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POLITIQUES

Chimie du végétal :

PUBLIÉ LE 1er JUILLET 2011
LA RÉDACTION
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La raréfaction du pétrole n'inquiète pas seulement les automobilistes. Les chimistes savent bien, eux aussi, qu'il leur faudra un jour se passer de la précieuse huile noire, ou du moins la réserver aux usages incontournables. Et la tâche est immense. En effet, la chimie est à l'origine des plastiques, des médicaments, des tensioactifs ou encore des composants des peintures et des colles... Si ces usages ne consomment que 9 % du pétrole au plan mondial, ils restent indispensables. Alors, par quoi remplacer l'or noir ? D'ores et déjà, inquiets des variations du cours du brut, les industriels de la chimie tentent de diversifier leurs matières premières. Ils se tournent vers le gaz et le charbon, susceptibles de fournir carburant et précurseurs des matières plastiques. Plusieurs projets sont déjà en cours au niveau mondial. Mais pour pallier la mauvaise image environnementale de ces ressources, la biomasse se montre beaucoup plus attrayante. Renouvelables, les matières premières végétales sont aussi l'occasion de réduire les émissions de dioxyde de carbone (CO2). Autant d'arguments qui poussent les chimistes à retrousser leurs manches. Mais attention, ils ne partent pas de zéro. Car la chimie n'utilise le pétrole que de manière récente, depuis la Seconde Guerre mondiale. Auparavant, le charbon était la source principale de matières organiques, notamment pour la chimie des pigments et des colorants, et avant encore, la biomasse. Certains objets comme le papier n'ont jamais cessé d'être fabriqués à partir de biomasse. D'autres molécules sont apparues, il y a quelques décennies, comme le Rilsan, un thermoplastique à base d'huile de ricin, utilisé comme revêtement de pièces métalliques et que commercialise aujourd'hui Arkema. Néanmoins, la chimie du végétal connaît une nouvelle jeunesse. De premières unités industrielles sont sorties de terre au cours des dernières années, et plusieurs sont sur le point d'être lancées. Récemment, la start-up américaine Bioamber a démarré une unité de 3 000 tonnes par an d'acide succinique, sur le site de Bazancourt près de Reims (51). L'acide succinique, habituellement obtenu à partir du pétrole, est un intermédiaire utilisé aussi bien dans la fabrication de polymères que de résines, de produits alimentaires et de produits pharmaceutiques. Il est également employé dans les cosmétiques, les additifs alimentaires, les arômes, etc. Dans le procédé de Bioamber, il est issu de céréales, de canne à sucre, de riz, de lignocellulose ou de glycérine. « Ce composé pourrait également remplacer des produits dangereux pour l'environnement, comme l'acide adipique dans le polyuréthane, un plastique utilisé pour les mousses de matelas ; ou les succinates servant au dégivrage des avions, indique Babette Pettersen, vice-présidente chargée des ventes et du marketing chez Bioamber. Il peut aussi remplacer des produits nocifs comme les phtalates, une famille de plastifiants. » Chaque année, 30 000 tonnes d'acide succinique sont mises sur le marché. Mais ce pourrait être trois ou quatre fois plus avec les perspectives ouvertes par la version végétale de la molécule, selon Babette Pettersen. Bioamber n'est d'ailleurs pas la seule société visant ce marché : le français Roquette, en collaboration avec le hollandais DSM, va démarrer cette année, en Italie, une unité de fabrication de 10 000 tonnes par an d'acide succinique issu de l'amidon. La société Metabolic Explorer, quant à elle, démarrera fin 2012 une usine de 8 000 tonnes par an de 1-3 propanediol (PDO), qui sert à fabriquer les fibres textiles en polyester. La capacité de cette usine pourrait ensuite être portée à 50 000 tonnes. « Historiquement, le PDO était d'origine pétrolière, rappelle Benjamin Gonzalez, fondateur de Metabolic Explorer. Puis l'américain Dupont l'a fabriqué à partir de maïs selon un procédé plus rentable que le procédé pétrochimique, si bien que Shell a arrêté sa production. Nous utiliserons un sous-produit de la production du biogazole, ce qui est plus rentable et meilleur pour l'environnement que le maïs. » Autre molécule bien développée, l'acide polylactique (PLA), issu, dans certaines conditions, de la fermentation des sucres. Biodégradable, il est notamment utilisé dans l'emballage alimentaire. Futerro, une société conjointe de Total et Galactic, a lancé, en avril 2010, une unité de démonstration de la production de cet acide et envisage le passage à la phase industrielle de 70 000 tonnes par an. Le français est en retard sur l'allemand BASF, qui propose déjà un plastique biodégradable, Ecovio, composé à 45 % d'acide polylactique. Et, surtout, aux États-Unis, Natureworks possède une unité de 140 000 tonnes par an. Bien sûr, les Européens ne sont pas les seuls à développer la chimie du végétal. L'un des pays les plus avancés est le Brésil qui, fort de sa culture massive de canne à sucre, produit de grandes quantités d'éthanol, utilisées aussi bien comme carburant qu'en chimie. La société brésilienne Braskem a ainsi inauguré, en septembre 2010, une unité de production de 200 000 tonnes par an de polyéthylène (PE) et prévoit le démarrage, fin 2013, d'une usine de 30 000 tonnes de polypropylène (PP). Mais le cas du Brésil peut difficilement être imité et, nulle part ailleurs, le PP et le PE d'origine végétale ne sont compétitifs. En revanche, l'Europe l'importe : Danone, Tetra Pak et Ecover, par exemple, l'utilisent pour emballer leurs produits. Il existe, par ailleurs, de nombreux pilotes de R & D pour de nouveaux produits à base de végétaux. La Compagnie industrielle de la matière végétale ( CIMV) s'intéresse, par exemple, aux matières premières non alimentaires, notamment la paille. Une ressource qui, comme le bois, apporte une réponse au débat sur la compétition entre cultures alimentaires et industrielles, déjà posées par les agrocarburants. La CIMV a déjà reçu le Prix Pierre Potier pour l'innovation en chimie en faveur du développement durable pour son procédé, un concept original de raffinage végétal qui sépare et valorise les trois principaux constituants de la matière végétale, à savoir la cellulose, l'hémicellulose et la lignine. Elle construit une usine à Loisy-sur-Marne (51), en Champagne-Ardenne. Elle traitera 600 tonnes de paille de blé par jour dès 2012, et produira de la cellulose pour les papetiers, mais aussi des résines phénoliques très utilisées aujourd'hui dans l'industrie et, enfin, des sucres pour l'alimentation animale ou les biocarburants. Une vraie bioraffinerie (cf. encadré). Parfois, la chimie verte est en étroite symbiose avec les biocarburants. Ainsi, la fabrication du biogazole génère un coproduit, le glycérol, qui intéresse de nombreux chimistes. Arkema possède ainsi un pilote industriel pour transformer le glycérol en acide acrylique, un produit habituellement d'origine pétrolière et utilisé comme matériau absorbant pour les couches ou dans les peintures. Le groupe décidera dans un an de l'industrialiser ou non. Bref, les nouveaux produits ne foisonnent pas encore, mais on observe déjà un peu de diversité. Cependant, entre la faisabilité technique et la création d'une nouvelle industrie basée sur le végétal, il y a un pas que le marché est loin de franchir. La principale difficulté est de passer du pilote de R & D au stade industriel. Les entreprises aimeraient que l'État mette la main à la poche pour les aider à construire leur première usine. Or, l'Europe ne peut pas subventionner une unité industrielle, contrairement à ce qui se passe aux États-Unis, regrette l'UIC. Ensuite, l'accès au marché est malaisé, car il est saturé par les molécules issues de la chimie pétrolière. Globalement, les molécules d'origine végétale sont de deux types. Dans le premier cas, le composé se substitue à une molécule existante et, pour s'imposer, il doit être moins cher que son homologue issu de l'or noir ou remplir la même fonction qu'un produit décrié, comme les phtalates. « Les clients ne payeront pas plus cher pour un produit issu du végétal », affirme Jean-Francis Spindler, du pôle de compétitivité Axelera. Et même moins cher, une matière première renouvelable risque de ne pas s'imposer si elle est incapable de rentrer directement dans le process des usines : un complexe chimique est très coûteux à développer et se construit pour plusieurs dizaines d'années. Deuxième possibilité, le composé d'origine végétal est un nouveau produit, pour lequel un marché doit être créé, ce qui prend du temps, et dont il faut tester la toxicité, ce qui est rarement à la portée des PME. Ainsi, la success story de l'acide succinique n'est pas facilement transposable à d'autres produits. Sauf dans les cas où le marché est prêt à payer davantage pour un produit d'origine végétale. Comme c'est le cas dans le domaine des cosmétiques, et plus généralement des produits destinés au grand public, où la question de l'image et les inquiétudes autour de la toxicité des produits « chimiques » (par opposition aux produits « naturels ») sont prépondérantes. En revanche, Reach, la législation européenne sur les produits chimiques, joue un rôle positif. En effet, l'interdiction de certains produits jugés trop toxiques oblige les industriels à revoir l'ensemble de leurs formulations et favorise l'arrivée de nouvelles molécules, dont celles d'origine végétale. « Beaucoup de solvants ou de plastifiants tendent à être remplacés par leurs homologues "verts", observe Daniel Marini, directeur des affaires économiques et internationales à l'Union des industries chimiques ( UIC). Néanmoins, il faut aussi vérifier l'impact sur la santé et sur l'environnement de ces substances d'origine végétale. Ce sont des produits chimiques comme les autres. Cette homologation prend du temps. » Pour Moussa Naciri, directeur des sociétés Oleon et Novance (groupe Sofiprotéol), « les produits d'origine végétale pourront remplacer certaines substances bientôt interdites, comme les phtalates ou les lubrifiants utilisés dans les zones sensibles, par exemple les huiles de tronçonneuses, qui se retrouvent dans la nature. » Enfin, les consommateurs sont de plus en plus demandeurs de peintures et autres revêtements sains, et plébiscitent les produits issus du végétal. Autre obstacle : la formation, qui reste à la traîne. « La chimie verte n'est enseignée que tardivement dans les cursus et de manière très succincte », regrette Sylvain Caillol, délégué général de la chaire Chemsud, qui rassemble des industriels et des universitaires. Le prix de la tonne de CO2, qui pourrait augmenter à partir de 2013 lors de la nouvelle phase d'échanges de quotas, devrait, quant à lui, favoriser le développement de la chimie du végétal. À condition qu'on n'assiste pas à une « fuite » des usines, autrement dit que les industriels n'aillent pas s'installer hors d'Europe pour éviter les taxes. Et bien sûr, le prix du pétrole, et plus généralement de l'énergie, aura un impact significatif. Surtout, les chimistes doivent être certains que le remède n'est pas pire que le mal, autrement dit, que les produits d'origine végétale ne sont pas plus néfastes pour l'environnement que leurs homologues pétroliers. Et cela, seule une analyse de cycle de vie (ACV) menée de manière rigoureuse peut l'affirmer. Pourtant, elle est encore rarement demandée par les clients, qui s'intéressent souvent plus au marketing de l'appellation « produit d'origine végétale » qu'à son impact réel. Or, un produit à base d'huile de palme peut être cause de déforestation, donc d'émissions de gaz à effet de serre et de perte de biodiversité. « L'analyse de cycle de vie est pourtant fondamentale pour que la chimie du végétal soit réellement durable, estime Daniel Thomas, président du pôle de compétitivité Industries et agroressources (IAR). Mais on manque de personnes capables de faire une ACV à la fois sur l'aspect agricole et sur les procédés biochimiques, mais aussi de données. Certains chimistes se contentent d'une ACV entre l'entrée et la sortie de l'usine, ce qui ne veut rien dire ! » Une opinion que partage Benoît Hartmann, porte-parole de France nature environnement : « Les réflexions sur la chimie verte portent uniquement sur l'aspect économique, on oublie qu'elle n'est pas forcément vertueuse. L'évaluation environnementale manque. » Pour l'instant, le gain environnemental n'est mesuré qu'à l'aune de la consommation d'énergie et des émissions de CO2. Mais végétal n'est pas forcément synonyme de durable.
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