Responsable Reach au sein de l'Union des industries chimiques ( UIC), Sonia Benacquista, ingénieur chimiste de formation, témoigne des besoins et des attentes des industriels, petits et grands, face à la mise en œuvre de ce règlement aussi ambitieux que complexe.
Reach touche tous les secteurs d'activité. Comment l'expliquer ?
On a l'habitude de dire que la chimie est la mère de toutes les industries. Dans l'élaboration de mélanges, comme les peintures, les détergents ou les cosmétiques, et d'articles, tels qu'un avion, un ballon de basket ou un stylo-bille, a été utilisée au moins une substance chimique pouvant être soumise à enregistrement.
Un fabricant de stylos-billes par exemple, peut assembler le stylo et le mettre sur le marché en France, après avoir importé l'encre, un mélange, et le tube en plastique, un article. En tant qu'importateur, bien qu'éloigné de l'industrie chimique, il peut être concerné par l ' e n r e g i s - trement.
Pourquoi la situation des PME est-elle un sujet de préoccupation ?
Plu s on av a nce dans les faibles tonnages, plus les acteurs concernés par Reach seront des PME-TPE. En 2010, les enregistrements ont été effectués à 86 % par de grands groupes. À partir de 2013, on s'attend à compter de plus en plus de PME, à tous les niveaux. Or, appliquer Reach appelle des compétences pluridisciplinaires dont ne disposent pas toujours ces entreprises. Et, plus spécifiquement, une PME occupant un marché de niche peut devoir absorber seule le poids et les coûts de l'enregistrement.
Une revue du règlement dev r a it se conc lu re à l'automne. Quelles sont les attentes des entreprises françaises ?
Après un fort investissement pour que Reach fonctionne, les industriels ont surtout besoin de stabilité. Aussi, l'ensemble de l'industrie chimique européenne sou ha ite que le règlement ne soit pas modifié à l'issue de cette revue. Par ailleurs, pour faci l iter la v ie des PME, nous demandons une approche pragmatique de la part des autorités. Et, plus généralement, nous souhaitons une application homogène entre États membres, afin d'éviter des distorsions de concurrence au sein même de l'Europe.
Reach a-t-il dopé la compétitivité des entreprises ?
Non, pour plusieurs raisons. Déjà, le coût de mise en conformité avec la procédure d'enregistrement a été sous-estimé. En 2003, la Commission l'avait évalué, au total, à 2,3 milliards d'euros sur les trois échéances. Mais, les retours font état de 2,1 milliards d'euros, seulement pour celle de 2010. De plus, Reach impose l'enregistrement à chaque étape de fabrication d'une substance chimique. Alors que si la chaîne de production est située hors Europe, seule cette substance finale, si elle est importée, est soumise à enregistrement. Aussi, nous demandons l'application des principes de Reach à l'échelle mondiale. Mais c'est un long chemin à parcourir. D'autres pays, comme les États-Unis, le Canada ou la Chine, possèdent une réglementation spéciale sur les produits chimiques. Mais leur champ d'application est généralement réduit par rapport à Reach, qui reste certainement la réglementation la plus exigeante.