Le département de l’Isère a rendu public une étude destinée à étudier la pertinence des projets de « neige de culture » sur la base des projections d’enneigement des 23 stations du département à l’horizon 2025-2050, de la disponibilité de la ressource en eau et des équilibres financiers. Si les résultats se veulent rassurants d’un point de vue économique, ils laissent en revanche des questions en suspens sur le plan environnemental.
« Unique en France », selon ses commanditaires, l’étude rendue publique par le département de l’Isère le 11 décembre dernier vise à « accompagner les stations de sports d’hiver dans leur adaptation aux défis environnementaux et économiques majeurs. » Plus précisément, l’étude, réalisée par l’Institut national de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture (Irstea) et le Centre d’Etudes de la Neige de Météo France-CNRS, a mesuré les perspectives d’enneigement et les impacts sur les ressources des 23 stations du département à l’horizon 2025-2050. Plus encore, menée d’avril 2017 à octobre 2018, elle a pour but « d’étudier la pertinence des projets de neige de culture sur la base des projections d’enneigement des stations, de la disponibilité de la ressource en eau et des équilibres financiers », indique-t-on à Isère Tourisme.
Verdicts ? Côté enneigement, l’analyse montre qu’en 2025 la surface équipée en « neige de culture » passera à 42 %, contre 27 % à l’heure actuelle. « D’une façon générale, tient à rassurer la collectivité iséroise, à l’échelle du territoire, les équipements en neige de culture envisagés sur les domaines skiables d’ici 2025 permettraient de maintenir un niveau d’enneigement en 2050 similaire à ce lui d’aujourd’hui. » Problème : pour maintenir ce statu-quo, les besoins en eau passeraient de 2 millions de m3 en 2017 à 3 millions en 2025, puis à plus de 3,5 millions en 2050. « Alors que les années d’enneigement insuffisant apparaissaient en moyenne une année sur cinq, elles surviendront dans les années à venir une année sur trois », fait savoir Samuel Morin, directeur du Centre d’Etudes sur la Neige. Et d’ajouter : « La neige de culture ne permettra pas de transformer les plus mauvaises saisons en bonnes saisons. Elle atténuera seulement les effets négatifs – notamment économiques – des années d’enneigement défavorable. »
2 millions de m3 d’eau en 2017, contre 3,5 millions en 2050
L’enjeu « technique » pour les gestionnaires de stations de ski est d’assurer une pré-couche de neige d’au moins 20 cm d’épaisseur sur leurs domaines. C’est notamment pour constituer cette dernière que plusieurs dizaines d’enneigeurs (ou « canons à neige ») doivent sortir de terre dans les années à venir – pour un investissement global de 165 millions d’euros d’ici 2023. Or, « pour 1 m3 de neige de culture, il faut 500 litres d’eau et 1 hectare de piste nécessite 3.000 m3 de neige », précise Martin Gerbaux, consultant en hydrologie et ressources en eau chez Natura Scop. Dans le département de l’Isère, les pistes de ski s’étendent sur 1.030 kilomètres, sur un domaine de 2.015 hectares.
Selon l’expert, les besoins en eau supplémentaires seront « naturellement » satisfaits grâce aux eaux pluviales et aux eaux de ruissellement issues de la fonte du manteau neigeux récoltées dans les retenues collinaires. « Avec les projets en cours, la capacité de stockage des retenues d’altitude serait multipliée (extension ou création) par deux entre 2017 et 2025 », avance-t-on à Isère Tourisme. « Aujourd’hui et dans les années à venir, il y a peu de réels conflits d’usage sur la ressource en eau sur le département de l’Isère », assure Martin Gerbaux. L’expert rappelle toutefois que des projets d’adduction d’eau depuis les vallées iséroises sont en cours et que, pour une station de ski du département, le réseau d’eau potable sera sollicité.
Des besoins énergétiques non étudiés
Si, pour Jean-Pierre Barbier, président du Conseil départemental de l’Isère – qui a lancé un « Plan neige de culture » en 2016 –, cette étude résulte d’une « démarche scientifique et objective », il n’en demeure pas moins que les besoins énergétiques pour la production de cette « neige de culture » n’y ont pas été abordés. Un « oubli » d’autant plus surprenant qu’une part non négligeable des émissions de gaz à effets de serre mondiales sont corrélées à la production d’énergie (renouvelable ou non). Or, pour chaque m3 de neige artificielle produite, les surcoûts en énergie avoisineraient les 30 %...