Il faut se rendre à l’évidence : les solutions miracles, quel que soit le sujet, n’existent pas. Chaque action positive peut potentiellement cacher au mieux des effets de bord, au pire être totalement contre-productive. Sans surprise, le cloud n’échappe pas à la règle : s’il est « virtuel » (et donc peu consommateur en ressource matérielle) pour la grande majorité des utilisateurs, il se compose pourtant de machines bien réelles et de datacenters énergivores. En 2021, le cloud représentait 95 %[1] du trafic global des data centers, alors que sa part n’était que 39% en 2011.
Une idée reçue qu’il s’agit de vaincre définitivement : dès lors que l’on utilise des outils digitaux, il existe un impact, notamment sur l’environnement. Pas question pour autant de se passer du digital, qui a apporté une grande modernité aux sociétés : accès à l’information, efficacité de la communication et du travail, etc. Mais il est primordial de prendre conscience de cet impact, premier pas vers une meilleure utilisation des ressources.
Car les enjeux sont importants : les datacenters et les réseaux de transmission de données sont responsables de près de 1 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) liées à l’énergie, selon une récente étude IEA[2]. Et ce ne sont pas les seuls impacts : en tenant compte de l’analyse du cycle de vie de l’ensemble des matériels, les consommations d’eau ou encore l’extraction et l’utilisation de terres rares sont colossales.
Quant à l’électricité, les datacenters et les serveurs d’entreprises seraient à l’origine de 10 %[3] de la consommation du numérique, en fonction de leurs choix en matière de refroidissement, de réutilisation de la chaleur ou encore de l’âge des machines. À noter toutefois qu’un équilibre est à trouver entre prolongation de la durée de vie et efficacité énergétique des matériels, la fabrication étant la phase la plus consommatrice en ressources.
Les vertus de l’IT portable et mutualisé
Les avantages du cloud ne sont pas intrinsèques, mais sont à rechercher sur le concept même du cloud vis-à-vis de l’on premise, et sur ses modalités d’utilisation qui offrent une véritable consolidation des ressources. En effet, si chaque datacenter demeure énergivore, ses ressources sont mutualisées entre des milliers d’organisations : si chacune d’elle disposait de ses propres ressources IT, aussi limitées soient-elles, l’impact environnemental serait bien supérieur.
Et cette mutualisation démultiplie d’autant (à l’aide d’outils de pilotage globaux) les potentialités d’amélioration pour l’ensemble des organisations en termes de durabilité IT : efficacité de l’alimentation et du refroidissement, performances et durabilité du matériel, efficience des architectures cloud native, etc. Le tout, bien sûr, associé à une utilisation optimale des capacités installées : c’est tout l’intérêt économique et, par extension, écologique du cloud !
Du côté des utilisateurs aussi, les vertus du cloud sont nombreuses. Désormais totalement « portables », les applications professionnelles limitent autant les déplacements quotidiens avec le télétravail que les trajets longue distance avec des réunions en ligne - ce qui évite notamment les déplacements en avion. Des solutions portables qui aident aussi à maintenir le lien social, comme durant la crise pandémique par exemple.
Au-delà du cloud, et d’un point de vue macro-économique, le World Economic Forum[4] estimait en 2019 que le digital permettrait de réduire les émissions carbonées jusqu’à 15 % à horizon 2030 grâce à des solutions dédiées dans les secteurs de l’énergie, de l’industrie manufacturière, l’agriculture, les transports ou encore les services.
Invisible et bon marché : le risque d’effet rebond du cloud
Pendant des décennies au XXe siècle, on a cru que les ressources en pétrole seraient inépuisables. S’il faut reconnaître le rôle majeur de cette source d’énergie dans le développement exponentiel des économies modernes, les répercussions en termes d’émissions de GES sont aujourd’hui bien connues. Avec des prévisions de croissance de plus de 7 %[5] par an du secteur IT & digital, il s’agirait aujourd’hui de ne pas reproduire le même schéma.
Et ce d’autant plus que le cloud est souvent considéré comme intrinsèquement vertueux, et surtout peu onéreux voire gratuit : le risque d’un effet rebond, à savoir une sur-consommation aux conséquences in fine négatives, n’est alors pas négligeable. Malgré des effets positifs de l’IT en général et du cloud en particulier, il s’agit donc d’être sobre dans ses pratiques. Par exemple, limiter la conservation de fichiers numériques au strict minimum et éviter de multiplier les copies digitales d’un même document, lui-même bénéficiant des synchronisations multimodales et de multiples copies de sécurité par le fournisseur cloud. C’est bien aussi de faire le ménage dans ses e-mails, mais le mieux en termes d’impact environnemental, c’est d’éviter de les envoyer dès le départ.
Véritable illustration de l’effet rebond : l’archivage numérique. S’il est éminemment plus sobre que l’archivage papier, l’archivage numérique a eu pour conséquence un allongement de la durée de conservation des dossiers. Comme dans le monde physique pourtant, les organisations doivent régulièrement procéder à la destruction de données devenues inutiles avec le temps. Et ainsi participer à ce qui demeure un enjeu essentiel du digital : limiter la vitesse de croissance des quantités de données stockées dans tous les datacenters du monde.
1 France Stratégie
2 Data Centres and Data Transmission Networks
3 France Stratégie
4 World Economic Forum - Digital technology can cut global emissions by 15%
5 Numeum - Croissance attendue du secteur numérique : +7,4% en 2022
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