Le développement des énergies marines renouvelables en Europe donne des résultats ambivalents. Tel est le message envoyé par la Cour des comptes européenne dans un rapport publié le 18 septembre, qui stipule que beaucoup reste à faire pour inscrire les énergies marines renouvelables dans une démarche durable sur les plans socio-économique et environnemental.
Les énergies marines renouvelables (EMR) devraient contribuer grandement à la réalisation des objectifs écologiques de l’UE. En 2020, la Commission européenne a adopté une stratégie visant à soutenir le développement durable des EMR et à en exploiter pleinement le potentiel. Depuis 2007, l’UE a consacré un budget de 2,3 milliards d’euros à ces technologies. La Banque européenne d’investissement a également participé à l’effort en débloquant 14,4 milliards d’euros de prêts et d’investissements en fonds propres.
Des impacts écologiques mal évalués
Mais selon un rapport publié le 18 septembre par la Cour des comptes européenne, l’essor des EMR pose un véritable « dilemme écologique » : alors qu’elles constituent un passage obligé de la transition écologique du Vieux continent, leur développement risque de porter atteinte au milieu marin. Dans sa stratégie, l’UE s’efforce de concilier EMR et biodiversité. Et pourtant, la Commission européenne n’a pas évalué les effets potentiels de ces technologies sur l’environnement, qui vont du déplacement d’espèces aux changements dans la structure des populations, en passant par l’évolution des aliments disponibles ou la modification des schémas de migration. Les auditeurs craignent que l’essor des EMR en Europe se fasse au détriment du milieu marin, au-dessus comme au-dessous du niveau de la mer.
Les énergies marines renouvelables ne coexistent que rarement avec d’autres secteurs d’activité. Les conflits avec les pêcheurs en particulier restent souvent dans l’impasse, et l’opposition aux EMR se ravive dès qu’un projet est évalué. Il est tout aussi regrettable que les pays de l’UE qui partagent les mêmes eaux marines ne montent que rarement des projets communs et se privent ainsi d’occasions d’utiliser de manière plus efficiente un espace maritime limité. Par ailleurs, les implications socio-économiques du développement des énergies marines renouvelables n’ont pas fait l’objet d’études suffisamment approfondies.
Un accès limité aux matières
Les auditeurs font aussi observer que les risques liés à l’approvisionnement en matières premières peuvent ralentir le déploiement de ces énergies. Actuellement, ces matières premières sont presque entièrement fournies par la Chine, qui joue également un rôle déterminant dans la fabrication d’aimants permanents pour les générateurs d’éoliennes. La dépendance de l’UE à cet égard peut créer des goulets d’étranglement, et les auditeurs alertent sur la sécurité de l’approvisionnement dans le contexte actuel de tensions géopolitiques. Autre frein au développement des EMR : la longueur des procédures nationales d’octroi de permis. La France, par exemple, compte parmi les pays qui ont les plus longs délais d’approbation des installations éoliennes en mer, qui peuvent atteindre 11 ans.
Tout cela n’entame pas les ambitions de l’UE, qui entend faire passer la capacité installée sur son territoire de 16 GW seulement aujourd’hui à 61 GW en 2030 et 340 GW en 2050. Il est donc impératif de déployer des installations d’EMR rapidement et sur une grande échelle, ce qui nécessitera un espace maritime très vaste et mobilisera quelque 800 milliards d’euros, provenant principalement du secteur privé. D’après le rapport, ces objectifs pourraient être difficiles à atteindre.