Les élus de l’Isère ont obtenu du préfet la radiation du président de la commission d’enquête publique sur le projet « Inspira », visant l’aménagement d’une zone d’activité industrielle. Aujourd’hui lestement balayés à Grenoble, les commissaires-enquêteurs deviendraient demain superflus si la consultation électronique, expérimentée en Bretagne et dans les Hauts-de-France, devait se généraliser.
Moins de 1% des enquêtes publiques débouche sur un avis défavorable du commissaire-enquêteur. Chez Gabriel Ullmann, ce taux s’élève à 10%1 en près de 25 ans d’exercice. Jusqu’à sa radiation, fin 2018, de la liste d’aptitude départementale, sur pression du président (LR) du conseil de l’Isère.
Conforté par le tribunal administratif
Ce dernier préside aussi la société publique locale (SPL) Isère Aménagement, maître d’ouvrage d’un projet de développement d’une zone industrialo-portuaire au Sud de Vienne. En mai 2018, au début de la procédure sur le projet « Inspira », il sollicite l’éviction du président de la commission d’enquête auprès du président du tribunal administratif (TA). Celui qui a nommé Gabriel Ullmann réfute chaque grief de l’élu : ni la vigilance du docteur en droit de l’environnement à faire respecter les textes européens, ni ses articles dans la presse spécialisée pas plus que son adhésion à France Nature Environnement ne caractérisent « une situation d’empêchement ».
Congédié par le préfet, à l’écoute des élus
L’élu départemental s’en remet alors au préfet, avec un succès garanti : le représentant de l’Etat constitue une commission ad hoc dont il désigne quatre membres, entourés du directeur général de la SPL maître d’ouvrage du projet, d’un représentant du Conseil d’architecture, d’urbanisme et d’environnement – également présidé par ce DG – et d’un élu de l’association iséroise des maires - dont le même DG est cette fois vice-président. Pour l’eurodéputée (EE-LV) Michèle Rivasi, « cette commission est une caricature de conflit d’intérêt ». Gilles Martin, professeur émérite de la faculté de droit de Nice, pointe « une situation de non-droit ». A ce stade de la procédure, seuls un « défaut de motivation des conclusions et (un) défaut de production du rapport d’enquête » justifieraient une radiation (art. L. 123-15 du code de l’environnement).
Dans le rapport publié fin juillet 2018, les trois commissaires-enquêteurs rendent à l’unanimité un avis défavorable. Les 40 pages de conclusions détaillent l’absence d’états des lieux, le renvoi systématique à de futures études (impact sur la nappe phréatique déficitaire, congestion des voiries, pollutions et nuisances) et l’insuffisance des compensations à la destruction d’habitats naturels remarquables voire patrimoniaux.
Un avis purement consultatif
Disgracié le 6 décembre 2018, Gabriel Ullmann voit deux semaines plus tard le préfet avaliser Inspira. Aucun commissaire n’est à ce jour indemnisé par Isère Aménagement, pourtant relancée mi-janvier par le TA.
Fragilisée par l’épisode isérois, l’enquête publique se passe désormais de commissaire-enquêteur en Bretagne et dans les Hauts-de-France, régions d’expérimentation, pour trois ans, de la consultation électronique sur les projets ayant fait l’objet d’une concertation préalable avec garant. Pour l’avocate Corinne Lepage, améliorer la procédure suppose que les commissions d’enquête comptent « plus de Gabriel Ullmann et moins d’anciens fonctionnaires de l’Equipement ».
1 : notamment sur le projet de Center Parcs à Roybon en 2015.