Depuis le XVIIIe siècle, les prairies humides du foin de la Crau, dans le Var, sont régulièrement inondées grâce aux canaux qui acheminent de façon gravitaire les eaux de la Durance. Une irrigation traditionnelle vitale à la nappe des cailloutis de la Crau : elle apporte, par infiltration, plus des deux tiers de sa recharge annuelle, lui permettant ainsi de fournir de l'eau aux industriels du golfe de Fos, aux arboriculteurs et aux maraîchers de la plaine, et d'alimenter en eau potable ses 300 000 habitants. « La masse d'eau est en bon état au titre de la DCE, mais sa sauvegarde requiert des mesures préventives », indique Charlotte Alcazar, directrice du Symcrau. Car plusieurs menaces pèsent sur l'aquifère : déprise agricole et recul des prairies irriguées face à l'urbanisation, baisse de la disponibilité des apports depuis le bassin de la Durance, vulnérabilité de la partie littorale de la nappe à l'intrusion d'un biseau salé en cas de surexploitation… « Le contexte de changement climatique pourrait augmenter la fréquence des conflits d'usage », ajoute Gaëlle Berthaud, directrice de la délégation Paca à l'agence de l'eau Rhône-Méditerranée Corse.
Organiser le partage et la gestion de cette ressource est donc indispensable pour préserver les espaces naturels remarquables et garantir la pérennité de tous les usages à l'avenir. « Nous avons préféré une démarche volontaire à la réglementation d'un Sage. Un cadre contractuel semblait plus souple, plus rapide et plus simple à mettre en place », explique Charlotte Alcazar. Assisté par un cabinet de conseil en relations publiques, le syndicat a donc travaillé avec l'agence de l'eau à l'élaboration d'un contrat de nappe, avec un mot d'ordre : privilégier la concertation.
La charte est apparue comme une étape intermédiaire permettant de coconstruire le contrat avec le maximum d'acteurs locaux, et d'en acter les grandes lignes. Ainsi, plus d'une cinquantaine de partenaires se sont engagés : l'État, les Régions et les dépar-tements, l'agence de l'eau et les collectivités locales, des acteurs économiques et scientifiques, des associations et même la base aérienne d'Istres. Cinq enjeux lient ces signataires : l'aménagement du territoire, l'équilibre quantitatif, le bon état qualitatif, la sensibilisation et enfin la gouvernance. S'ensuivront des études de connaissance et de suivi de la nappe, des mesures d'économies d'eau, de soutien à la filière de foin de la Crau ou encore de modernisation des canaux d'irrigation, des actions de sensibilisation. Le programme d'action est en cours de finalisation, et servira de base à l'avant-projet du futur contrat. « Il sera présenté au comité de bassin en juin, en préparation d'une signature du contrat en 2016 », prévoit Gaëlle Berthaud. David Humbert