Quel est le point commun entre un enfant et un algorithme ? C'est l'apprentissage. Difficile d'en prendre la mesure sans être spécialisé en informatique. Pourtant, les technologies numériques connaissent actuellement une vraie révolution, dont les applications concernent des secteurs comme l'énergie, le bâtiment, la mobilité ou la mesure de la pollution. Cette révolution s'appuie sur le « big data », un terme désignant l'immense volume de données générées par les activités numériques. « On ne sait pas encore tout ce que le big data peut faire, c'est sans limite », soulignait début mars Mounir Mahjoubi, président du Conseil national du numérique, lors du salon Big Data Paris. L'expert appelait à encadrer « ce grand enjeu de société ».Mieux prédire le besoinEt pour cause : ce volume croissant de données constitue un carburant sans précédent pour alimenter le développement de l'intelligence artificielle et sa myriade d'algorithmes. Les géants du numérique l'ont bien compris. Il y a un an, Facebook ouvrait à Paris un laboratoire de recherche dans ce domaine. Son effectif est déjà passé de six à douze personnes, et pourrait atteindre la vingtaine de spécialistes d'ici à la fin 2016. Leur objectif : comprendre les mécanismes de l'apprentissage, notamment chez l'enfant, et s'en inspirer pour développer des algorithmes « intelligents ». C'est-à-dire capables d'apprendre par eux-mêmes… pour mieux prédire le besoin.Futuriste ? Pas vraiment. La start-up française Deepki utilise elle aussi des algorithmes. Collectivités locales, commerces, bailleurs ou entreprises possédant de grands parcs immobiliers… Deepki exploite les données de ses clients pour prédire leurs consommations d'énergie, voire les budgets associés, et évaluer les économies potentielles. « Inutile d'installer des compteurs ou d'intervenir sur site », estime Vincent Bryant, cofondateur de Deepki. « Il y a déjà beaucoup à faire avec les données existantes. » Par exemple, des informations sur les factures, les adresses des bâtiments, les caractéristiques des équipements… Ou des données d'activité telles que le nombre d'enfants inscrits dans une école municipale. Deepki y ajoute notamment des données météos. Ses algorithmes utilisent ensuite des modèles développés par des informaticiens, des ingénieurs en efficacité énergétique et des spécialistes du traitement des données.Des algorithmes capables d'apprendreAutre start-up française, née comme Deepki en 2014, Karos veut bâtir « un réseau de covoiturage prédictif » pour des distances de 15 à 90 kilomètres, typiquement des trajets domicile-travail. Inutile d'indiquer votre destination : l'application mobile de Karos la devine et vous propose même automatiquement un covoitureur, un lieu et une heure de rendez-vous avec lui. Ses algorithmes sont en effet capables d'apprendre vos habitudes de déplacements à partir de vos données de géolocalisation. « Si vous partez tous les vendredis un peu plus tôt du bureau, l'application va le remarquer et l'apprendre pour vous proposer un covoitureur à la bonne heure le vendredi suivant », illustre Olivier Binet, son président. Citons aussi Plume Labs, encore une start-up française. Ses algorithmes prévoient les niveaux de pollution de l'air heure par heure, la veille pour le lendemain, pour aider le citoyen à planifier ses activités. Elle utilise des données de mesures, fournies en France par les associations agréées de surveillance de la qualité de l’air (Aasqa), les prévisions météos et des modélisations de mécanismes physico-chimiques. Elle développe aussi une solution de mesure personnelle pour affiner l'information délivrée au citoyen.80% de fiabilitéDeepki, Karos, Plume Labs… Si ces start-ups prédisent des événements avec une relative efficacité – 80 % de fiabilité chez Karos par exemple – elles ne sont pas vraiment devins. « Les algorithmes sont utiles pour prévoir des éléments qui ont une certaine périodicité. Pas les événements exceptionnels », nuance David Lissmyr, cofondateur de Plume Labs. « C'est un apprentissage statistique qui consiste à chercher, à partir d'un long historique de données, des corrélations entre paramètres. » Après deux ans d'existence, Deepki revendique tout de même déjà une soixantaine de clients, dont de grands groupes. Plume Labs, elle, est présente dans 300 villes dans le monde, dont 200 avec la fonctionnalité de prédiction. Quant à Karos, elle a déployé sa solution dans douze grandes entreprises, qui proposent son service à leurs collaborateurs, et comptabilise 12 000 inscrits, dont 1 500 actifs chaque semaine. Thomas Blosseville