Après les vélos, les taxis et les véhicules utilitaires, c’est au tour des bus d’emprunter le chemin de l’hydrogène. Les premiers trains sont aussi attendus sur le réseau ferroviaire français, mais ils fonctionneront en bimode : électrique et pile à combustible.
Les projets de mobilité hydrogène s’accélèrent sur le territoire. L’observatoire Vig’Hy, piloté par l’Association française pour l’hydrogène et les piles à combustible (Afhypac), recense une trentaine de stations en fonctionnement et plus de 130 projets prévus d’ici à 2023. Au départ, les stations à hydrogène étaient surtout destinées aux véhicules utilitaires légers et aux vélos pour une distribution de quelques kilogrammes par jour. Désormais, leur production atteint les 200 kg quotidiens et s’adresse à tous les types de transport.
En juin 2019, la ville de Houdain (Pas-de-Calais) a en effet inauguré la première station pour alimenter des bus en hydrogène. La technologie retenue est un électrolyseur fourni par McPhy. L’unité consommera 15,5 l d’eau pour produire 1 kg d’hydrogène, sachant que la production journalière est estimée à 117 kg/j pour les six bus prévus, dont trois fonctionnent en mode hybride (électrique et essence). En septembre 2019, c’est la ville de Versailles (Yvelines) qui inaugurait sa ligne de bus 100 % hydrogène, suivi deux mois plus tard par Pau (Pyrénées-Atlantiques).
142 demandes publiées
Et ce n’est qu’un début. L’Afhypac a déjà identifié 142 demandes publiées de bus à hydrogène en cours de déploiement ou envisagés dans les dix-huit prochains mois. « En tenant compte des informations non publiques dont nous disposons, nous arrivons à plus de 300 demandes pour le marché français », déclarait Valérie Bouillon-Delporte, vice-présidente de l’Afhypac lors d’une matinée d’informations sur la mobilité hydrogène dans les collectivités, organisée en novembre 2019. Montpellier et Strasbourg feraient partie des villes les plus ambitieuses, avec une flotte respective de 20 et 30 bus à hydrogène.
Si l’intérêt pour ces véhicules arrive plutôt tard en France, le pays pourrait rapidement rejoindre le peloton de tête à l’échelle européenne. Car la technologie offre des avantages par rapport à l’électrique. Alors qu’un bus électrique nécessite environ quatre heures pour se recharger, un bus à hydrogène fait le plein en moins de vingt minutes. Mais la technologie coûte encore relativement cher. Déjà engagée pour le développement des véhicules électriques, l’Union des groupements d’achats publics (Ugap) a annoncé l’été dernier un plan pour les bus à hydrogène, dont l’objectif est d’atteindre les 1.000 véhicules d’ici à 2023. La centrale lancera d’ailleurs un appel d’offres en mars prochain auprès des constructeurs. Les lauréats seront retenus à l’été, et à partir de septembre, les collectivités intéressées pourront lui commander leurs véhicules.
Bientôt des trains à hydrogène
En plus des bus, la France devrait bientôt accueillir ses premiers trains à hydrogène sur son réseau ferroviaire. En août 2019, la SNCF a annoncé la signature avec Alstom d’un contrat pour une quinzaine de trains. Contrairement aux modèles Coradia iLint allemands du constructeur, qui ne fonctionnent qu’à partir de leurs piles à hydrogène, les futurs trains Régiolis hydrogène seront munis d’un pantographe pour être alimentés par les caténaires lorsqu’ils rencontreront des lignes électrifiées. Ce choix de développement de trains bimodes émane des Régions dans le but de rentabiliser l’électrification des lignes qui a coûté déjà beaucoup d’argent. Les projets de développement de bicyclettes à hydrogène ne sont pas oubliés. Le fabricant savoyard Ataway a signé à l’automne 2019 un accord-cadre avec la Région Auvergne-Rhône-Alpes pour le déploiement de stations à hydrogène pour les vélos sur le territoire. « Les collectivités intéressées par la démarche peuvent d’ores et déjà solliciter la Région pour développer la pratique du vélo dans le cadre d’une démarche touristique ou de mobilité douce », présente Jean-Michel Amaré, cofondateur et président d’Atawey. Cette accélération des projets en France s’inscrit dans les objectifs fixés par le plan de déploiement de l’hydrogène pour la transition énergétique dévoilé par Nicolas Hulot en 2018. Si la centaine de stations promises devait devenir une réalité en 2023, ce développement reste essentiellement lié à la volonté de quelques collectivités et entreprises.
Avec la Région Auvergne-Rhône-Alpes qui ambitionne d’être le premier territoire à hydrogène en France avec son programme Zero Emission Valley, la région Bourgogne-Franche-Comté croit elle aussi à la technologie. Après la plateforme FC Lab de l’université de technologie de Belfort-Montbéliard, qui totalise plus de la moitié des publications sur la pile à combustible, c’est un autre pôle majeur qui va sortir de terre. Le Territoire-de-Belfort va en effet accueillir l’Institut national du stockage d’hydrogène (Isthy) dans un bâtiment de 2.000 m2 sur l’Aéroparc de Fontaine. Le chantier doit commencer cet été pour une ouverture en 2021. L’Isthy ambitionne d’être le centre français de référence en matière d’essai et de certification des réservoirs à hydrogène, qui équiperont des voitures, mais aussi des camions, des locomotives et même des bateaux. « La France est déjà un acteur majeur de la recherche et de l’innovation dans le domaine de l’hydrogène énergie et des piles à combustible, avec notamment le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA). Il faut conserver cette avance technologique », défend Valérie Bouillon-Delporte.
Forte concurrence de la Chine
La filière automobile française s’intéresse elle aussi à l’hydrogène. En novembre 2019, l’équipementier Faurecia et Michelin annonçaient la création de Symbio, « a Faurecia Michelin hydrogen Company », une coentreprise regroupant l’ensemble de leurs activités liées à la pile à hydrogène. À terme, cette coentreprise prévoit de développer et de commercialiser des systèmes de piles à hydrogène pour les véhicules légers, les utilitaires et les poids lourds, à partir de trois sites industriels implantés en Europe, en Asie et aux États-Unis. Pour le marché européen, la nouvelle usine devrait être basée en région Auvergne-Rhône-Alpes. « La création officielle de cette coentreprise est une nouvelle étape importante dans la stratégie de devenir un leader mondial des systèmes à hydrogène », déclare Patrick Koller, directeur général de Faurecia. Symbio vise en effet 25 % du marché de l’hydrogène, avec un chiffre d’affaires de 1,5 milliard d’euros en 2030.
Mais la France doit faire vite face à la concurrence déjà bien présente sur le marché. Pionnière en matière de voiture électrique, la Chine s’est lancée dans un vaste programme de mobilité hydrogène en 2016. Le nombre de véhicules en circulation dans le pays a dépassé le millier en 2018, l’ambition est de passer à 50.000 véhicules en 2025 et un million en 2030. Le Japon et la Corée du Sud ne sont pas en reste. Les deux constructeurs Toyota et Hyundai prévoient de multiplier par dix leur production à partir de 2021 pour atteindre 30.000 voitures à hydrogène par an. À Paris, la flotte de taxis Hype, qui devrait compter 600 véhicules à hydrogène d’ici à la fin de l’année, est coréenne et japonaise. Déjà très en retard sur l’offre de véhicule électrique, la filière automobile française fait donc le pari de l’hydrogène où tout reste à faire. Après Renault, c’est au tour de Peugeot de s’intéresser à la technologie. Lors de la dernière édition du Salon de l’automobile de Francfort, en septembre 2019, la marque au Lion a en effet annoncé le lancement de véhicules à hydrogène dès 2021.
Une énergie pas tout à fait propre
Pas question cependant de mettre en concurrence l’électrique et l’hydrogène. Pour les acteurs de la filière, ces deux technologies restent complémentaires. Pour les voitures à hydrogène, l’autonomie peut atteindre 700 km pour un plein en cinq minutes. « Si l’électrique offre une solution écologique aux trajets de courte distance des voitures particulières, l’hydrogène répond bien aux usages intensifs des véhicules lourds ou légers », résume Jean-Michel Amaré.
En outre, cette énergie n’est pas encore totalement propre. Même si cette technologie est peu consommatrice d’eau par rapport au pétrole, elle fonctionne encore majoritairement à partir d’énergies fossiles. Mais pour l’Afhypac, la priorité porte d’abord sur la qualité de l’air. « L’hydrogène, c’est zéro émission de carbone dans l’atmosphère. Même si la production est encore majoritairement issue d’énergies fossiles ou du nucléaire, comme pour l’électrique, on tend vers un hydrogène décarboné », conclut Valérie Bouillon-Delporte.
Train hydrogène / Alstom / DR
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Article publié dans
Environnement Magazine n° 1778.