Utiliser les calories de l'eau de mer pour se chauffer ou se rafraîchir, c'est le principe de la thalassothermie. Utilisée depuis de nombreuses années à Monaco et en Suisse (en eau douce), elle se développe aussi en France. Deux projets vont démarrer ce printemps à Cherbourg et à Marseille. À Cherbourg, dans le quartier de la Divette, le système, conçu par EDF Optimal Solutions, chauffera 1 308 logements déjà existants, soit près de 83 400 m², et permettra de réduire la consommation d'énergie de 20 à 25 %. À Marseille, c'est le nouveau Musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée (MuCEM), soit 15 000 m², qui bénéficiera du procédé installé par Garcia ingénierie (G2I). Dans les deux cas, l'eau de mer est pompée jusqu'à un échangeur qui donne le relais à une boucle d'eau industrielle pour limiter les problèmes de corrosion et d'entretien des canalisations. Ensuite, le système est assimilable à des pompes à chaleur. En fonction des objectifs, ils sont réversibles pour produire du chaud ou du froid selon la saison ou font appel à des thermofrigopompes, produisant simultanément chaud et froid.
Mais tous les projets ne sont pas forcément pertinents. « L'idéal est d'être proche du littoral, sans trop de relief en surface, mais avec une forte bathymétrie, et d'avoir des besoins mixtes, en chaud et froid », explique Loïc Lepage du cabinet BG Ingénieurs Conseils, qui a réalisé une étude de potentialité de développement de la thalassothermie en région Paca. À Cherbourg, où les températures marines sont assez basses, la présence d'un bassin protégé dans la ville a été un facteur déterminant. « La température y est un peu plus élevée et plus stable que dans l'océan avec une moyenne annuelle à 11 °C. Cependant, en dessous de 8 °C, les chaudières classiques prennent la relève, car le système n'est plus assez performant », explique Nicolas Noël, chargé d'affaires chez EDF Optimal Solutions.
Au-delà des aspects techniques, la rentabilité est un point essentiel pour des projets nécessitant de lourdes infrastructures (1,3 million d'euros investis à Cherbourg, 1,6 pour le MuCEM) en regard de leur gain énergétique. La Seyne-sur-Mer, dotée d'une installation depuis 2008, peine ainsi à la rentabiliser faute de raccordements. Un grand projet devrait voir le jour à Marseille (2 millions de mètres carrés de bâtiments à chauffer et à climatiser), mais ses conditions économiques sont encore examinées scrupuleusement. Avec une idée alternative à l'étude : dimensionner le système pour couvrir seulement 60 à 70 % des besoins. « Il serait complété par des systèmes de chauffage et de refroidissement classiques pour répondre aux appels de puissance. Cela est moins vertueux au niveau environnemental, mais c'est la condition sine qua non pour assurer la viabilité économique et le développement du projet », explique Jean-Christophe Daragon, en charge du projet à Euroméditerranée.