- Quelle est l’action de l’Inra en matière d’adaptation au changement climatique ?
- Jean-François Soussana : Pour l’Inra, l’adaptation au changement climatique est une question transversale. Nous avons lancé en 2010, et pour dix ans, un programme baptisé Accaf pour Adaptation au changement climatique de l’agriculture et de la forêt. Il rassemble 25 projets de recherche, plus de 300 chercheurs et bénéficie d’un budget de cinq millions d’euros par an, hors salaires.
- Quelles sont les pistes ?- Jean-François Soussana : Il y a deux grands axes. D’une part, la génétique, avec en priorité la conservation des espèces, car la diversité est un facteur de résistance au changement climatique. D’autre part, la sélection d’espèces adaptées à un nouveau climat. Des essais sont déjà en cours, par exemple avec le projet Xylosylve, sur une parcelle dans les Landes pour comparer les essences d’arbres. Cela permet notamment de diminuer le risque d’incendie, mais aussi de favoriser la complémentarité de celles qui vont puiser l’eau en profondeur, et celles qui la cherchent en surface. Cette complémentarité existe aussi pour les plantes fourragères et annuelles. Un autre axe est l’assolement, pour répartir les risques. Et pour chaque piste étudiée, il faut vérifier qu’il s’agit d’une solution à basse intensité carbone.
- Comment gérer l’incertitude ?
- Jean-François Soussana : Nous devons travailler sur plusieurs échelles de temps. Jusqu’à l’horizon 2030-2040, le climat dépend des gaz à effet de serre déjà émis. On en connaît les conséquences : une accélération du réchauffement et une augmentation de la fréquence des épisodes intenses. Il s’agit donc de mieux gérer les risques, avec des systèmes plus robustes face aux aléas. À partir de 2050, le climat dépendra des émissions futures, et donc des choix effectués aujourd’hui. Les enjeux sont forts pour la forêt, car il faut choisir maintenant les espèces qui seront adaptées au climat dans 50 ans. Avec des changements radicaux, si on considère un scénario à +4°C. Surtout, les prévisions étant incertaines, il faut penser des stratégies d’adaptation évolutives, plutôt que chercher un équilibre stable.
- Les acteurs ont-ils conscience des changements nécessaires ?
- Jean-François Soussana : Les collectivités ou les filières professionnelles ont du mal à envisager la gamme de risques et les modifications à mettre en place. Or, on ne peut pas supprimer cette incertitude. Il faut donc accompagner les connaissances de marges d’incertitude. Dans ce but, nous travaillons avec huit instituts nationaux à un portail informatique qui décrira les différents impacts du changement climatique, à plusieurs échelles de temps, via des cartes d’impact. Ces cartes tiendront compte des cultures, des ressources en eau, et proposeront des scénarios d’adaptation. Ce site devrait voir le jour d’ici quatre à cinq ans. Le rôle des collectivités est important, car elles connaissent les acteurs et les caractéristiques de leur territoire. Elles peuvent animer le débat entre les différentes parties prenantes, par exemple pour gérer les conflits d'usage.AC