Ne croyez pas que François-Laurent Facquez, le directeur général du Syndicat intercommunal d'assainissement de Valenciennes (SIAV) a « fumé la moquette », comme il l'a cru lui-même en 2013 en découvrant l'holocratie, un mode de management qui rompt avec l'organisation hiérarchique pyramidale. C'est au contraire après une longue réflexion qu'il a décidé, avec l'accord de la présidente du syndicat, de mettre en œuvre une nouvelle organisation. Certes il est toujours directeur général pour l'extérieur mais, en interne, toute organisation hiérarchique a disparu. « Tout a commencé dans ma tête. Je suis un ancien fonctionnaire d’État et l'administration d’État est un exemple exacerbé d'un management pyramidal. J'ai gravi tous les échelons, puis j'ai rejoint les collectivités territoriales à un poste de direction. Mais à chacun de mes postes, j'étais confronté à des tensions et des frustrations. Quand j'ai eu un poste de directeur général, je savais que je voulais fonctionner différemment pour davantage de performance », explique-t-il.S'appuyer sur les talentsEt quand il découvre l'outil Holacracy développé par iGi Partners, il commence par suivre une journée d'information, puis une semaine de formation en 2014. « Le fonctionnement de l'entreprise est décrit à travers des unités organisationnelles, les cercles et unités de travail ou les rôles pris en charge par des individus selon leurs zones de talent. Dans chaque rôle, l'individu n'encadre personne et n'est encadré par personne », décrit Bernard-Marie Chiquet, le fondateur d'iGi Partners. Le SIAV a ainsi découpé son activité en plusieurs cercles (voir schéma) et 180 rôles, pris en charge par les 23 salariés qui ont tous suivi une formation sur l'holocratie. Et pour faire tourner l'ensemble, des réunions ont lieu très régulièrement : des réunions de triage (ou opérations) pour discuter de l'avancement des projets et des réunions de gouvernance où sont évoquées les tensions ou dysfonctionnements ressentis ou constatés. « J'ai en charge une quinzaine de rôles différents : évaluateur du personnel, arbitrage juridique, obligations des agents…Tout le monde a autant de pouvoir que moi sur le fonctionnement de l'organisation. Le système garantit à chacun un espace de parole pour calmer les tensions », détaille François-Laurent Facquez.Davantage d'efficacitéDepuis février 2016, le SIAV fonctionne en solo après avoir été accompagné durant quelques mois par iGiPartners. Et découvre les bénéfices de cette nouvelle organisation. « Je constate que nous sommes plus efficaces, plus en phase avec tous les aspects réglementaires de formations, de gestion du personnel, de finances et d'assainissement. C'est intéressant, car nous nous préparons à de grosses réformes, qu'il s'agisse de l'arrêté du 21 juillet 2015 sur l'assainissement ou de la loi Notre », se réjouit François-Laurent Facquez. Autre bénéfice constaté : la reconnaissance des compétences. « À partir du moment où chacun peut mettre en œuvre ses talents, c'est à la fois utile pour elle et pour la structure. Une nouvelle répartition des compétences par rôle permet de faire bouger les lignes. Ainsi, nous avons pu utiliser les compétences d'un emploi jeune pourtant bac +5 », explique le directeur général. Et cette évolution a pu se faire plus facilement grâce à la réforme du régime indemnitaire qui lie dorénavant une partie de la rémunération à l'évaluation professionnelle.Bousculer les habitudesDans ce fonctionnement clarifié où tout le monde connaît les rôles que chacun effectue en toute autonomie, la transparence est partout, au risque de bousculer bien des habitudes. « Cela oblige à se remettre en questions : qui je suis, ce que je fais, quelles sont mes compétences et mes envies ? », reconnaît François-Laurent Facquez. Et les résistances au changement sont bien réelles. C'est pourquoi, il faut aussi être vigilant sur les nouvelles embauches. « Nous recrutons et, dans l'annonce, j'ai mis en avant l'holocratie. Dans l'entretien professionnel, je demande pourquoi les candidats ont envie de rejoindre le SIAV et s'ils ont envie d'évoluer. C'est un critère important, car, sur des postes techniques, tous ont peu ou prou les mêmes compétences. » Mais pour l'extérieur, qu'est-ce que cela change ? Pas grand-chose pour les communes adhérentes au syndicat et pour les usagers. Mais en revanche, l'holocratie a interpellé le délégataire, en l'occurrence, la Saur. « Notre délégataire est, du fait de notre nouvelle organisation, passé d'un seul contact en interne à plusieurs interlocuteurs. Ce qui peut être plus compliqué. Du coup, nous avons formé, à leur demande, le directeur et son adjoint. On va leur donner un rôle en interne pour mettre les tensions sur la table. Nous allons chercher ensemble à améliorer nos relations contractuelles, c'est très stimulant », conclut François-Laurent Facquez.Dominique Bomstein