Selon un rapport que vient de publier, le 20 juin, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, la pollution de l’eau liée à des pratiques agricoles non durables menace la santé humaine et les écosystèmes de la planète. Un phénomène que sous-estiment souvent les décideurs politiques et les agriculteurs dénonce la FAO.
L’agriculture est la plus importante cause de pollution de l’eau, selon la publication « More People, More Food, Worse Water? A Global Review of Water Pollution from Agriculture » que viennent de publier l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et l’Institut international de gestion de l’eau à l’occasion d’une conférence qui s’est tenue au Tadjikistan du 19 au 22 juin. Regroupant la plupart des ouvrages scientifiques produits sur la question jusqu’à ce jour, le rapport indique que les nitrates d’origine agricole sont le contaminant chimique le plus fréquemment détecté dans les aquifères. D’après ce document, l’agriculture « moderne » libère de grandes quantités de produits agrochimiques, de matière organique, de sédiments et de solution saline qui se déversent ensuite dans les plans d’eau. Une pollution qui affecte des milliards de personnes et engendre des frais qui atteignent chaque année des milliards de dollars. « L’agriculture est le secteur produisant le plus d’eaux usées, en termes de volumes, et le bétail génère beaucoup plus d’excréments que les êtres humains. Alors que l’utilisation des terres s’est intensifiée, on constate que les pays utilisent de plus en plus de pesticides synthétiques, d’engrais et d’autres intrants », ont écrit Eduardo Mansur, directeur de la division des terres et des eaux de la FAO, et Claudia Sadoff, directrice générale de l’Institut international de gestion de l’eau (IWMI), dans leur introduction. Ces intrants, s’ils ont permis de stimuler la production alimentaire, ont aussi contribué à augmenter les risques de menaces environnementales et ceux sur la santé humaine. Comme sources de pollution, le rapport cite l’utilisation massive d’engrais minéraux (multipliée par dix depuis 1960), les pesticides (dont les ventes sont passées en une cinquantaine d’années d’un milliard de dollars par an à 35 milliards), les polluants liés à l’élevage (matières organiques mais aussi antibiotiques, vaccins et autres hormones de croissance dont les résidus finissent dans les milieux aquatiques), et enfin l’aquaculture (dont l’importance a été multipliée par vingt depuis 1980) qui relargue des excréments, de la nourriture non consommée, des antibiotiques, des fongicides et des agents antisalissures dans les eaux de surface.
Des solutions existent
Au-delà du constat, le rapport apporte des solutions, même s’il juge le défi complexe à relever. Réduire les polluants à la source se révèle le plus efficace. La première manière d’y parvenir est, selon les auteurs, de développer des politiques et des motivations pour faire évoluer les régimes alimentaires des populations vers des régimes plus durables et de limiter la hausse de la demande alimentaire. Au niveau du consommateur, la lutte contre le gaspillage alimentaire peut y contribuer. Les instruments réglementaires « traditionnels » continueront à être essentiels, note le rapport. Et de citer la mise en place de normes sur la qualité de l’eau et de permis de rejets de polluants, l’obligation de bonnes pratiques, l’évaluation des impacts environnementaux de certaines activités agricoles, l’installation de zones tampons autour des exploitations, de restrictions sur les pratiques agricoles ou sur le lieu d’implantation des exploitations ou encore des limites sur la commercialisation et la vente de produits dangereux. Toutefois, le rapport reconnait que certains principes appliqués actuellement, tels que celui du pollueur-payeur, sont difficilement applicables à la pollution diffuse d’origine agricole, car il est compliqué d’identifier le responsable. Par contre, les mesures destinées à susciter l’adhésion des agriculteurs au principe de la réduction à la source sont essentielles (exemptions fiscales pour l’adoption de bonnes pratiques, paiement à l’entretien du paysage). Le rapport cite par ailleurs plusieurs bonnes pratiques visant à réduire l’exportation de nutriments et de pesticides dans les écosystèmes, la meilleure étant d’en réduire l’usage. De même, la lutte antiparasitaire intégrée, qui associe l’utilisation de variétés agricoles résistantes aux ravageurs au système de rotation des cultures, est également présentée comme utile. En ce qui concerne les élevages, les techniques traditionnelles telles que la restauration des pâturages dégradés, une meilleure gestion des régimes alimentaires des animaux, des additifs alimentaires ou encore des médicaments sont essentielles. Néanmoins, les auteurs avancent que davantage doit être fait, notamment en matière de techniques de recyclage des nutriments et dans le développement de nouvelles technologies, comme la méthanisation des déchets agricoles.