accessible par les véhicules de sécurité, même en hiver (CE, 28 septembre 1994, ministre de l'équipement du transport et du tourisme, n°115541) ;
- un immeuble à usage d'habitation, dans un lotissement déjà aménagé, à proximité d'un site de stockage des huiles usagers et de déchets industriels, compte tenu de l'absence de risques d'explosion, établie par un compte rendu de visite faite par un inspecteur des installations classées (CAA Bordeaux, 23 décembre 2010, SAS Dargelos Groupe Chimérec, n°10BX00940) ;
Prescriptions spéciales
Les prescriptions spéciales doivent figurer dans le permis de construire. Est donc illégal le permis de construire qui, par lui-même, n'impose aucune prescription précise et renvoie, pour ce faire, à une saisine ultérieure de la DDASS (CE, 25 septembre 1987, ministre de l'Urbanisme, du Logement et des Ttransports, rec. CE, Tables, p. 1013).
Dans les cas suivants, l'absence ou le caractère insuffisant des prescriptions a été sanctionné par le Juge administratif :
- un permis de construire sans prescription spéciale alors que le mode d'assainissement proposé est insuffisant pour la garantie de la qualité d'une nappe alimentant une source d'eau potable (CE, 25 juillet 1986, De Talhouet, CJEG, 1987, p. 772) ;
- doit être assorti de prescriptions spéciales le permis de construire sur un terrain partiellement exposé à des risques d'inondations, la référence à une étude réalisée à la demande du pétitionnaire ne tenant pas lieu des prescriptions requises (CAA Bordeaux, 28 février 2002, Association de Défense des habitants de Cayenne Butoir, n°99BX00399) ;
En revanche, est justifiée la non-opposition à travaux ou le refus de permis de construire assorti de prescriptions spéciales dans les cas suivants :
- la non-opposition à des travaux effectués sur un bâtiment situé en zone inondable, dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les travaux projetés aient pour effet d'augmenter la vulnérabilité des personnes et des biens, et que les prescriptions nécessaires pour limiter le risque ont été édictées (TA Nice, 22 janvier 1998, Association informations et défense de Cannes, n°973505 et 973506) ;
- sont légalement autorisés les travaux sur des constructions en zone inondable dès lors que la décision édicte des prescriptions imposant la réalisation d'accès au toit à partir de chacun des bâtiments ainsi que la mise en place d'un système d'alerte adapté (CAA Lyon, 11 mai 1999, Cne de Vaison-la-Romaine, n°95LY01087).
L'autorité administrative qui délivre un permis de construire sans faire jouer l'article R 111-2 alors qu'il existe réellement un risque engage la responsabilité de l'administration (CE, 25 octobre 1985, Poinsignon, n°392288).
Ainsi la responsabilité de l'administration est engagée si elle délivre un permis de construire dans une zone inondable sans l'assortir de prescriptions spéciales. L'indemnisation est cependant atténuée par la faute de la victime qui aurait dû, eu égard à la situation du terrain, vérifier s'il était exposé aux crues. Sont indemnisés la perte de valeur vénale du bâtiment et les troubles de toute nature dans les conditions d'existence (CE, 2 octobre 2002, ministre de l'Équipement des transports et du logement, n°232720).