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TERRITOIRES

COMMENTAIRE

PUBLIÉ LE 1er SEPTEMBRE 2014
LA RÉDACTION
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« Souhaitons que le Conseil d'État ait l'occasion de prendre position sur ce sujet »1 . Le souhait émis par Philippe Yolka en 2006, à propos du statut juridique des pistes de ski, semble avoir été entendu et exaucé le 28 avril 2014 par la section contentieux du Conseil d'État. En l'espèce, afin de permettre l'implantation d'un bar-restaurant-discothèque au pied d'une piste de ski alpin ayant fait l'objet d'une autorisation d'aménagement conformément à l'article L. 445-2 du Code de l'urbanisme2 (désormais article L. 473-1), sur un terrain d'assiette lui appartenant, la commune de Val-d'Isère avait conclu un bail emphytéotique administratif de 40 ans avec la société « Doudoune », puis lui avait délivré un permis de construire en date du 20 février 2007, suivi de deux permis modificatifs. La particularité de cette construction réside dans sa surface qui pour une grande partie, était souterraine et correspondait à la surface de la piste skiable – le restaurant-discothèque étant enterré sous la piste –, le reste de la construction, plus précisément le bar, s'érigeant en revanche sur une parcelle émergée, ne faisant pas partie de la piste. Deux syndicats de copropriétaires établis à proximité de la construction litigieuse contestaient la légalité du bail emphytéotique administratif et des permis de construire délivrés par la commune de Val-d'Isère. À l'appui de leur demande, les requérants soulevaient le moyen tiré de ce que la parcelle d'implantation du bar-restaurant-discothèque constituait une dépendance du domaine public de la commune. Par conséquent, ils alléguaient non seulement la méconnaissance de l'article R. 421-1-1 du Code de l'urbanisme alors en vigueur3 , imposant la présentation d'une autorisation d'occupation du domaine public à l'appui de la demande de permis de construire, mais également la violation de l'article L. 1311-2 du Code général des collectivités territoriales4 , soumettant la conclusion d'un bail emphytéotique administratif à l'accomplissement d'une mission de service public ou d'une opération d'intérêt général, pour le compte de la collectivité territoriale. Déboutés le 29 janvier 2009 par le tribunal administratif de Grenoble, les syndicats de copropriétaires obtinrent satisfaction devant la cour administrative d'appel de Lyon qui dans un arrêt du 7 mars 20115 annula le permis de construire initial ainsi que le premier permis modificatif. En effet, estimant que « la parcelle d'implantation du projet constitue une dépendance du domaine public de la commune de Val-d'Isère », la cour administrative d'appel jugea d'une part, que « (…) lorsqu'un projet qui fait l'objet d'une demande de permis de construire doit être édifié sur une dépendance du domaine public, le permis ne peut être légalement accordé que si le pétitionnaire est en possession d'une autorisation d'occupation délivrée dans des conditions régulières », et d'autre part, que « (…) si le projet participe à l'animation récréative de la station, il n'est pas réalisé pour le compte de la commune et ne peut être regardé comme se rattachant à une mission de service public ou à une opération d'intérêt général ; que, par suite, la commune ne pouvait, sans méconnaître les dispositions (…) de l'article L. 1311-2 du Code général des collectivités territoriales, consentir un bail emphytéotique à la société Doudoune ; que ladite société ne justifie pas ainsi d'un titre régulier l'habilitant à déposer une demande de permis de construire sur une dépendance du domaine public communal ; (…) ». La commune de Val-d'Isère s'est pourvue en cassation devant le Conseil d'État qui infirma la position de la Cour administrative d'appel et rejeta les conclusions présentées par les syndicats de copropriétaires tendant à l'annulation des permis de construire. Ainsi, dans cette affaire, il revenait au Conseil d'État de se prononcer de manière inédite sur le statut domanial des pistes de ski appartenant aux collectivités publiques, en précisant si ces dernières relevaient du domaine public ou du domaine privé. Le refus du Conseil d'État de qualifier les pistes de ski d' « ouvrages publics », à l'occasion du fameux arrêt Rebora6 , ainsi que de la réticence du juge administratif à reconnaître la domanialité publique aux pistes appartenant aux collectivités territoriales7 , pouvaient laisser croire que la réponse du Conseil d'État tendrait plutôt vers la domanialité privée, dans un contexte plus général de privatisation des domaines skiables8 . Pourtant, si l'arrêt Commune de Val-d'Isère revêt une portée considérable, c'est précisément parce que le Conseil d'État, pour la première fois, a jugé que les pistes de ski alpin appartenant à une collectivité publique (commune, département…) et ayant fait l'objet d'une autorisation d'aménagement prévue par le Code de l'urbanisme, appartiennent au domaine public (I), domaine qu'en l'espèce, la Haute Juridiction a rigoureusement balisé (II). I. L'accession de certaines pistes de ski alpin au champ de la domanialité publique La jurisprudence relative au statut juridique des pistes de ski appartenant aux collectivités publiques a connu une évolution assez inattendue. En effet, avant l'entrée en vigueur du Code général de la propriété des personnes publiques le 1er juillet 2006, la tendance jurisprudentielle était à l'exclusion des pistes de ski du domaine public (A). Bien que cette codification ait eu pour objet d'éviter une extension du champ de la domanialité publique, le juge administratif a néanmoins reconnu, contre toute attente, l'existence d'un domaine publique skiable (B). A. De l'exclusion pour des motifs d'opportunité… C'est d'abord à l'occasion d'un arrêt Rebora rendu en 1986, que le Conseil d'État, allant à l'encontre des conclusions du commissaire du gouvernement Jean-Claude Bonichot9 , avait refusé aux pistes de ski la qualité d'ouvrages publics. Pour rappel, le requérant, victime d'un accident de ski, avait intenté une action en responsabilité dirigée contre la commune sur le territoire de laquelle la piste se situait, invoquant le défaut d'entretien normal de l'ouvrage public que constituait celle-ci. Or, pour le Conseil d'État, « une piste de ski ne constituant pas par elle-même un ouvrage public », la demande de M. Re-bora n'était pas fondée. Pourtant, ainsi que l'avait soulevé dans ses conclusions Jean-Claude Bonichot, les pistes de ski remplissent les trois conditions nécessaires pour recevoir la qualification d'ouvrage public. Premièrement, elles ont un caractère immobilier dans la mesure où « la piste ce n'est pas seulement la neige. C'est le terrain d'assiette plus la neige qui en est, en quelque sorte, un accessoire, qui s'y incorpore »10 . Deuxièmement, les divers travaux d'aménagement effectués pour que la piste puisse être empruntée par les skieurs, consistant « en un véritable décapage de la montagne pour donner à la piste son profil définitif »11 , font de cette dernière le résultat du travail de l'homme. Enfin, elles sont affectées à un intérêt général : le juge administratif ayant admis que le contrat conclu entre une commune et un concessionnaire pour la construction et l'exploitation d'un remonte-pente avait pour objet la réalisation d'un ouvrage public et le fonctionnement d'un service public, « il en va naturellement de même pour les pistes puisque les remontées ont pour seul objet de pouvoir les emprunter »12 . Les commentateurs de cette jurisprudence, s'interrogeant sur les raisons ayant conduit le Conseil d'État à statuer dans ce sens, avaient mis en exergue « des motifs d'opportunité, voire même d'éthique »13 . Ainsi, pour Philippe Terneyre, il était non seulement concevable que le juge administratif ait estimé que « sur les pistes de ski elles-mêmes, la réparation des dommages sur le fondement de la police administrative était suffisante d'autant que, sur ces pistes, le skieur peut heurter de nombreux obstacles immobiliers que le Conseil d'État n'hésite pas à qualifier d'ouvrages publics (…) »14 , mais également et surtout, « si le Conseil d'État avait admis une telle qualification, c'était permettre aux skieurs victimes d'accidents sur les pistes d'invoquer leur défaut d'entretien normal et donc de renverser la charge de la preuve en imposant aux services des pistes de faire désormais la preuve qu'aucune faute ne leur était imputable »15 . Autrement dit, il s'agissait d' « éviter (…) que les pistes ne deviennent progressivement des sortes de voies publiques avec feux tricolores, sens interdits, paramètres, agents de police (…) »16 . La portée de cette jurisprudence reste néanmoins limitée dans la mesure où, que la qualité d'ouvrage publique soit retenue ou non, face à un litige opposant un service public à caractère industriel ou commercial – l'exploitation du domaine skiable en est un – à ses usagers, la compétence revient au juge judiciaire qui fait application du droit commun de la responsabilité civile17 . Par la suite, dans deux arrêts rendus en 200518 , la cour administrative d'appel de Lyon avait jugé que des constructions érigées sur des pistes de ski ou en bordure de celles-ci, ne relevaient pas du domaine public du département propriétaire, au motif que l'aménagement dont elles avaient fait l'objet n'était pas suffisant19 . Ici encore, des motifs d'opportunité ont été dégagés par les commentateurs. Selon Philippe Yolka, l'inclusion des pistes au domaine public pourrait déclencher « une avalanche de difficultés »20 en raison de l'incompatibilité des très nombreux baux commerciaux et baux à construction portant sur des parcelles communales ou départementales, avec la domanialité publique, sans compter le fait que « diverses stations de ski se sont engagées dans une politique de cession du foncier et des bâtiments aux exploitants sans procéder au moindre déclassement »21 . Une dernière étape du mouvement de privatisation des domaines skiables fut marquée par l'entrée en vigueur du Code général de la propriété des personnes publiques, dont la doctrine s'accorde à dire qu'il est « animé par le souci de resserrer les conditions d'entrée dans le domaine public »22 , voire de « restituer à la domanialité publique son caractère d'exception »23 . Une telle orientation du droit, en faveur de la domanialité privée des pistes, donne un caractère inattendu au contre-pied pris par le juge administratif dès 2011. B. …à l'inclusion sous certaines conditions Le basculement s'est opéré notamment avec l'arrêt rendu par la cour d'appel de Lyon le 7 mars 2011, à l'encontre duquel la commune de Val-d'Isère exerçait un pourvoi devant le Conseil d'État. Selon l'article L. 2111-1 du Code général de la propriété des personnes publiques, « sous réserve de dispositions législatives spéciales, le domaine public d'une personne publique (…) est constitué des biens lui appartenant qui sont soit affectés à l'usage direct du public, soit affectés à un service public pourvu qu'en ce cas ils fassent l'objet d'un aménagement indispensable à l'exécution des missions de ce service public ». En l'espèce, pour qualifier le terrain d'assiette de dépendance du domaine public, la cour administrative d'appel s'était fondée sur le critère de l'affectation au service public (la parcelle litigieuse ne pouvait être regardée comme étant affectée à l'usage direct du public dans la mesure où elle ne se rattachait pas au front de neige), et sur le critère de l'aménagement, plus précisément d' « aménagements spécialement adaptés »24 à l'exploitation du domaine skiable. Appliquant la théorie de la « domanialité publique globale »25 , elle avait considéré que la parcelle litigieuse qui ne se rattachait pas au front de neige, s'inscrivait dans un plus large secteur dont les « caractéristiques », « la nature » et « l'importance » des aménagements dont il avait fait l'objet, justifiait qu'elle soit qualifiée de dépendance du domaine public de la commune de Val-d'Isère. Le Conseil d'État n'a pas fait sienne la conception extensive adoptée par la cour administrative d'appel. Suivant les conclusions du rapporteur public, Alexandre Lallet, la section a infirmé la solution retenue par la cour administrative d'appel et confirmé la position du tribunal administratif qui avait rejeté la demande d'annulation des permis de construire. Certes, le Conseil a admis l'existence d'un domaine public skiable sous certaines conditions – il s'est prononcé sur le cas des pistes de ski alpin, propriété d'une collectivité publique, ayant fait l'objet d'une autorisation d'aménagement prévue par le Code de l'urbanisme – mais il a également délimité ce domaine de manière très rigoureuse26 . II. La délimitation précise du domaine public skiable Si le Conseil d'État a considéré que la piste de ski alpin appartenait au domaine public de la commune, il en a jugé tout autrement en ce qui concerne la parcelle située en bordure de la piste, sur laquelle se situe le bar (A), et le sous-sol abritant le restaurant-discothèque (B). Ces derniers relèvent, en effet, du domaine privé. En ce sens, la solution retenue par le Conseil d'État ne trahit pas l'esprit du Code de la propriété des personnes publiques, puisqu'elle se limite à « toute la piste suffisamment aménagée, rien que cette piste »27 . A. Délimitation horizontale : la domanialité privée de la parcelle située en bordure de la piste de ski alpin La Haute Juridiction a dissocié au sein du terrain d'assiette, d'une part, la partie correspondant à la piste de ski alpin, dont la surface est visée par l'autorisation d'aménagement, et d'autre part, la parcelle sur laquelle avait été construit le bar, laquelle émerge du sol naturel. Le régime de la domanialité publique ne s'applique qu'à la seule piste de ski, et non à la partie restante de la parcelle, qui ne remplit ni le critère de l'affectation à l'usage direct du public, ni celui de l'aménagement indispensable à l'exécution d'une mission de service public. Ainsi, le Conseil d'État a considéré que cette partie « n'a pas fait l'objet d'aménagements indispensables à l'exécution des missions du service public de l'exploitation des pistes de ski ; que si les skieurs l'empruntaient pour se rendre aux remontées mécaniques situées à proximité, notamment à la gare de départ du télésiège (…), il ne résulte pas de cette seule circonstance qu'elle aurait été affectée à l'usage direct du public ; que dès lors, cet espace, qui est en l'espèce clairement délimité et dissociable de la partie de la parcelle ayant fait l'objet d'aménagements indispensables, appartient au domaine privé de la commune de Val-d'Isère ». B. Délimitation verticale : la domanialité privée du sous-sol non-aménagé de la piste de ski alpin De la même façon, le Conseil d'État a dissocié la piste de son sous-sol. Il a d'abord rappelé que conformément à l'article L. 2111-2 du Code général de la propriété des personnes publiques, le sous-sol d'une piste autorisée tombe également sous le régime de la domanialité publique s'il « comporte lui-même des aménagements ou des ouvrages qui, concourant à l'utilisation de la piste, en font un accessoire indissociable de celle-ci ». Or, la section a considéré qu'en l'espèce, le sous-sol dans lequel était construit le restaurant-discothèque n'était pas « un accessoire indissociable de la piste de ski à l'utilisation de laquelle il concourait ». Ainsi que le soulignent Aurélie Bretonneau et Jean Lessi, « la seule fonction de support physique, qu'à tout sous-sol par rapport au sol, ne suffit pas »28 . Le sous-sol de la piste accueillant le restaurant-discothèque appartenait donc au domaine privé de la commune de Val-d'Isère. En conclusion, dans cette décision Commune de Val-d'Isère, le Conseil d'État procède à une consécration contrôlée d'un domaine public skiable.
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