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TERRITOIRES

À la recherche d'un cadre juridique

PUBLIÉ LE 1er SEPTEMBRE 2014
LA RÉDACTION
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La rétractation du réseau ferré national se poursuit depuis des décennies. Une vision à court terme des finances publiques, la non remise en cause immédiate du monopole de la SNCF pour le transport ferré de voyageurs, risquent de conduire à de nouvelles fermetures. Dans ce contexte, s'intéresser aux réouvertures de lignes ferroviaires peut étonner. Pourtant, pour ne citer que trois événements récents, la ligne Serqueux-Gisors a rouvert le 16 décembre 2013, la ligne Nantes-Chateaubriant a été inaugurée le 28 février 2014 alors que le 19 février intervenait la DUP de la reprise des circulations entre Oloron et Bedous. Dès 2005, le président de Réseau ferré de France (RFF) J.-P. Duport déclarait à l'occasion de la réouverture de Cannes-Grasse : « La question de la réouverture de lignes se pose. Notre souhait est d'en rouvrir le plus possible (…) Réactiver des lignes nous tient particulièrement à cœur »1 . Les réouvertures recouvrent des réalités fort différentes. L'arrêt du trafic peut-être récent (2009 pour Serqueux-Gisors) ou ancien (1985 pour Oloron-Bedous). Tout trafic peut avoir cessé (les deux exemples précités), ou du trafic de fret peut avoir subsisté (Avignon-Carpentras). La reprise peut concerner le trafic de voyageurs régional, international (Belfort-Delémont, La Cluse-Bellegarde-Genève), mais également le seul trafic de fret (La BrohinièreMauron). Cette reprise peut se faire avec le maintien de l'infrastructure existante (Sablé-Château-Gontier), ou avec reconstruction d'une infrastructure nouvelle. Si des dispositions réglementaires organisent un cadre juridique pour les fermetures et déclassements de lignes2 , pas un texte ne concerne leur réouverture. Le terme de réouverture fréquemment utilisé n'est pas juridiquement fondé, car ces lignes sans trafic n'ont pas fait l'objet d'une décision de fermeture, elles sont toutes restées juridiquement affectées au service public ferroviaire3 . A fortiori, elles n'ont pas été déclassées4 . Il n'y a donc pas lieu de chercher un parallélisme des procédures entre la fermeture et le déclassement. À observer la pratique des réouvertures, on constate que le cadre juridique suivi est incertain, varie d'une opération à l'autre, sans lien avec la nature et l'importance des travaux réalisés pour cette remise en service. Il convient donc d'identifier les obligations procédurales auxquelles sont soumises ces opérations (I) ainsi que les décisions administratives conditionnant ces réouvertures (II). I. La réouverture conditionnée par des obligations procédurales Deux grandes familles d'obligations procédurales seront examinées. Celles qui sont liées à l'évaluation des projets (A), et celles qui mettent en œuvre le principe de participation (B). Les obligations consultatives apparaissent marginales, sinon inexistantes en dehors de celles liées à ces évaluations elles-mêmes. A. Les évaluations préalables Les évaluations préalables exigibles concernent les préoccupations socio-économiques et environnementales. 1. Les évaluations économiques et sociales Pris en application de l'article 14 de la loi du 30 décembre 1982, (L. 1511-2 C.transp.), l'article 2 du décret du 17 juillet 1984 précise le champ de l'évaluation économique et sociale. Celle-ci est requise pour les seuls « projets d'infrastructures ferrés » dont le coût excède 83 M€. Les remises en service de lignes existantes peuvent-elles être qualifiées de « projets d'infrastructures ferrés » ? Certes, le même décret comporte des rubriques explicites « Création » (aérodromes, ports, canaux) et « Routes nouvelles ». Cependant, la référence à un projet d'infrastructure implique que ladite infrastructure n'existe pas encore. L'étude n'est donc pas exigée en cas de remise en service d'une ligne existante. Elle a toutefois parfois été réalisée (Oloron-Bedous, 102 M€, ou Avignon-Carpentras, 73 M€). Le Conseil d'État5 ne s'est prononcé qu'une seule fois sur la complétude de cette évaluation liée à une réouverture. L'arrêt se contente d'un contrôle sommaire, admettant que l'étude puisse être regardée comme existante à travers des éléments d'information dispersés dans le dossier. Dès lors que celui-ci « évalue les conséquences à la fois économiques, financières et sociales du projet (et) présente notamment les conditions de financement des travaux ainsi que le taux de rentabilité financière estimée de l'opération en tenant compte des conséquences sur le trafic ferroviaire de l'existence de liaisons aériennes à bas coût », il est jugé suffisant. L'article 14 du décret exige pourtant beaucoup plus que ces simples mentions, et l'indulgence du Conseil d'État, qui tranche avec sa jurisprudence habituelle6 , peut étonner. De son côté, l'article 4 du décret du 5 mai 1997 soumet à approbation du ministre chargé des transports les projets d'investissements excédant 23 M€. Cette approbation est sollicitée « sur la base d'un dossier indiquant l'objectif du projet, la consistance des travaux, l'évaluation de la dépense correspondante et de la rentabilité économique et sociale de l'investissement ». Ni le champ d'application, ni le contenu de cette étude, ne sont les mêmes que pour la précédente. On peut regretter que le décret “ferroviaire” n'ait pas été harmonisé avec le décret pris pour l'application de la loi de 1982. 2. Les évaluations environnementales. L'importance des travaux réalisés, ou la sensibilité environnementale des espaces traversés par la ligne, peuvent nécessiter la réalisation d'évaluations environnementales. La principale catégorie d'évaluation environnementale est l'étude d'impact sur l'environnement7 . Cette étude, centrée autour de l'analyse de l'état initial, des effets de l'opération sur l'environnement et des mesures limitatives d'impact, est seulement facultative. En effet, le champ de l'obligation de l'étude d'impact est déterminé par le tableau annexé à l'article R. 122-2 C.env., dont la 5e rubrique concerne les « voies pour le trafic ferroviaire à grande distance ». Cette notion de « grande distance » suffit à exclure du champ de l'obligation tous les projets de réouvertures, sauf peut-être Oloron-Bedous-(Canfranc) ou La Cluse-Bellegarde (Genève). Le Conseil d'État8 a d'ailleurs relevé le caractère facultatif de l'étude en indiquant « que l'étude d'impact, à laquelle RFF avait procédé de sa propre initiative… » était suffisante. RFF fait, non pas systématiquement (Serqueux-Gisors), mais le plus souvent, réaliser des études d'impact pour les réouvertures au trafic de voyageurs (Avignon-Carpentras ; Chartres-Voves ; Olo-ron-Bedous…) 9 . Selon la nature des travaux à réaliser, un document d'incidences sur le milieu aquatique peut être exigé au titre de la nomenclature de l'eau annexée à l'article R. 214-1 C.env. 10 . Le titre III de cette nomenclature comporte plusieurs rubriques susceptibles d'être concernées : protection ou consolidation de berges (n° 3140), remblais dans le lit majeur d'un cours d'eau (n° 3220), assèchement ou remblais de zones humides (n° 3310), drainage (n° 3320). Le champ des évaluations d'incidences sur les sites Natura 2000, est fixé à l'article R. 414-19 C.env. et comporte vingt-neuf rubriques. Aucune n'est susceptible de concerner les réouvertures de lignes, à la seule exception des cas où l'opération modifierait l'état ou l'aspect des lieux dans un parc national, un site classé ou une réserve naturelle. Toutefois, le texte de transposition n'est toujours pas conforme aux dispositions de l'article 6 § 3 de la directive11 selon lesquelles « tout plan ou projet non directement lié ou nécessaire à la gestion du site mais susceptible d'affecter ce site de manière significative (…) fait l'objet d'une évaluation appropriée de ses incidences sur le site eu égard aux objectifs de conservation de ce site ». Ces dispositions sont d'application directe12 , et l'évaluation d'incidences d'une réouverture de ligne qui traverserait un site Natura 2000 est exigible. Une telle évaluation d'incidences a d'ailleurs été réalisée pour la réouverture d'Oloron-Bedous qui traverse quatre sites Natura 2000. B. La participation du public Le principe de participation a connu un élargissement de son champ d'application au fil des années, notamment depuis sa constitutionnalisation (article 7 de la Charte de l'environnement). Si la procédure d'enquête publique est la plus élaborée, d'autres procédures sont également susceptibles de concerner les réouvertures de lignes. 1. La soumission à enquête publique Le champ d'application de l'enquête publique a été modifié par un décret du 29 décembre 2011. Avant cette date, le tableau annexé à l'article R. 123-1 C. env. comportait trente-sept rubriques dont la neuvième concernait « les travaux de construction d'une ligne ou d'une portion de ligne nouvelle de chemin de fer (…) sur une longueur supérieure ou égale à 5 km ». Pour une remise en service impliquant des travaux lourds, la qualification de « construction d'une ligne nouvelle » a pu se poser. C'est ce qu'avait cru devoir juger le tribunal administratif de Rouen13 . Le tribunal exposait longuement l'importance des travaux justifiant cette qualification, alors même que « le tracé de cette voie n'est pas affecté par les travaux entrepris ». En appel, la cour de Douai14 a au contraire qualifié cette opération de « rénovation des voies d'une ligne existante ». Le Conseil d'État15 devait confirmer cette position en relevant que la ligne en cause n'a fait l'objet « d'aucune procédure de fermeture ou de retranchement du réseau ferré national », autrement dit, qu'elle n'est pas juridiquement désaffectée et que les travaux visent la modernisation des voies existantes. La ligne a toujours fait l'objet de surveillance et d'entretien et aucune modification dans son emprise n'est prévue. La Haute Juridiction ajoute que l'électrification et l'aménagement d'un nouveau système de signalisation « pour importants qu'ils soient, n'ont ni pour objet ni pour effet la construction d'une ligne ou d'une portion de ligne nouvelle ». Depuis le décret du 29 décembre 2011, l'article R123-1 renvoit au tableau annexé à l'article R. 122-2 relatif à l'application des études d'impact. Celle-ci n'étant pas exigible – sous réserve d'improbable qualification de voies « à grande distance » – l'enquête publique ne l'est pas plus. La nouvelle formulation ne fait plus référence à la « construction » ni au caractère « nouveau » de la ligne. Peuvent cependant s'imposer des enquêtes au titre de la mise en compatibilité des documents d'urbanisme, de la suppression de passages à niveau16 ou en cas de DUP. 2. Les autres procédures de participation La procédure de concertation de l'article L. 300-2 C. urb. (art. R. 300-1-4°) s'impose en cas de « création d'une gare ferroviaire (…) ou (d')extension de son emprise, lorsque le montant des travaux dépasse 1,9 million d'euros ». La remise en service d'une ligne n'est donc pas assujettie à cette obligation. RFF a néanmoins soumis volontairement certaines réouvertures de lignes à concertation : Avignon-Carpentras et Orléans-Chateauneuf. Plus curieusement, la réouverture de Serqueux-Gisors n'a pas donné lieu à concertation alors qu'il est prévu que son électrification ultérieure y soit soumise. S'agissant du débat public, le tableau annexé à l'article R. 121-2 C. env. soumet la « création de lignes ferroviaires », au-delà de certains seuils financiers, à débat public sous l'autorité de la Commission nationale du débat public. Les réouvertures de lignes ne sont pas assimilables à des « créations » de lignes, toutefois il est possible d'imaginer des projets de réouvertures intégrant des « shunts » et portions de voies nouvelles qui pourraient alors être qualifiés de créations conformément à la jurisprudence Commune de Viroflay17 . En application de l'article 7 de la Charte de l'environnement, l'article L. 120-118 C.env. prévoit une participation du public a minima, préalablement à l'intervention de décisions des établissements publics de l'État « ayant une incidence sur l'environnement ». La réouverture d'une ligne peut-être considérée comme ayant une telle incidence (positive et négative). Il s'agit là d'une disposition qui s'applique lorsque les dispositions spéciales ne prévoient pas une telle participation du public, comme c'est le cas pour les réouvertures. L'article L. 120-1 dispose que « le projet de décision, accompagné d'une note de présentation précisant notamment le contexte et les objectifs de ce projet, est mis à disposition du public par voie électronique ». Les observations du public doivent faire l'objet d'une synthèse et d'une prise en considération par l'autorité administrative. Cette forme de participation est donc applicable aux décisions de réouverture de lignes. Encore faut-il identifier la décision administrative dont l'édiction implique une telle participation du public. Rien n'est moins évident. II. La réouverture conditionnée par l'intervention de décisions administratives Il convient de s'interroger sur la nature des décisions administratives exigibles préalablement à la réouverture d'une ligne, lesquelles peuvent concerner l'opération dans son ensemble, ou revêtir au contraire un caractère partiel ou accessoire. A. Les décisions concernant l'ensemble de l'opération Trois décisions méritent d'être mentionnées, sans pour autant justifier de commentaires particuliers. La décision du conseil d'administration de RFF qui adopte l'avant-projet19 a été qualifiée de « simple acte préparatoire à la réalisation effective des travaux » par le tribunal administratif de Rouen20 . La formule, inhabituelle, est à distinguer des actes préparatoires à l'intervention d'une décision administrative. L'approbation ministérielle (autorisation de la tutelle) est exigée en application de l'article 4 du décret du 5 mai 1997 pour les projets d'investissement ferroviaires excédant 23 M€, (en pratique, toutes les réouvertures concernant le transports de voyageurs). Le Conseil d'État21 , après la cour administrative d'appel de Douai22 et le tribunal administratif de Rouen, a en outre admis l'existence d'une décision non formalisée « d'engager les travaux ». 1. Le caractère facultatif d'une DUP RFF semble avoir pris le parti de solliciter une DUP pour les seules réouvertures au trafic de voyageurs (La Cluse-Bellegarde ; Avignon-Carpentras…), à l'exception de Gisors-Serqueux. Cette distinction surprend puisque la finalité d'une DUP est de permettre des expropriations23 . L'article R. 11-2 du Code de l'expropriation prévoit en outre que sont déclarés d'utilité publique par décret « 4° Les travaux de création ou de prolongement de lignes (…) d'une longueur supérieure à 20 km ». Ce qui vise les constructions de lignes nouvelles, telles que les LGV, qui nécessitent des expropriations. Le Conseil d'État considère qu'une réouverture de ligne, quelle que soit l'importance des travaux, ne constitue pas une création de ligne24 . Une DUP serait néanmoins nécessaire si des « shunts » étaient intégrés au projet (solution un temps envisagée pour La Cluse-Bellegarde) ou lorsque des acquisitions foncières sont nécessaires (installations électriques, passages dénivelés…). Dans ce dernier cas, la DUP peut-être prononcée non pas pour l'opération de réouverture dans son ensemble, mais pour le seul aménagement de passage dénivelé, d'autant plus que le bénéficiaire de l'expropriation n'est pas le propriétaire de la ligne ferroviaire, mais le propriétaire de la voirie routière. Le recours à une DUP, bien que facultatif, impose alors l'organisation, en application des articles R. 11-4 et s. du C. expro., d'une enquête d'utilité publique préalable d'au moins quinze jours. 2. L'autorisation de mise en exploitation commerciale L'article 44 du décret du 19 octobre 200625 prévoit que « la mise en exploitation commerciale d'un sous-système nouveau ou d'un sous-système substantiellement modifié est subordonnée à une autorisation délivrée par l'établissement public de sécurité ferroviaire » (EPSF), laquelle est précédée par la fourniture, par le maître d'ouvrage, d'un dossier de sécurité26 . Une ligne ferroviaire constitue un « sous-système » et sa réouverture, si elle implique d'importants travaux, peut être qualifiée de modification substantielle27 . L'EPSF indique sur son site Internet, à propos des autorisations de mise en exploitation commerciale, qu'y sont soumis « les sous-systèmes techniques tels les lignes nouvelles ou substantiellement modifiées ». L'article 43 du décret dispose que : « Tout système ou sous-système nouveau est conçu, réalisé et, le cas échéant, modifié de telle sorte que le niveau global de sécurité après sa mise en œuvre soit au moins équivalent à celui résultant de la mise en œuvre des systèmes ou sous-systèmes existants assurant des services ou fonctions comparables ». Ce texte, qui conditionne la délivrance de l'autorisation, n'est guère adapté aux réouvertures de ligne, en l'absence de « sous-système existant ». La seule référence est l'infrastructure routière, et la réouverture entraînera un gain de sécurité (par transfert partiel route/rail) probablement supérieur à l'insécurité nouvelle créée par la remise en service des passages à niveau. 3. Le cas particulier de la fermeture préalable à une remise en service Pour des opérations de moindre envergure, il a pu être observé, pour des réouvertures au trafic de fret, un montage juridique a priori surprenant. En effet, la section de ligne fera l'objet d'une décision de fermeture (désaffectation juridique) en vue de sa réouverture ! L'article 22 du décret du 5 mai 1997, dispose en effet que le ministre peut autoriser la fermeture d'une ligne en demandant « le maintien en place de la voie (…) en vue de préserver la possibilité de mise en place ultérieure d'un système de transports » et que « RFF peut autoriser à titre exceptionnel des circulations sur ces lignes ou sections de lignes » fermées « ou les mettre à disposition de tiers ». Il est paradoxal de constater que la seule allusion d'un texte à une réouverture soit liée à sa fermeture. Depuis 2011, la sortie du réseau ferré national découle de la fermeture28 . Celle-ci permet notamment d'échapper à la concurrence (fret) et à la réglementation de sécurité contraignante applicable à ce réseau, pour suivre la réglementation du STRMTG29 . C'est sur le fondement de ce texte que RFF a conclu avec un exploitant privé une convention d'occupation temporaire du domaine public permettant une activité d'exploitation ferroviaire, conforme à la vocation du domaine public. La société concessionnaire de la LGV SEA (Sud Europe Atlantique), Lisea, a prévu l'installation d'une base-travaux à Nouâtre-Maillé près de la ligne Port-Boulet-Port-de-Piles. RFF a fermé cette ligne30 sur 7,5 km pour permettre à Lisea de relier sa base-travaux à Port-de-Piles, sur le réseau ferré national, pendant la durée du chantier. La ligne Mézy-Romilly-sur-Seine a fait l'objet d'une remise en service du trafic de fret (céréales) en 2011 sur les 17 premiers kilomètres, de Mézy à Artonges. D'Artonges à Montmirail, sur 8,7 km, RFF a engagé une procédure de fermeture en mars 201231 . Ceci afin de faire sortir cette section du RFN, pour conclure avec la société VFLI, qui dispose d'ateliers de maintenance de locomotives à Montmirail, une convention d'occupation temporaire du domaine public. VFLI serait alors raccordé au RFN, de façon durable, et l'on peut s'interroger sur le bienfondé du recours à une convention d'occupation qui n'a de temporaire que le nom. La section de ligne Hargarten-Falck à Ueberhern a fait l'objet d'une fermeture en 200832 et d'une mise à disposition à l'entreprise Mosolf, important chargeur dans le domaine automobile. Mais en 2014, les discussions sont toujours en cours avec RFF et les circulations n'ont pas repris. Plus radicalement, une fermeture peut être suivie d'un déclassement et d'une aliénation, la section de ligne étant alors exploitée sous le régime de l'installation terminale embranchée. Tel est le cas de l'ancienne ligne de Bonson à Sembadel, sur les 4 km reliant Bonson à la ZAC de St Marcellin-en-Forez33 . C'est l'aménageur de la ZAC, la Société d'équipement de la Loire, qui a acquis après déclassement cette section de ligne et en assure la gestion et l'exploitation. Cette solution peut exceptionnellement être plus ambitieuse. C'est le cas sur (Vichy)-Pont-de-Dore-Darsac-(Le Puy). Une remise en service pour l'exploitation d'un train touristique a lieu en 1986 dans le cadre d'une convention entre l'association AGRIVAP et la SNCF (65 km). Un SIVU (Syndicat intercommunal à vocation unique) a été constitué en 1991 pour racheter l'ensemble de la ligne et permettre à AGRIVAP de compléter son exploitation touristique par du fret. Celui-ci a d'abord été autorisé en 1992 dans le cadre de l'article 65 du cahier des charges de la SNCF34 , pour le compte de celle-ci. Après fermeture et déclassement de toute la ligne (86 km) 35, elle est devenue propriété d'un syndicat mixte regroupant l'ensemble des collectivités locales concernées36 . Cette exploitation devrait s'étendre à un réseau de 150 km exploité par l'opérateur ferroviaire de proximité (OFP) Ferovergne. B. Les décisions accessoires Celles-ci sont principalement liées aux travaux affectant l'environnement, mais la question des décisions relatives aux passages à niveau mérite également quelques précisions. 1. Les autorisations au titre des polices environnementales Toute réouverture au trafic de voyageurs est aujourd'hui précédée d'une dépose de voie et pose d'une voie nouvelle, de travaux sur ouvrages d'art, et parfois d'une électrification (Nantes-Chateaubriant). Les travaux à réaliser imposent le cas échéant de solliciter des autorisations de police. En cas de travaux affectant l'infrastructure et la superstructure de la ligne, il est possible que ceux-ci relèvent d'une déclaration ou d'une autorisation au titre de la police de l'eau. Comme on l'a vu à propos des documents d'incidences sur le milieu aquatique, certains travaux peuvent relever de la nomenclature de l'eau annexée à l'article R. 214-1 C. env. 37 L'autorisation préfectorale est accompagnée de prescriptions dont le respect s'impose au maître d'ouvrage. Par ailleurs, la modification de l'état ou de l'aspect des lieux d'un parc national (L. 331-4-I C.env.), d'une réserve naturelle (L. 332-9) ou d'un site classé (L. 341-10), est soumise à autorisation spéciale au titre de la police des espaces naturels. L'électrification de la ligne La Cluse-Bellegarde à l'occasion de sa réouverture a été considérée par RFF comme constituant une modification de l'état ou de l'aspect des lieux du site classé du Lac de Nantua. Une autorisation ministérielle a donc été sollicitée et obtenue. L'article L. 411-2-4 °C. env. institue un régime d'autorisation préalable permettant de déroger38 aux interdictions d'altération d'habitats d'espèces protégés. La nature ayant repris ses droits sur les lignes inutilisées, la présence d'habitats d'espèces protégées est tout à fait plausible. Le dossier de réouverture d'Olo-ron-Bedous mentionne ainsi la présence d'espèces végétales protégées (œillet superbe) dans les friches de la gare de Bedous et la traversée sur 2,5 km d'un habitat de l'ours des Pyrénées. Une demande de dérogation à la protection a été sollicitée et obtenue. Un nouveau régime d'autorisation préalable a été institué par l'article L. 414-4-III C.env. Pour son application, l'article R. 41427 édicte une liste de trente-six rubriques. La rubrique vingt-six « Travaux dans les tunnels ferroviaires non circulés (…) en tout ou partie à l'intérieur d'un site Natura 2000 » vise à protéger les habitats des chauves-souris. Les sites Natura 2000 représentant une partie importante du territoire métropolitain, la soumission à ce régime d'autorisation est loin d'être une hypothèse d'école. 2. Les décisions concernant les passages à niveau L'article 3 de l'arrêté ministériel du 18 mars 199139 prévoit expressément que « toute création (…) de passage à niveau (…) est autorisée par un arrêté préfectoral » et ajoute que l'exploitant adresse sa demande « comportant tous les renseignements nécessaires » au préfet, lequel « fait procéder aux consultations » sans plus de précision ni sur les renseignements ni sur les consultations nécessaires ! Si le préfet envisage un refus, il saisit le ministre chargé des transports dont la décision s'impose au préfet. Cet arrêté prévoit également une procédure de suppression de passages à niveau. Si, sur la ligne à rouvrir, les passages à niveau n'ont pas été juridiquement supprimés, l'autorisation préfectorale de création de passage à niveau ne paraît pas requise. Il n'en va différemment qu'en cas de véritable création (route nouvelle) de passage à niveau. La remise en service ou la création de passages à niveau à l'occasion d'une réouverture de ligne ne pose pas de problème juridique particulier. Il est même possible de créer un nouveau passage à niveau au droit d'un rond-point, comme ce sera le cas sur la ligne Oloron-Be-dous : « L'aménagement prévu à Bidos consiste à faire passer la voie au centre du rond-point pour installer de part et d'autre les deux barrières équipées de feux rouges. »40 Certes, pour des motifs de sécurité, le projet peut prévoir la suppression de passage à niveau remplacés ou non par des passages dénivelés. Ainsi, pour la réouverture de Belfort-Delle, qui comptait vingt passages à niveau, cinq ont été supprimés, huit remplacés par des passages dénivelés et sept ont été maintenus. À la suite de la catastrophe routière au passage à niveau d'Allinges en juin 2008, un rapport du ministre chargé des transports a été remis au Premier ministre. La recommandation n° 20 indiquait : « Veiller, lors de l'instruction des dossiers préliminaires de sécurité, à ce que les projets de création, mais aussi de réouverture de lignes, (…) ne conduisent pas à la création de fait de nouveaux passages à niveau. » La formule confirme que les remises en service de passages à niveau ne constituent pas en droit des créations. Ce rapport a connu un certain retentissement médiatique. Cette simple proposition a été couramment qualifiée de décret Bussereau 41 par la presse, voire de « disposition légale issue du Grenelle de l'environnement »42  ! Bien entendu ce rapport ne change pas l'état du droit évoqué plus haut. Il traduit toutefois une inflexion de la doctrine administrative, plus attentive au sujet. Le ministre de tutelle est en mesure d'imposer des suppressions de passages à niveau préalablement à la délivrance de son autorisation d'investissement ferroviaire (à partir de 23 M€). De même l'EPSF peut conditionner son autorisation à de telles suppressions. Par contre, pour des réactivations de lignes fret sur infrastructure non substantiellement modifiée, RFF est entièrement libre de conserver tous les passages à niveau existants. La suppression matérielle et juridique de passages à niveau est prononcée par arrêté préfectoral selon la même procédure que pour la création, avec au surplus une enquête publique43 . Si la suppression de passages à niveau répond à une procédure administrative simple, il n'en va pas de même des travaux nécessités par l'éventuel aménagement d'un passage dénivelé44 . Le remplacement de passages à niveau par des passages dénivelés peut faire doubler le coût d'une réouverture et ainsi servir de prétexte à l'abandon pur et simple du projet45 . En définitive, il ne saurait y avoir de “régime juridique des réouvertures”, à la différence des fermetures, car ces réouvertures sont des opérations aux caractéristiques fort différentes les unes des autres. Le premier constat est qu'il est juridiquement beaucoup plus complexe de rouvrir une ligne que de la fermer, ce qui est regrettable. Le second est que RFF n'hésite pas, à la différence des fermetures, à soumettre les projets à des contraintes juridiques non exigées par les textes. Le troisième est que des incertitudes juridiques demeurent, s'agissant notamment de qualifications juridiques. La plupart des projets de réouvertures rencontrent des oppositions de riverains, avec des perspectives de recours contentieux. Certaines de ces incertitudes pourraient donc se voir apporter des réponses jurisprudentielles. Celles-ci permettraient de préciser à la marge, par des qualifications juridiques plus nettes, le cadre juridique applicable aux réouvertures de lignes.
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