Contrairement aux procédés de valorisation du phosphore sous forme de struvite que pratiquent ses concurrents après digestion, Saur a opté pour la formation d’hydroxyapathite, un minerai issu de la précipitation des phosphates dans les boues en présence de chaux. « C’est un choix différenciant mais notre procédé a plusieurs atouts. Il peut être réalisé directement sur des boues fraîches sans passer par une digestion. Et son exploitation est simple. Le procédé est opérable dans un réacteur classique de contact sans régulation particulière et il utilise un réactif extrêmement courant sur les stations, la chaux », précise Vincent Jauzein, ingénieur de recherche chez Saur. Le pilote qui a tourné en 2015 sur la plate-forme de recherche de Saur implantée sur l’usine de Nîmes (22 000 EH) a permis de prouver l’efficacité du procédé. Mis en œuvre sur une tonne de boues liquides extraites par jour, il permet de récupérer environ 300 g d’hydroxyapathite, soit 3 à 5 kg de phosphore par tonne de matière sèche.Mais Extraphore s’articule en deux étapes et l’efficacité de l’extraction du phosphore dans les boues est conditionnée à la mise en œuvre d’une déphosphatation biologique dans un réacteur anaérobie au niveau du traitement des eaux usées. Car seule la fraction suraccumulée issue de cette première étape biologique confère au phosphore la possibilité d’être extrait des boues. Pour augmenter la concentration de phosphore dans les boues et limiter le recours au chlorure ferrique, les chercheurs ont également travaillé à réduire au maximum la part de la déphosphatation physico-chimique au profit de la déphosphatation biologique. Ils ont ainsi automatisé la déphosphatation biologique en l’équipant d’une sonde redox qui régule la quantité de réactif. « D’après nos premiers essais, nous pourrions espérer 25 à 50 % d’économie sur l’injection du chlorure ferrique », estime encore Vincent Jauzein. Ces essais pourraient se concrétiser dès la fin 2016 par de premières références sur deux stations d’épuration des Bouches-du-Rhône de 63 000 EH et 120 000 EH.Valorisation matière, économie de réactif, Extraphore est un concentré d’économie circulaire. En diminuant la teneur en phosphore des boues de 20 %, le procédé facilite également leur épandage et diminue le coût global de la filière de valorisation de ces déchets. Saur n’envisage pas de vendre l’hydroxyapathite mais de l’utiliser en interne pour complémenter en phosphore les composts de déchets verts produits sur ses plateformes. Alexandra Delmolino