Le 20 octobre dernier, des associations ont alerté sur l’autorisation de mise sur le marché de deux produits phytopharmaceutiques contenant du sulfoxaflor : une substance proche des néonicotinoïdes, néfastes pour les insectes pollinisateurs. L’Anses qui a délivré ces autorisations, se défend et annonce la tenue de nouvelles analyses.
Vendredi 20 octobre, des associations d’agriculteurs et de protection des abeilles telles que Pollinis, ont attiré l’attention sur une décision prise par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) fin septembre : deux nouveaux insecticides ont été autorisés, le Closer et le Transform, contenant tous deux du sulfoxaflor, une molécule considérée comme néonicotinoïde, qui serait donc dangereuse pour les insectes pollinisateurs. « Alors que les pesticides néonicotinoïdes sont en passe d’être interdits en France et que le moratoire partiel européen est en cours de réévaluation à Bruxelles, l’industrie agrochimique a orchestré la relève, avec la complicité des autorités sanitaires, en ne classant pas cette molécule dans la catégorie des néonicotinoïdes, alors que son mode d’action et son impact sur les abeilles sont dramatiquement identiques », estime Nicolas Laarman, délégué général de Pollinis.
Comme dans les récentes révélations des « Monsanto papers » concernant le glyphosate, l’agence européenne Efsa est remise en question : « En juillet 2015, le sulfoxaflor avait obtenu le feu vert de l’autorité sanitaire européenne (EFSA) en catimini, alors que son fabricant Dow Agro Science n’avait présenté aucune étude d’impact fiable de ses effets sur les abeilles et que dans son avis sur la molécule, l’EFSA avait reconnu que le sulfoxaflor présentait un ’risque élevé pour les abeilles’ », dénonce l’association Pollinis dans un communiqué. Par ailleurs, le sulfoxaflor est interdit aux Etats-Unis depuis septembre 2015, soit un mois après son autorisation en Europe en août 2015. L’Anses souligne toutefois que « les éléments évalués par l’EFSA, s’agissant du risque aigu et chronique sur l’abeille et la colonie, ne mettent pas en évidence de risque inacceptable lorsque l’exposition des pollinisateurs à la substance est limitée par des mesures de gestion appropriées. »
Restrictions d’utilisation et nouvelles analyses
Dans la foulée de l’alerte lancée par les associations, le ministre de la transition écologique et solidaire Nicolas Hulot a rappelé que les autorisations du Closer et du Transform, sont soumises « à conditions et précautions d’emploi visant à minimiser les risques pour les abeilles. » L’Anses recommande en effet une utilisation « en traitement des parties aériennes sur plusieurs cultures spécialisées et sur les céréales à paille (blé, épeautre,triticale, orges) et le lin textile ». Le Closer et le Transform ne doivent pas être utilisés cinq jours avant et pendant la floraison notamment. Les deux produits phytopharmaceutiques sont également « interdits sur les grandes cultures attractives pour les pollinisateurs », souligne l’Anses.
Cependant, le ministère invite l’Agence sanitaire à « analyser de façon prioritaire les nouvelles données (transmises par le rapporteur européen en charge de l’évaluation de la substance active) afin qu’elle soit en capacité d’indiquer au Gouvernement, dans les trois mois, si elles sont de nature à modifier les deux autorisations de mise sur le marché. » Selon l’Anses, le sulfoxaflor se différencie des néonicotinoïdes « par sa très faible persistance dans les sols (1 à 4 jours contre 250 à 520 jours) et dans les plantes. » L’agence sanitaire française ajoute que cette molécule est également « moins toxique (que les néonicotinoïdes, ndlr) pour les organismes aquatiques et que ses métabolites ne sont pas toxiques pour les pollinisateurs. »
Développement d’une phytopharmacovigilance
Alors que l’Anses va effectivement mener de nouvelles analyses sur ces deux produits, elle en appelle dans un communiqué à son « réseau de phytopharmacovigilance », fondé début octobre avec l’Institut technique et scientifique de l’apiculture et de la pollinisation (ITSAP). Cette surveillance commune a pour but de détecter les signes avant-coureurs des effets des produits phytopharmaceutiques sur la santé des abeilles, afin de prendre les éventuelles mesures de prévention ou de limitation des risques au plus vite. L’Anses précise que « s’agissant de la première mise sur le marché en France de cette nouvelle substance », cette phytopharmacovigilance permettra « d’être en mesure d’établir un lien éventuel entre les signalements d’affaiblissements ou de pertes de colonies d’abeilles et l’usage des produits à base de sulfoxaflor. »