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BIODIVERSITÉ

Le bilan du bilan carbone

PUBLIÉ LE 1er MARS 2008
LA RÉDACTION
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Le bilan carbone sera-t-il victime de son succès ? Lancée fin 2003 par l'Ademe, cette méthode de mesure des émissions de gaz à effet de serre connaît une réussite foudroyante. Pas une action publique ou privée sans un bilan carbone préalable. Des grandes entreprises comme LVMH, la Banque populaire ou Nature %26 Découvertes sont d'abord entrées dans la danse, suivies par quelques PME. En janvier 2007, l'Ademe a étendu sa méthode aux collectivités locales. De nombreuses villes, mais aussi départements et régions l'ont alors expérimentée. Récemment, certains organisateurs d'événements comme la Coupe du monde de rugby ou le Mondial féminin de handball ont aussi effectué leur bilan carbone. Et, aujourd'hui, on voit même apparaître un bilan carbone personnel, calculable en ligne. À force de décliner le bilan carbone en de multiples versions, l'Ademe n'est-elle pas en train de dévoyer cet outil ? Comment s'assurer de la qualité de ceux qui sont effectués ? Par ailleurs, une fois le bilan réalisé, les actions de réduction des émissions directes et indirectes sont-elles efficaces ? Enfin, à force de focaliser sur les gaz à effet de serre, ne risque-t-on pas de négliger d'autres impacts environnementaux ? Autant de questions qu'il est judicieux de se poser au moment où l'outil semble devenir le thermomètre officiel de nos émissions de gaz à effet de serre. Entreprises et collectivités Un mauvais coup porté au bilan carbone pourrait provenir... du Grenelle de l'environnement. Parmi ses propositions figure en effet l'obligation pour les entreprises de plus de 50 salariés d'en effectuer un. Au risque de multiplier les travaux de mauvaise qualité si l'entreprise n'est pas motivée - puisque le bilan carbone requiert une collaboration active à l'intérieur de la société, notamment pour rechercher les données. Plus elles sont précises, plus le bilan carbone l'est.Autre risque : que le bilan carbone devienne un pur outil de communication, sous le mode « notre bilan est meilleur que ceux des autres entreprises du secteur ». Or, il est très difficile de comparer deux bilans carbone, car les facteurs pris en compte ne sont pas toujours identiques, de même que le niveau de détails dans les calculs. De plus, « l'enjeu n'est pas de dire qui est bon ou mauvais élève, mais de déterminer qui peut agir au mieux dans l'entreprise pour réduire les gaz à effet de serre, précise Sylvie Padilla, ex-chef de projet sur le bilan carbone à l'Ademe. Il s'agit de hiérarchiser les émissions pour cibler les actions prioritaires. C'est un outil d'aide à la décision. » Manque de donnéesAutre question en suspens, la qualité. « Nous ne répondons pas aux appels d'offres pour des bilans carbone collectivités, car la guerre des prix est omniprésente », commente Éric Labouze, directeur de la société d'études et de conseil Bio Intelligence Service. On peut douter de la qualité du bilan lorsque le prix est le critère déterminant pour choisir son prestataire. Pourtant, le rôle du réalisateur est primordial. « La personne chargée de réaliser le bilan carbone ne se contente pas de remplir les tableurs de la méthode, souligne Julie Laulhere, responsable du bilan carbone collectivités à l'Ademe. Elle a un rôle d'accompagnement sur toute la durée du projet : sensibilisation des personnes concernées, établissement du bilan, analyse des résultats et préconisations sur les actions à mener. » Et l'Ademe ne réalise pas d'audit sur la qualité des bilans effectués. Certes, seuls ceux réalisés par des prestataires ayant suivi une formation peuvent recevoir les aides de l'agence. Mais est-ce suffisant pour garantir le sérieux du travail ? « Dans le cas des bilans carbone menés par des collectivités, les délégations régionales de l'Ademe les accompagnent, indique Julie Laulhere. Par exemple, nous avons aidé à rédiger le cahier des charges pour le bilan carbone de dix stations de ski. »Mais ce qui limite la qualité des bilans carbone, c'est surtout le manque de données. Notamment pour ceux à l'échelle territoriale. « Lorsque les données sont inexistantes ou inexploitables, on utilise des évaluations issues de statistiques nationales, ce qui permet de rester dans les délais et à des coûts raisonnables, indique Sylvie Lauhlere. Il s'agit clairement d'éviter le raccourci « pas de données, pas d'émissions ». Mais les résultats ainsi obtenus sont moins représentatifs des réalités locales. »Après le bilanCe n'est pas tout de faire un bilan carbone. Et après ? Reste-t-il dans un tiroir ou sert-il d'outil de pilotage pour les actions de réduction ? Les avis divergent. « Ce n'est pas un outil de pilotage, c'est trop lourd à manipuler et cela mobilise trop de ressources », estime Cécile Lovichi, responsable environnement du groupe Bonduelle. Après le calcul de son bilan carbone en 2004, la société s'est attaquée essentiellement à l'énergie consommée dans les usines et au transport des marchandises. Pas forcément les plus gros postes, mais ceux à l'impact économique les plus forts. Faute d'un nouvel état des lieux, les résultats de ces efforts sont difficiles à estimer. « Le bilan carbone est surtout un support de communication, qui permet d'ouvrir le débat et de motiver les salariés », estime Cécile Lovichi.Le son de cloche est tout autre du côté de Nature %26 Découvertes. « Le bilan carbone est un super-outil, il permet de piloter une démarche d'amélioration continue en environnement », estime Emmanuelle Paillat, responsable de la comptabilité environnementale. Il faut dire que la société l'utilise quotidiennement, puisque chaque action du groupe est jugée non seulement sur l'aspect économique, mais aussi sur les émissions de carbone qu'elle engendre. L'enseigne tient ainsi une véritable « comptabilité carbone », avec présentation trimestrielle des résultats du bilan carbone, en même temps que les chiffres plus traditionnels comme le chiffre d'affaires. Bien sûr, cela implique d'aller très loin dans la recherche de données. « Le facteur standard des émissions du papier fournies par le bilan carbone ne permet pas de choisir son fournisseur, explique la comptable. Je demande donc à tous de me fournir leur facture d'énergie pour que je puisse estimer leurs émissions. Certains refusent, et j'envisage de ne plus faire appel à eux. Mais l'important est surtout d'accompagner nos fournisseurs. » Emmanuelle Paillat va jusqu'à faire leur propre bilan carbone ! Chaque service dispose d'un budget carbone pour l'année, et Nature %26 Découvertes a même mis en place des « notes de frais CO2 » pour chaque déplacement. « Sans le bilan carbone, nous n'aurions pas su que la formation était responsable de la plupart des émissions liées aux déplacements », indique Emmanuelle Paillat. En revanche, elle ne mesure pas l'impact des clients venant dans les magasins, car « on ne mesure que ce sur quoi on peut agir ».Et si, finalement, le bilan carbone était une auberge espagnole, dans laquelle on trouve ce qu'on y apporte ? « Quand on connaît les valeurs précises de certaines émissions, le bilan carbone est un bon outil de pilotage, constate Sylvie Padilla. Par ailleurs, on peut continuer l'évaluation, chercher des chiffres plus précis : c'est une approche progressive, qui se construit et évolue. » Emmanuelle Paillat regrette d'ailleurs que les facteurs de conversion - qui permettent de transformer les diverses données en tonnes de carbone - ne soient pas plus affinés, notamment pour ce qui concerne les matériaux : « L'Ademe devrait demander aux utilisateurs du bilan carbone d'étoffer la base de données. Curieusement, personne ne me l'a demandé. »Eau et biodiversité oubliéesAutre critique : le bilan carbone ne s'intéresse qu'aux gaz à effet de serre, oubliant les autres impacts environnementaux. « Les impacts de la toxicité ne sont pas intégrés, l'emprise au sol des activités humaines n'est pas directement prise en compte (contrairement à l'empreinte écologique) : à titre d'exemple, ramener l'impact écologique des agrocarburants à leurs seules émissions de CO2 peut conduire à sous-estimer leur appropriation physique de terres agricoles », note ainsi le WWF dans sa lettre d'information. Logique, pour une ONG qui promeut l'empreinte écologique (lire EM n° 1664 p. 32). Mais cet outil est considéré par la plupart des bureaux d'études comme un simple instrument de sensibilisation, trop peu fiable et difficile à exploiter pour en faire un véritable outil de diagnostic et de suivi.Reste que la prise en compte du seul carbone peut avoir des effets pervers. En remplaçant un chauffage au gaz par un chauffage électrique, les émissions de carbone diminuent, du moins en France, du fait de la part du nucléaire dans la production d'électricité. Est-ce à dire que le chauffage électrique est plus vertueux que le gaz ? Non. Simplement, le bilan carbone ne prend pas en compte les déchets nucléaires. Ainsi, le bilan carbone du nouveau siège de la Banque populaire a peu diminué, malgré une meilleure isolation, une meilleure gestion de l'éclairage et l'installation de panneaux solaires et photovoltaïques. En cause : le remplacement du chauffage électrique par un chauffage au gaz à haute performance. De quoi décourager les bonnes volontés ou, pis, encourager aux substitutions d'énergies plutôt qu'aux économies ? « Le bilan carbone est effectué par un ingénieur-conseil, qui a aussi pour rôle de conseiller et d'accompagner les actions à mettre en oeuvre », souligne Sylvie Padilla. De plus, en cas de hausse de prix des énergies fossiles, il est probable que les autres énergies renchérissent aussi. Ce qui encourage les économies d'énergie plutôt que les substitutions.Bilan carbone contre ACVEn revanche, il est possible qu'en améliorant les aspects énergétiques, on dégrade d'autres indicateurs comme l'eau ou la biodiversité. C'est souvent ce qu'on observe dans les analyses de cycle de vie (ACV). Un outil d'ailleurs plébiscité par les bureaux d'études. « L'ACV est plus global et plus précis que le bilan carbone, note ainsi Éric Labouze. Les chiffres obtenus correspondent aux flux réels de matière et d'énergie, ce ne sont pas des approximations. En revanche, le bilan carbone est bien plus rapide et moins coûteux à mener. Il permet ainsi de se poser des questions et d'identifier les axes de progrès. C'est très utile, notamment pour les PME. » Même son de cloche du côté de la société Ecobilan : « Le bilan carbone est un très bon outil clé en main pour diminuer ses émissions de gaz à effet de serre, mais il ne faut pas lui faire dire plus qu'il ne le peut », note ainsi Thierry Raes, chargé du développement durable à Ecobilan. Le bilan carbone est aussi un très bon outil de communication interne. Contrairement à l'ACV, trop complexe, il apporte une réponse en quelques chiffres sur un seul critère. « L'intérêt pédagogique et l'effet d'entraînement du bilan carbone sont évidents, surtout en ce moment où le pétrole est coûteux », remarque Olivier Muller, en charge du changement climatique chez Ecobilan. Faut-il pour autant réduire le bilan carbone à un outil de sensibilisation ? Non, mais attention à ne pas le surestimer : c'est une méthode simple destinée à répondre à des besoins simples, qui doit être complétée dès qu'on souhaite davantage de précision.
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