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L'écologie industrielle

PUBLIÉ LE 1er MAI 2011
LA RÉDACTION
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Une nuée de nanorobots qui s'autorépliquent pour fabriquer des objets en ajoutant atomes et molécules les uns aux autres. Un système de production basé sur l'addition et non plus la soustraction de matière. Voilà la question des déchets résolue ! Quand il s'agit d'écologie industrielle, l'imagination de Suren Erkman n'a pas de limite. Écrivain, journaliste scientifique, enseignant, l'homme est l'un des plus fervents promoteurs et théoriciens de ce concept. Il fut d'ailleurs à l'origine des premières expérimentations menées en France, à Dunkerque (59). Mais que se cache vraiment derrière cet intrigant oxymore, l'écologie industrielle ? Ses principes - dont le fameux « les déchets des uns deviennent les matières premières des autres » - peuvent-ils irriguer nos territoires ? Dans son ouvrage de référence paru en 1998 (lire Repères), le Suisse indique que cette théorie, née dans les années 1960-1970 et relancée en 1989 sous la plume de deux ingénieurs de General Motors dans la revue Scientific American, offre des contours, et des perspectives bien plus larges. L'idée de base est simple : faire fonctionner notre système industriel autant que possible en vase clos, à l'image d'un écosystème naturel. Objectif : boucler les flux de matières et d'énergies et mutualiser équipements et services. « Ce qui m'intéresse, c'est l'évolution du système économique industriel dans sa globalité et à long terme. Au carrefour de plusieurs disciplines, l'écologie industrielle ramène l'économie sur terre. On en revient aux fondamentaux, aux flux bien réels de matières et d'énergies », explique, intarissable, Suren Erkman. Le concept tourne le dos à l'approche curative classique, qui traite la pollution « à la sortie du tuyau » (« end of pipe »), caractéristique de notre société productiviste. Une gageure qui relève finalement de l'écologie politique, puisque l'écologie industrielle s'applique à toutes les activités économiques, fait appel à l'écoconception et à l'économie de fonctionnalité (vendre un service plutôt qu'un bien). Ce n'est pas tout : elle ambitionne également de découpler consommation de matières et d'énergies de la croissance économique et peut conduire à des échanges non-marchands entre entreprises. Qu'en dit le terrain ? Un port danois porte l'étendard de l'écologie industrielle depuis la fin des années 1980. C'est la fameuse symbiose de Kalundborg, où plusieurs industriels s'échangent vapeur, eau et différents sous-produits par pipelines. Depuis, de nombreux pays d'Asie et d'Amérique du Nord tentent de dupliquer le modèle, avec plus ou moins de succès. En France, une petite société bretonne bien connue des environnementalistes chevronnés, Yprema, en a fait, dès sa création en 1989, son modèle de développement en recyclant et revendant mâchefers ou matériaux de déconstruction. À l'autre bout de la chaîne, le cimentier Lafarge s'investit également fermement dans la démarche (lire encadré ci-dessous). De leur côté, GDF Suez ou Veolia s'intéressent à l'idée. Ils tentent même l'expérience, avec quelques applications concrètes, pour certaines un peu rapidement estampillées « écologie industrielle ». « Bien rémunérés pour enfouir ou traiter les déchets, ils se rendent bien compte que l'écologie industrielle va à l'encontre de leur modèle économique. Mais, elle pourra leur être utile le jour où un changement de modèle s'imposera », observe cependant Suren Erkman. Rares sont les cadres et dirigeants ayant vraiment saisi la rupture que l'écologie industrielle implique. « Ce qui me surprend le plus, c'est à quel point on considère le recyclage comme un sujet lié aux déchets alors qu'il est d'abord question de ressources. Je suis cependant confiant quant à son développement, mais à moyen terme. Pour garantir la régularité et la qualité des flux échangés, les industriels auront besoin d'un intermédiaire. Veolia pourra assumer ce rôle », anticipe un haut responsable de Veolia Environnement. L'écologie industrielle se joue, pour le moment, principalement sur la scène des zones d'activité ou autres écopôles. « Nous recensons une quarantaine d'expériences dans l'Hexagone », note Paul Schalchli, chef de projet à l'association Orée. « Tout cela est encore bien timide, mais l'écologie industrielle se développe en France », confirme Jean-Luc Vidal, directeur général de Roskoplast. C'est la fabrication d'un flacon de miel en PET recyclé impliquant quatre partenaires qui a valu au plasturgiste aquitain de recevoir la mention Écologie industrielle du dernier Prix entreprises et environnement. « Les premières pièces sont sorties en décembre. Nous préparons un projet similaire pour des entreprises régionales de biocosmétique », indique Jean-Luc Vidal. Les freins au développement de ces projets restent cependant nombreux. « Les cadres réglementaires s'ignorent entre eux. La réglementation ICPE limite les possibilités d'échanges, par exemple entre industriels et agriculteurs », déplore, plus sceptique, Romain Ferrari, P-DG des Textiles Ferrari, qui a développé la technologie Texiloop pour recycler en fin de vie les bâches de camions qu'il produit. Un obstacle de taille vient en revanche d'être levé. L'ordonnance du 17 décembre 2010, qui transcrit la directive Déchets de 2008, permet enfin à certains déchets devenus ressources de s'extraire de leur contraignant statut juridique. Reste à faire bouger les mentalités : « La réticence des industriels à utiliser des matières premières secondaires est connue. C'est pourquoi il faut leur apporter les mêmes garanties de qualité et de pérennité que pour les matières vierges », estime Pascal Gauthier, directeur général de Veolia Propreté France. Pour franchir obstacles juridiques et psychologiques, certains pays ont trouvé une solution radicale : inscrire les principes de l'écologie industrielle dans la loi. C'est le cas de la Suisse ou de la Belgique, mais surtout de la Chine qui a voté, en 2008, un texte sur l'économie circulaire (lire encadré p. 26). Nos décideurs politiques n'y sont pas restés indifférents. Mais l'approche des services de l'État s'avère encore trop sectorielle et focalisée sur les déchets. « Il n'existe quasiment aucune subvention. Dans nos projets, nous perdons énormément d'énergie à chasser les financements », ajoute Cyril Adoue, directeur du bureau d'études Systèmes durables. À Bercy, la Direction générale de la compétitivité de l'industrie et des services ( DGCIS) a tout de même, en décembre 2009, confié une mission à Orée : provoquer et encadrer des démarches d'écologie industrielle dans cinq territoires pilotes (lire Repères). L'Ademe soutient, de son côté, un projet sur les stratégies d'acteurs (Acteis), dont les travaux ont débuté le mois dernier. « L'Agence nationale de la recherche finance notre projet, Comethe, depuis 2008 », complète Nathalie Boyer, déléguée générale d'Orée. Tous ces projets (lire Repères) ont l'ambition de faire émerger une forme d'écologie industrielle typiquement française : l'écologie territoriale. Ici, une collectivité (ou une CCI) mène la danse. Elle recense les flux locaux et encourage les collaborations. Une démarche qui permet d'aller plus loin que les rares coopérations spontanées entre entreprises et qui offre une réponse aux collectivités à la recherche de nouveaux modèles de développement. C'était l'objet du projet Comethe, dans le nord de la France. Un colloque organisé à Dunkerque a, en effet, clos ce projet de recherche notamment destiné à produire un guide méthodologique et une série d'outils d'aide à la décision. Ces derniers sont accessibles depuis le début du mois sur le site d'Orée. Un des modules s'intéresse au diagnostic du territoire : cartographie des flux, mais aussi identification des acteurs et de leurs relations. Il propose même un conducteur d'entretien et une méthode d'analyse des stratégies d'acteurs. L'écologie industrielle s'éloigne donc des terres des sciences de l'ingénieur pour nous entraîner vers les sciences sociales, de la sociologie voire de l'anthropologie. Plus qu'utile dans un pays où les entreprises ne brillent pas par leur transparence. « Les entrepreneurs doivent se faire davantage confiance et accepter l'échange d'informations. Un projet de synergies entre chimistes du couloir rhodanien s'est d'ailleurs enlisé pour ces raisons, il y a quelques années », regrette Suren Erkman. « Dans le cadre de Comethe, nous avons achevé, il y a un an, un recensement complet des flux, détaillant le « métabolisme industriel » d'une trentaine d'entreprises. Nous en avons identifié certains, insoupçonnés, et avons lancé des projets de mutualisation (gardiennage, balayeuses) entre les entreprises de la zone d'activité de Lagny-sur-Marne (77). La clé de la réussite est d'abord dans la qualité des échanges entre les différents acteurs. Il faut mettre les gens autour de la table », insiste Johanna Dubois, ingénieur développement durable chez Yprema. Avant même de se lancer dans un inventaire de flux, l'idéal, pour motiver les troupes, est de s'appuyer sur une expérience locale réussie ou une première synergie simple à identifier et à mettre en oeuvre. « Pour avancer, il faut se montrer pédagogue, en commençant avec des synergies de mutualisation, plus simples à mettre en oeuvre que celles de substitution. Les industriels ont par ailleurs besoin de concret, pas de grandes théories. Mieux vaut commencer par leur parler de leurs déchets plutôt que se lancer dans de grandes explications sur le métabolisme industriel », recommande Agnès Delamare, chef de projet inventaire des flux d'Ecopal. Un conseil avisé, puisque l'association d'industriels dunkerquoise créée en 2001, à la suite des travaux de Suren Erkman sur place, a livré l'an dernier les résultats d'un immense inventaire de flux réalisé auprès de 145 entreprises (lire EM n° 1688, p. 32). « Nous avons, depuis, repris contact avec 80 % d'entre elles. Avec certaines, nous prévoyons de mutualiser l'achat de papier, l'entretien des séparateurs à hydrocarbures ou la collecte des déchets fermentescibles. Nous testons également la réutilisation de palettes ou de textiles non-tissés. Les entreprises Tioxyde Calais et Sea Bulk ont, depuis, entamé des échanges, respectivement avec Ryssen et Arcelormittal », détaille Agnès Delamare. Mais pour que la coopération s'inscrive dans la durée et résiste, par exemple, à la disparition d'un des partenaires, il faut un pilote dans l'avion. « Le porteur du projet - souvent un élu - et son coordonnateur - plus proche du terrain - doivent combiner légitimité et charisme. Pour les choisir, il convient d'analyser les jeux d'influences et les relations préexistantes », explique Sabrina Brullot, chercheur à l'université de technologie de Troyes et responsable du mastère Imedd, spécialisé en écologie industrielle et en écoconception. Aujourd'hui, l'écologie territoriale n'a rencontré son public qu'à Troyes et Dunkerque. Même si son champ d'action tend à s'élargir, elle reste circonscrite à un petit cercle d'initiés. Tous se connaissent, rédigent ensemble des articles scientifiques, travaillent sur des projets communs, ont été élève et professeur... Pour peser davantage auprès des pouvoirs publics et populariser l'écologie industrielle, ces chercheurs, enseignants, industriels, élus, associatifs et consultants, prévoient de se fédérer. Après une première tentative avortée il y a une petite dizaine d'années, un nouveau Pôle français de l'écologie industrielle devrait voir le jour avant la fin de l'année. Rassemblés, ces acteurs pourront échanger autour de la question qui divise traditionnellement tout secteur émergent : celle de la création d'un système de reconnaissance, label ou certification.
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